C’était dans Un jour en France du 21 avril 2017, deux jours avant le premier tour de la présidentielle. Nous publiions un article sur l’assassinat d’un policier sur les Champs-Élysées. Nous était revenu ce tableau qui établissait un parallèle troublant entre les attentats et les échéances électorales. Simple coïncidence pour les uns, début de trame explicative pour les autres. Seule une tragique série pourra confirmer ou infirmer cette hypothèse.
Un kamikaze s’est fait exploser à Manchester le 23 mai 2017 pendant un concert, tuant 22 personnes, en majorité des jeunes filles, en blessant plus de 150. Le 8 juin auront lieu des élections législatives anticipées outre-Manche. Les deux grands leaders de droite et de gauche sont le Premier ministre Theresa May et le numéro un du Labour Jeremy Corbyn. Entre-temps, le jeudi 4 mai, ont eu lieu des élections municipales comprenant 8 maires de grandes villes.
Pour la presse mainstream, le parti travailliste va vers une défaite annoncée, en particulier dans ses fiefs ouvriers, le berceau de la Révolution industrielle, soit l’axe Birmingham-Coventry et l’axe Liverpool-Manchester. Dans ce « Nord » britannique, 30% des enfants vivent en véritable situation de pauvreté. Les scores de la gauche traditionnelle y sont bousculés par la montée de l’UKIP, le Front national britannique. May, la conservatrice en poste, tente de piquer des voix et sur sa droite (chez les nationalistes) et sur sa gauche (chez les pro-Brexit du Labour). En Angleterre, c’est le Brexit qui a fracturé le pays politiquement. Chez nous, cela a été le référendum de mai 2005, dont nous voyons les conséquences avec une opposition antilibérale à plus de 45% en 2017, en ajoutant les voix de Mélenchon, de Marine Le Pen et de Dupont-Aignan...
Tous les observateurs de la vie politique européenne auront donc, peu avant les légistalives françaises, les yeux rivés sur le scrutin britannique. À l’image du duel Trump/Clinton de 2016, les courbes May/Corbyn sont en train de se rapprocher :
Il se passe quelque chose outre-Manche... via @FT pic.twitter.com/MQkPBL5WBq
— Pascal Riché (@pascalriche) 26 mai 2017
Gérard Filoche, le dernier socialiste survivant du PS, a des doutes sur la normalité du processus électoral. Réplique de Gilles Clavreul, qui se croit encore le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et (surtout) l’antisémitisme :
J'ai honte qu'un homme de gauche puisse écrire cela #Manchester #Filoche pic.twitter.com/o5FVCwPF8d
— Gilles CLAVREUL (@GillesClavreul) 23 mai 2017
On rappelle que Jeremy Corbyn, connu pour ses déclarations antisionistes, est considéré comme un « ami des musulmans », voire des « islamistes », cet aller direct vers les « djihadistes ». La presse française, toujours aussi neutre, se posait en septembre 2015 l’innocente question : « Jeremy Corbyn a-t-il des amis intégristes ? » Un journaliste du Monde y analysait la tribune de Caroline Fourest dans le Huffington Post d’Anne Sinclair intitulée « Les amis intégristes de Jeremy Corbyn ». Ce dernier venait, à la surprise générale, d’être élu à la tête du Labour.
« Des associations s’inquiètent par exemple des fréquentations complotistes et antisémites de Corbyn. Il y a ceux qu’il appelle "ses amis" : des cadres du Hamas et du Hezbollah, avec qui il partage de nombreuses tribunes en expliquant que c’est un plaisir et un honneur. [...] En résumé, Jérémy Corbyn est un pur produit de cette gauche radicale flirtant avec les pires extrémistes de la planète par esprit rebelle ou anti-américanisme primaire. »
Le cœur industriel du pays (Liverpool-Manchester-Sheffield-Birmingham-Coventry) menacé par la pauvreté et donc tenté par des votes dits extrêmes, une pauvreté produite par la désindustrialisation et l’ultralibéralisme, le renouveau des syndicats de gauche et de la lutte politique de classes, un gauchisme britannique encore « trop » teinté d’antisionisme et d’anti-impérialisme, un attentat atroce dans une salle de concert peuplée d’enfants... Voici les ingrédients des élections législatives à venir.
Et comme par hasard, May vient de mettre l’attaque de Manchester au cœur de sa campagne avec ses attaques contre Corbyn...