En recherche de respectabilité dans des niches électorales sociologiques qui ne votent pas traditionnellement FN, Marine Le Pen a écrit le 26 novembre 2015 une lettre ouverte aux créateurs du Nord-Pas-de-Calais-Picardie, leur proposant l’ouverture de « pépinières d’artistes ».
Naturellement, la gauche, sentant une partie de son public prêt à basculer après les événements du 13 novembre, réagit. Pas touche au grisbi, semblent dire les 382 « artistes français », qu’on sent en lutte contre le « fascisme ». Bien sûr, tout cela est grotesque, les artistes et autres techniciens du spectacle ayant toujours voté pour une gauche qui assure subventions et maintien du régime des intermittents. Il ne s’agit donc pas d’un vote du coeur, mais plutôt du portefeuille.
C’est pourquoi Marine Le Pen aurait dû proposer de pérenniser le régime en question, remis en cause par les libéraux (de droite comme de gauche) : elle aurait gagné instantanément 30% de votes « artistiques » en plus. Ceux des intermittents qui sont concernés par le durcissement de la réforme à venir – car elle viendra – et qui seront mécaniquement éjectés par les nouveaux calculs (du MEDEF).
L’opération de charme de la leader du FN avec sa politique de la main tendue aux catégories en demande de sécurité (alimentaire, sociale, policière) est donc très opportuniste, puisque le pouvoir socialiste aux manettes est en train de renverser la vapeur en termes de politique sécuritaire. Quand la gauche est de droite, la droite se permet d’aller à gauche, à la pêche aux déçus.
Quant à la crainte des artistes d’un régime Front national en France, elle fait sourire. À part quelques irréductibles superintoxiqués par les médias du type Libération ou Le Monde, ils savent très bien, au fond, que si Marine Le Pen est élue présidente de la République, ils ne finiront pas en camp de concentration à casser des cailloux. On parle alors d’une espèce de gauchisme résiduel, qui a besoin du danger fasciste totalement fantasmatoire pour exister, avec une dose de frisson.
Pourtant, pas besoin du FN, la répression, on est en plein dedans : il n’y a qu’à regarder le sort fait à l’amuseur national Dieudonné et au penseur national Soral, pour comprendre que les artistes dits antifascistes sont en plein déni. Le fascisme, ils sont en plein dedans ! On est en plein dedans ! Vous êtes en plein dedans ! Oui mais voilà, ces petits calculateurs sont suffisamment malins pour ne pas (trop) tirer sur la laisse, et perdre leurs prérogatives. Homme pseudo-libre, toujours tu chériras ton Maître... Le show-biz, la Culture, on vous fait un dessin ?
Sans jouer les devins ni les supporters de Marine Le Pen, on peut rassurer nos compatriotes artistes à ce propos : non, vous ne serez pas fusillés à la Libération ; non, on ne vous coupera pas les doigts dans un stade ; oui, vous pourrez continuer à créer en toute sécurité, parce que le problème n’est pas là : vous n’êtes pas vraiment subversifs. Et être rassurés, c’est bien ce qu’ils ne veulent pas !
La candidate FN en Nord-Pas-de-Calais-Picardie s’est fendue d’une lettre aux créateurs jeudi 26 novembre. 382 artistes lui répondent.
Madame,
Que vous preniez la plume pour vous adresser aux artistes quelques jours à peine après les actes terroristes qui ont frappé nos valeurs et nos modes de vie ne nous donne aucune illusion sur vos intentions à notre égard. Tout est incompatible entre nous et seuls les intrigants, les traîtres et les crédules pourront croire un instant que la liberté de création a un sens pour le parti qui est le vôtre.
N’imaginez pas non plus une seconde que nous ne soyons pas conscients que notre société souffre de misère morale et que les victimes du 13 novembre demandent justice. A cette différence près que vous pensez « assainir » notre pays et lui redonner le goût du courage et de l’audace en fermant portes et fenêtres alors que nous pensons, à l’opposé, qu’il faut les ouvrir pour aérer nos esprits troublés au point que certains voient en vous un recours.
Nous travaillons et créons en France mais ici comme ailleurs, la liberté de création c’est d’abord l’ouverture à l’autre, celui qui n’est pas moi mais qui est égal à moi, quelles que soient sa couleur de peau, sa nationalité ou sa religion.