Rivarol : Pensiez-vous que le mouvement contre le pass sanitaire allait prendre cette ampleur inédite ?
Youssef Hindi : Oui. Dans un texte intitulé « Coronavirus : accélérateur historique » publié durant le premier confinement, le 18 avril 2020 [1], j’anticipais une amplification du mouvement de révolte amorcé par les Gilets jaunes. Pour résumer, mon analyse était la suivante : la destruction de l’économie et du Code du travail à la faveur du Covid-19 conduirait à une accélération de la paupérisation de la classe moyenne ; processus entraînant une révolte d’ampleur plus large que celle des Gilets jaunes, par la jonction de la France périphérique (que représentent les Gilets jaunes) et des catégories socio-professionnelles composant la classe moyenne.
Mais nous n’y sommes pas encore tout à fait, car les manifestations actuelles n’ont pas pour cause première l’appauvrissement de masse, lequel est provoqué sciemment par le pouvoir. Il s’agit de manifestations contre le pass sanitaire, contre la société discriminant les non-vaccinés, contre la tyrannie numérique et policière, en somme pour la liberté et l’égalité des droits. Les Gilets jaunes manifestaient, quant à eux, pour leur survie, là est toute la différence. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi les manifestations actuelles n’ont pas le caractère « violent » qu’avaient celles des Gilets jaunes.
Comment définir la dynamique et la sociologie qui l’animent ?
D’après Stéphane Sirot, spécialiste des grèves et du syndicalisme, « les manifestants sont assez diplômés et font partie, pour un certain nombre d’entre eux, de ce qu’on appelle communément classes moyennes ». [2]
Ce qui valide ce que j’anticipais en avril 2020. Les manifestations anti-pass sanitaire amorcent l’entrée des catégories supérieures (aux Gilets jaunes dont les revenus oscillent entre 1 000 et 1 500 euros net mensuels) dans le mouvement de révolte.
Cette dimension sociologique inquiète le pouvoir et l’intelligentsia aux ordres, car l’implication des éduqués supérieurs dans un mouvement de révolte, qui pourrait fusionner avec la France périphérique, augmente considérablement la possibilité d’une révolution future. C’est-à-dire la naissance d’un mouvement structuré intellectuellement, mettant hors jeu les syndicats et les organisations de gauche.
Ces manifestations ne sont pas violentes, mais elles sont massives et sociologiquement plus diverses que celles des Gilets jaunes. La radicalisation de la révolte n’adviendra toutefois que lorsque l’appauvrissement des classes moyennes, des patrons de PME et des professions intermédiaires sera insoutenable.
La mouvance « dissidente » remporte sa première victoire dans le « réel » avec ce phénomène ? L’imprégnation par l’Internet non conforme est-elle un facteur décisif pour vous de cette prise de conscience face à la « tyrannie sanitaire » ?
Je ne parle jamais de « dissidence », je préfère parler de médias alternatifs et d’opposants au système oligarchique. Le manque d’indépendance des grands médias, leurs mensonges et leur grossière propagande ont érodé la confiance du peuple qui s’est tourné vers les médias alternatifs qui ont pullulé ces dernières années, et notamment depuis le début de l’ère covidienne.
La nature a horreur du vide, et les médias alternatifs, les penseurs et analystes indépendants ont comblé ce vide. Nous avons permis à des centaines de milliers de personnes de s’armer intellectuellement, nous leur avons donné des clefs de lecture et nous leur avons désigné les ennemis principaux ainsi que les opposants contrôlés.
De ce point de vue-là, oui c’est une victoire culturelle dans une guerre de longue haleine.
Le mouvement anti-pass sanitaire est-il selon vous récupérable ou détournable par les fausses oppositions (des gauchistes aux réformistes) au Système ?
Il y a en effet une tentative de récupération du mouvement anti-pass sanitaire, notamment par Florian Philippot. J’ai donné ma position sur lui à de nombreuses reprises, donc je n’y reviendrai pas ici.
