La mer de Chine du Sud serait, de l’avis de nombreuses publications occidentales, le prochain point de contentieux potentiel sur la scène géopolitique mondiale. La rhétorique officielle est aussi agressive qu’elle est mal informée, se fixant sur une prétendue agression de la République populaire de Chine qui déclare sa souveraineté sur une large étendue maritime de la mer de Chine du Sud, bien au-delà de ses eaux territoriales (limite des 12 milles marins) et de sa zone économique exclusive (limite des 200 milles marins) que la loi internationale reconnaît.
Cette rhétorique excessivement dramatique de la part des États-Unis a mené au moins un analyste politique à qualifier ces soi-disant « analyses » de la situation en mer de Chine du Sud comme étant « le plus gros tas de sottises analytiques sur l’Asie du Sud-Est depuis que la CIA a confondu en 1981 des déjections d’abeilles avec des souches d’armes bactériologiques d’origine russe ».
La discussion au sujet de la mer de Chine du Sud contient plusieurs éléments qui doivent être examinés séparément avant d’envisager des conclusions sur leur éventuelle importance. Il est utile, pour comprendre la situation, de comparer les différentes revendications territoriales en mer de Chine du Sud.
La majorité des arguments récents porte sur la zone de mer de Chine du Sud contenue à l’intérieur de la limite appelée la « Ligne en 9 traits ». Il s’agit d’une ligne en neuf pointillés dessinés sur une carte, tirant vers le Sud à partir de l’île chinoise de Hainan, longeant la côte vietnamienne, pour ensuite remonter vers le Nord en direction de la Chine, en englobant des zones entières appartenant aux zones économiques exclusives du Vietnam, de la Malaisie, de Brunei, des Philippines et de Taiwan.
La première remarque à faire à propos de la « Ligne en 9 traits » est qu’elle fut établie par le gouvernement nationaliste chinois dirigé par Tchang Kaï-chek en 1948, soit deux ans avant l’établissement de la République populaire de Chine. Lorsque le gouvernement nationaliste fut expulsé de Chine continentale et s’établit à Taiwan, le gouvernement taiwanais conserva à peu près les mêmes revendications territoriales au sein de la « Ligne en 9 traits », tout comme la République populaire de Chine.
Les revendications taïwanaises perdurent à ce jour. Taiwan maintient une présence militaire sur l’île de Taiping (Itu Aba), la plus grande de l’archipel des Spratleys, à environ 1 600 kilomètres au sud-ouest de Taiwan. Taiwan maintient une autre présence militaire sur les îles Dongsha (Pratas) à environ 400 kilomètres au sud de ses côtes.
En février 2008, les Taïwanais ont construit une piste d’atterrissage de 2 000 mètres de long sur l’île Taiping. Alors que ces deux îles sont bien en dehors de la zone économique exclusive revendiquée par Taiwan, aucun gouvernement occidental, incluant l’Australie et les États-Unis, n’ont trouvé à redire à cette activité de nature militaire.
Les îles Spratleys sont un archipel de 230 îles, récifs coralliens, îlots et bancs de sable, dont seulement une trentaine émerge de l’eau à marée haute. Des six pays qui revendiquent les îles Spratleys, seul le royaume de Brunei n’y a pas bâti de structures sur pilotis, comme ceux qui existent sur la quarantaine d’îlots et récifs coralliens. Malgré cela, les médias occidentaux se focalisent exclusivement sur l’activité agressive de construction de terre-plein et de bâtiments pratiquée par la Chine.
Une des raisons des constructions sur ces îlots artificiels est de permettre à leur propriétaire de revendiquer les droits exclusifs d’exploitation économique des eaux environnantes. Pourtant, selon le droit international, l’occupation de simples rochers, récifs coralliens et bancs de sable ne peut servir de base légale à une revendication pour une exploitation économique d’une zone maritime.
Mais cette activité de construction ne se limite pas à la mer de Chine du Sud. Le Japon revendique la souveraineté sur un atoll inhabité appelé Okinotorishima, situé à 1 700 kilomètres au sud de Tokyo, là aussi très au-delà de toute zone maritime pouvant faire partie des eaux territoriales japonaises. Le gouvernement japonais a dépensé des milliards de dollars pour y créer une île artificielle bétonnée, érigée à 1,50 mètre au-dessus du niveau de la mer, sur laquelle est installée une station de recherche. La zone environnante est primordiale en termes d’intérêt économique et militaire, ce qui laisse entrevoir les vraies motivations du Japon.
La validité des revendications japonaises sortent du cadre de cet article. Ce qui est intéressant ici est que les activités du Japon, identiques à celles de la Chine en mer de Chine du Sud, n’ont déclenché aucune réaction hostile de la part de l’Australie ou des États-Unis.