Le 8 juin 2017 auront lieu les élections législatives anticipées du Royaume-Uni. 11 jours avant le début des négociations sur le Brexit... Plusieurs événements déterminent ce scrutin : le vote surprise pour le Brexit du 24 juin 2016 (52% pour la « sortie »), l’avènement de Donald Trump de l’autre côté de l’Atlantique (8 novembre 2016), la démission de David Cameron dans la foulée du Brexit le 11 juillet 2016, remplacé rapidement par Theresa May, et plus récemment, l’attentat de Manchester (22 mai 2017). Mais n’oublions pas l’austérité, qui est soi-disant la seule politique possible depuis près de 40 ans sur l’île et qui impacte la majorité du peuple britannique.
Donné largement gagnant, le parti conservateur a vu son avance fondre lors de l’apparition télévisée des deux leaders. Theresa May a été mise en difficulté sur deux points très sensibles pour les électeurs : la baisse des effectifs de police – une politique classique de la droite aux affaires, qui privilégie la baisse d’impôts par rapport au maintien des services publics – qui s’est révélée désastreuse lors de l’attentat de Manchester, et le Brexit.
Pourquoi le Brexit ? Parce qu’en 2016, les conservateurs ont fait campagne pour rester dans l’Union européenne, avant de retourner leur veste, une fois le résultat des urnes acquis. May s’est donc fait la championne du Brexit, dont toute l’Angleterre mainstream disait auparavant qu’il mettrait le pays à genoux. Il n’en a rien été, la City a continué à gagner de l’argent, voire beaucoup plus. On a même imaginé que le pari (perdu) de Cameron face à Farage était un coup monté de l’oligarchie financière, qui avait plus à gagner ou moins à perdre en lâchant les 27 autres pays de l’UE.
Le débat du lundi 29 mai a vu et les journalistes et le public afficher questions et ironie mordante devant la candidate du parti donné gagnant. En bon challenger, Corbyn a gagné des points, jouant sur son slogan de campagne For the many, not for the few. Pour la majorité, pas pour une minorité, sous-entendu, je suis le candidat des gens, pas de l’oligarchie. L’oligarchie étant la minorité au pouvoir.
Il est vrai que le programme de Corbyn sent la vraie gauche, à la fois pacifiste et antilibérale... et on ne parle même pas de son refus d’utliser l’arme atomique, et encore moins son inclination antisioniste assumée, ce qui a du sens de l’autre côté de la Manche. Les guerres britanniques, comme les guerres françaises, sont décidées en haut lieu, le peuple n’ayant aucun mot à dire, à part fournir sa chair à canon.
Le débat a été houleux, non pas entre Corbyn et May, qui ne se sont pas affrontés directement, mais entre May et ses intervieweurs, qui ne sont pas les carpettes que nous connaissons sur France 2 ou TF1. Là-bas, pas de pitié. May a été traitée de « vantarde qui détale au premier coup de feu ». Mais le pire vient de Rod Liddle, cité par Le Monde :
« Theresa May a la chaleur, l’humour, l’agilité oratoire et le charme d’un congélateur Indesit mal branché (…) rempli de crêpes croustillantes de chez Findus en état de décomposition »
L’écart donné de 20 points entre les deux est subitement passé à 8, la majorité absolue visée par May le 8 juin n’étant plus assurée. Curieusement, malgré sa volonté de renforcer les services publics, dont la police, Corbyn n’est pas considéré comme le meilleur « rempart contre le terrorisme ». La campagne d’amalgame avec l’islamisme – suite à ses déclarations anti-israéliennes – lancée par la presse pro-sioniste après l’attentat de Manchester n’y est peut-être pas pour rien...
Ce qui est intéressant, chez les Anglais et chez nous, c’est que le Brexit divise à l’intérieur même des partis. Le Labour (Parti travailliste) n’en parle pas trop, parce que les électeurs ont été littéralement terrorisés avec la sortie effective de l’Union. Idem au Front national en France, la tendance européiste et libérale essayant d’isoler puis d’exclure la ligne nationale antilibérale de Florian Philippot.
Heureusement pour l’oligarchie qui impose (à tout le monde sauf à elle) son austérité budgétaire depuis 40 ans (en 1975 Thatcher dirige le Parti conservateur, et en 1979 elle dirige le pays), l’état de grâce n’a pas duré pour Corbyn. Dès le lendemain, il passait sur la radio BBC pour répondre de son programme social. Et là, la tuile : il sèche sur le coût de sa promesse d’« étendre l’allocation pour garde d’enfant ». On laisse Le Monde décrire la scène et ses conséquences :
« Euh, cela va coûter… Euh... Cela va évidemment coûter cher, nous en convenons », a-t-il balbutié en farfouillant dans son iPad pour trouver la réponse, provoquant un long silence, avant de demander grâce : « Puis-je vous donner le chiffre exact dans un moment, s’il vous plaît ? » Dans l’après-midi, le chef du Labour a dû s’excuser et préciser son budget lors d’un meeting. Dans l’intervalle, l’intervieweuse de la BBC, d’origine juive, était visée par des Tweet antisémites venant d’électeurs se réclamant de M. Corbyn, mais condamnés par ce dernier.
No comment !