Mais l’opposition contrôlée rencontrera des difficultés à prendre le contrôle du mouvement général de révolte pour les raisons évoquées plus haut, à savoir l’implication des éduqués supérieurs dans le mouvement. Éduqués supérieurs qui, je l’espère, autonomiseront intellectuellement le mouvement. Si l’on ajoute les petits patrons, on aura un ensemble sociologique structuré sur lequel les syndicats et les organisations de gauche n’ont jamais eu de prise. Alors peut-être émergeront, des rangs du mouvement de révolte, des figures du pays réel, indépendantes du système politico-médiatique. La révolution s’accomplira peut-être par la combinaison des petits patrons et des éduqués supérieurs alliés d’une nouvelle intelligentsia autonome par rapport au système.
Comment expliquer le silence gêné d’un Jean-Luc Mélenchon ou d’une Marine Le Pen devant les manifestations ? La France insoumise comme le RN sont-ils définitivement « normalisés » ?
Ils ont été tout autant silencieux durant les Gilets jaunes. Je dirais même un silence complice du pouvoir, puisque Marine Le Pen aurait pu appeler les policiers (qui votent à 50 % pour le FN/RN) à mettre un terme aux mutilations et au matraquage abusif pendant la crise des Gilets jaunes.
Il y a deux raisons fondamentales à ce silence de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen. Ces mouvements de révolte sont composés d’une part importante de la population rejetant les partis politiques et le système électoral – ils ne votent plus ou votent blanc. Ils sont hors de contrôle des syndicats et des partis politiques d’opposition en raison de leurs trahisons répétées. Ces manifestations font peur aux partis politiques parce qu’elles incarnent une radicalité signifiant en définitive le rejet de tout le système politique, incluant les partis « d’opposition » qui sont des avatars du Système. Pour Jean-Luc Mélenchon et pour Marine Le Pen, soutenir activement ces révoltes, c’est sortir de l’arc républicain en s’exposant aux anathèmes frappant les Gilets jaunes et les anti-pass sanitaire : « complotistes », « conspirationnistes », « antisémites », « fascistes », « négationnistes », etc.
Ils ne peuvent logiquement pas accompagner un mouvement qui remet en question leur rôle, leur utilité et le système dont ils sont dépendants.
C’est ce qui explique également pourquoi Florian Philippot, qui bénéficie de la bienveillance du pouvoir, veille à éliminer de ses manifestations tout élément perturbateur désignant l’ennemi politique ; par exemple Dieudonné qui a été expulsé de la manifestation philippotesque ou encore l’interdiction des pancartes « Qui ? », jugées antisémites.
Vous suivez de près la pré-campagne d’Éric Zemmour. Quelle est, selon vous, sa « vraie » position sur la question ?
Je vais le laisser répondre. Reprenons ses déclarations et prises de position chronologiquement depuis le début de la pandémie.
Le 27 mai 2020, sur Paris Première, Fabrice Di Vizio, avocat du collectif de médecins C 19, qui a également déposé une plainte contre des ministres, a été l’invité de l’émission Zemmour & Naulleau. À cette occasion, Éric Zemmour a défendu l’action gouvernementale, en rejetant la faute sur ceux qui ont porté plainte contre les membres de l’Exécutif. Zemmour a directement accusé l’avocat Fabrice Di Vizio d’être responsable de la politique de confinement menée par le gouvernement :
« C’est à cause de vous qu’on ne déconfine pas assez vite. C’est-à-dire que vous terrorisez Édouard Philippe. C’est sûr. À cause de vous, il est obsédé par Laurent Fabius (NDA : il fait référence à l’affaire du sang contaminé) et donc il n’ose rien faire. »
Lorsque le scandale des dîners clandestins a éclaté alors que les Français étaient confinés et semi-confinés depuis un an, Éric Zemmour a évidemment pris parti pour la caste dirigeante contre le peuple lors de son émission Face à l’info le 7 avril 2021 :
« Je vous avoue que je suis sidéré par l’importance accordée à cette histoire, par la violence (!) des réactions. Soyons sérieux, c’est une histoire de cornecul, c’est vraiment trois fois rien. Le Français avait la réputation d’être léger, là je lui trouve une rigueur toute germanique, c’est ‘‘dura lex, sed lex’’ (NDA : la loi est dure, mais c’est la loi). Vraiment ça me sidère l’importance accordée à cela. Et vraiment je vous dis, la méchanceté, la fureur ! » [3]
Selon Zemmour, les Français sont de méchants germaniques – sous-entendu presque des nazis – quand ils s’agacent de voir leurs bourreaux prendre du bon temps tandis qu’ils sont appauvris, enfermés chez eux et fliqués.
