Franck Ramus est membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale et directeur de recherche au CNRS. Assis sur ses compétences scientifiques indiscutables, il fait la promotion de la méthode phonique synthétique, que l’on peut traduire par méthode syllabique.
« Il existe deux grandes familles méthodologiques pour la lecture, les méthodes phoniques et les méthodes non phoniques. Et, au sein des méthodes phoniques, on trouve également deux stratégies pédagogiques : les méthodes analytiques et les méthodes synthétiques. »
Est-ce un revirement de la part des têtes pensantes de l’Éducation nationale, qui ont longtemps sans le dire prôné l’approche globale, dite aussi méthode non phonique ou idéo-visuelle ? C’était le moyen de faire apprendre à un maximum d’enfants dont certains avaient beaucoup de difficultés d’apprentissage du français, le moyen de lire moyennement mais assez rapidement. Une méthode qui donne des résultats rapides mais limités. Dans la réalité, les profs ne choisissent pas la méthode syllabique (celle de Boscher) ou la méthode globale mais ils font un mix entre les deux.
Le site epopia.com fait le point sur les différentes méthodes d’apprentissage de la lecture, sans opposer la syllabique et la globale, qui ne sont pas aussi en frontal que ça :
« La méthode dite globale est une méthode non phonique ou idéo-visuelle. Certains la comparent à l’apprentissage de la reconnaissance des idéogrammes chinois. Pourtant, une grande partie de cette méthode semble être plus fantasmée que réelle. En effet, personne ne demande à un enfant de retenir 10.000 mots de vocabulaire en apprenant uniquement la forme du mot. En effet, bien trop de mots français ont des silhouettes comparables. Les différences ne sont pas suffisamment marquées pour permettre leur différenciation. Si une partie de la méthode repose donc sur la reconnaissance des mots connus, cela reste un raccourci à prendre avec beaucoup de précautions. »
Bémol : on ne demande pas à un enfant de retenir 10 000 mots sur les 50 000 que possède la langue française, mais 300 ou 400. C’est suffisant pour savoir s’exprimer et exprimer ses besoins à l’écrit mais pas plus. On sait tous que le niveau de langage d’un individu détermine largement son niveau social, même si un écrivain possédant 15 000 mots peut être pauvre comme Job. En fait c’est le niveau d’abstraction qui compte dans notre société, qu’elle soit capitaliste ou marxiste. Plus haut le degré d’abstraction d’un individu, en maths ou en français (et avant cela en latin, les maths d’autrefois), plus haut sa position symbolique ou pratique dans la hiérarchie sociale.
Pour la petite histoire, et c’est Brighelli qui le détaille dans l’un de ses ouvrages, la méthode globale pure a été utilisée par les instituteurs français en Algérie, quand elle était française. On l’a déjà écrit ici mais ça ne fait pas de mal de rabâcher, comme une bonne prof de français : il s’agissait d’apprendre aux petits Français d’Algérie ou Algériens de France d’apprendre à lire et à écrire, mais sans que ça n’aille trop loin. Quelques centaines de mots étaient suffisants. Au-delà, ça pouvait devenir politique et remettre en question le pouvoir central. Qu’on soit pour ou contre l’Algérie française, c’est le même tarif. La preuve, c’est le pouvoir algérien central qui aujourd’hui fait face à des vagues de jeunes diplômés qui, devant le mur du chômage et du désœuvrement, remettent en question ce même pouvoir.
De notre côté de la Méditerranée, aujourd’hui, les instituteurs n’ont pas l’ordre d’appliquer la méthode phonique ou syllabique, mais cette dernière est fortement conseillée, depuis Robien jusque Blanquer. Dans les faits, c’est une méthode semi-globale qui prédomine :
« C’est là que le sujet devient amusant parce qu’en France, ce que l’on appelle méthode globale ou méthode syllabique est particulièrement marginal. La très grande majorité des enseignants utilisent une méthode mixte ou alors un mélange entre ces différentes méthodes, de manière plus ou moins réfléchie. On peut dire qu’à défaut d’avoir une méthode clairement établie et dont l’efficacité est prouvée, les instituteurs bricolent. Ils utilisent leurs propres méthodes selon ce que leur dictent leurs expériences, leurs connaissances et leur bon sens. » (Epopia)
Mais, comme toujours, en apprentissage de lecture comme en marche en montagne, si on veut aller haut, il faut savoir souffrir. Et la méthode syllabique pure, enseignée chez les jésuites, sans concessions, donne le plus haut niveau de français, écrit et parlé. Avec la méthode globale pure, on fait de la rando sur du plat, sans beaucoup de « déniv »...
Du temps du pouvoir absolu de la gauche à l’école, actuellement remis en question, de nombreux parents refaisaient en douce à la maison les cours de lecture à leurs enfants de CP, et ce jusqu’au CM2, avec la bonne vieille méthode Boscher. Ils palliaient les défaillances égalitaristes de l’Éducation nationale qui préférait l’abaissement général à l’effort collectif. Et ça continue.
Voici la conférence de Franck Ramus :