Les complotistes. On les a traités au mieux d’inoffensifs dingos, au pire de tarés dangereux, et voilà, alors qu’ils ont quitté la scène depuis longtemps, que le Réel nous sert un énorme rôti de complotisme bien fumant sur un plateau d’argent : la concentration finale dans la presse, qui se dirige vers un titre unique, Le Média, comme on le subodore depuis des années.
La solution finale de la presse
L’Express qui se compresse, Le Point qui ne va pas tarder, Le Monde et Libé qui ont viré des bataillons entiers, tous les titres-clones se rapprochent pour notre plus grand bonheur. La preuve est là, toute simple, apportée par le capitalisme, qui, comme dirait Lénine, aboutira en fin de compte au socialisme. Après le triumvirat Niel-Pigasse-Bergé (PNB), qui a racheté le fleuron de la presse française pour une bouchée de pain (moins de 100 barres), voici un nouveau triumvirat, débarrassé du vieux croulant, qui commence à sucrer les fraisiers, et remplacé par Capton.
Regardez à la fin de ce papier ce que ce que Capton produit… et vous comprendrez.
Capton(s), le producteur en vogue, qui fait dans le divertissement et la propagande, les deux mamelles des médias français. Capton, rien à voir avec le guitariste blanc, qui jouait le blues comme les Noirs, non, il s’agit d’un bon yuppie à la française. Qui voit grand. Grand comme Bertelsmann, le géant des médias allemand. Le plus drôle, c’est le titre du fonds qu’ils veulent créer, avec cotation en bourse : Media One. Unique ! Les complotisies avaient raison !
Vu la surface financière des zozos, ils ne devraient pas avoir de mal à choper 300 à 500 barres. Pour en faire quoi ? Racheter les bêtes souffrantes du troupeau, c’est-à-dire quasiment toutes.
La concentration, c’est la mort (des espèces)
Le business-model de ces barracudas est simple : on rachète un titre à l’agonie, on découpe les parties malades, et on remet le reste sur pattes à coups de pompes pointues. Les titres, grevés par leur masse salariale et la défiance (logique) du public, perdront en moyenne un tiers de leurs salariés. Plus globalement, la masse gélatineuse des 37 000 journalistes français (titulaires de la désormais inutile carte de presse) devrait fondre sous le soleil des Satan de la reprise. Ne resteront que les acharnés, les très bons, et les supernazes payés en prestige. La bonne nouvelle, c’est la quasi-disparition d’espèces inadaptées du type Les Inrocks, qui, avec une rédaction pléthorique, arrivait à pondre un canard pour exclus de l’intelligence.
De tous côtés, rien que des bonnes nouvelles. Les fusions (quel joli mot, mais il était plus beau encore en métallurgie) brûlent un titre sur deux, grâce à l’invention géniale de la « synergie ». Ainsi, LCP et Public Sénat, qui servaient à la promotion des idées nauséabondes d’Haziza et ses potes bibistes, devront se couler en une entité, avant que cette entité ne soit à son tour fondue dans une nouvelle plus grande entité, qui aboutira au média unique, Le Média.
On y arrive, ne vous inquiétez pas. Et nous, les méchants de service (public), pour une fois on n’est pour absolument rien dans ce massacre éditorial. Dire qu’on nous serine depuis tout petit que la différence était la condition sine qua non de la pluralité, et voilà le résultat. Les donneurs de leçons se retrouvent à se cannibaliser les uns les autres.
On ne peut faire qu’une chose, c’est s’asseoir, regarder le spectacle et prendre des paris. Tiens, on va relire Les Contemplations.