Quant à la vaccination obligatoire, Zemmour s’y est dit opposé, mais, car il y a toujours un « mais » :
« On peut favoriser la vaccination. On peut rendre, par exemple, le passe obligatoire dans différents endroits. On peut inciter à la vaccination, moi je veux bien, on a le droit quand on est au gouvernement de choisir ce qu’on veut favoriser. On pourrait supprimer la gratuité pour les tests. » [4]
Zemmour soutient dans les faits la tyrannie sanitaire, l’écrasement des Français. Il est et a toujours été complice des traîtres et autres sociopathes au pouvoir, c’est pourquoi il est si médiatisé et promu par tous les moyens, n’en déplaise à ceux qui placent en lui leurs espoirs. Il n’a nulle intention de remettre en cause le capitalisme mondialisé et financiarisé, la tyrannie de l’argent-roi, le pouvoir des Rothschild. Il n’agit nullement en faveur des classes populaires et des classes moyennes dont il se moque éperdument, puisqu’il ne remet en cause ni l’euro ni l’Union européenne qui empêchent la France de pratiquer une politique protectionniste.
Il s’agit pour lui et ses soutiens oligarchiques de déplacer la colère du peuple vers un seul ennemi facile, un bouc émissaire, le musulman, jugé seul coupable d’absolument tous les maux, pour permettre le maintien de la même domination communautaire, judéo-sioniste, sur les mœurs, les institutions, les consciences et même sur l’extrême droite, grand-remplacée par les Zemmour, Lévy, Goldnadel et consort. D’ailleurs, ses principaux soutiens, Julien Madar et Jonathan Nadler, sont des banquiers d’affaires venus de chez Rothschild et de JP Morgan. On fait mieux comme position anti-Système !
La mobilisation contre la tyrannie sanitaire pourrait-elle être le trouble-fête de la campagne présidentielle ?
La campagne présidentielle ne sera qu’une vaste mascarade pseudo-démocratique durant laquelle on va agiter des chiffons, où des pantins vont s’égosiller autour de l’islam une énième fois, pour aboutir à la réélection, plus ou moins truquée, de Macron.
Sous sa forme actuelle, la mobilisation contre la tyrannie sanitaire n’inquiète pas le pouvoir. Des manifestations autorisées, ne s’approchant pas des lieux de pouvoir, ne sont pas de nature à faire peur à Macron comme durant les premiers actes des Gilets jaunes. Toutefois, la tension augmente, la violence politique est notre avenir. Et cela, Macron le sociopathe en est conscient ; il serait même en pleine « psychose » et craindrait, d’après son entourage, « que ça pète de partout ».
Mais comme je l’ai écrit plus haut, le mouvement de révolte n’est pas encore arrivé à maturation pour se transformer dans l’immédiat en révolution. Mais nul ne connaît les événements futurs avec précision. À mon sens, les années 2022 et 2023 seront décisives pour l’avenir de la France, car les conséquences économiques et sociales de la politique destructrice de Macron – le poulain de David de Rothschild, d’Alain Minc et de Jacques Attali – vont se faire sentir. Les classes moyennes, les éduqués supérieurs et les patrons de PME vont souffrir, et le processus d’agrégation de ces catégories au mouvement de révolte va s’accélérer tout en le radicalisant.
Rendez-vous sur le site de la revue Rivarol
pour commander un numéro ou s’abonner.