Stupéfiant !, le magazine hebdomadaire présenté par Léa Salamé porte bien son nom. Faire une émission spéciale sur Saint Laurent et donc Pierre Bergé, et ne pas parler des horribles traitements que le financier a fait subir à l’artiste, c’est passer à côté du sujet, surtout quand on se revendique stupéfiant(e). Et puis il y a l’affaire de la censure, pourtant historique, de l’ouvrage Soral-Naulleau à cause de l’allusion à Pierre Bergé et la GPA. C’est quoi ce journalisme, Léa ?
Le Maroc de Saint Laurent :
Faire un reportage sur le joli Maroc de l’enfance puis de la retraite du créateur c’est bien, mais dans un format journalistique, il faut s’attaquer à des parois un peu plus ardues. Ce sera chose faite avec le sujet polémique sur les dessins, attribués à tort ou à raison à Fabrice Thomas, l’ex-ami amant de Saint Laurent et l’ex-esclave de Bergé, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom.
De cette relation pourtant très explicative il ne sera pas trop question dans Stupéfiant !, qui va focaliser sur le frisson bourgeois devant les dessins de garçons nus, avec parfois quelques pratiques extrêmes. Mais là, la caméra de Léa se met à flouter. Nous sommes sur le service public, des enfants peuvent regarder.
Il semble, et cela nous déconcerte, que la violence plus ou moins consentie entre homosexuels adeptes du sadomasochisme n’entre pas en ligne de compte dans les discriminations. Mais alors, les homos entre eux pourraient s’insulter, se fouetter, se violer, se massacrer, voire s’assassiner, sans que la maréchaussée n’y trouve à redire, et encore moins « los vigilantes » du lobby LGBT, les carabinieri de la communauté de l’Anus ?
Les dessins de Saint Laurent :
Cette ultraviolence, bien décrite dans l’ouvrage de Fabrice Thomas, n’a provoqué aucun crie d’orfraie chez les gays, qui ont trouvé les scènes de torture tout à fait charmantes, on peut le supposer. En revanche, une petite claque non consentie dans la rue par un Arabe – appelons les choses par leur nom, bordel – et c’est la fin du monde, Schiappa qui sort de sa niche pour crier à l’Horreur, au Fascisme, à l’Ignoble, encouragée par tout le lobby national-sioniste. Décidément, ce monde est incohérent. Où est la bonne mesure ?
On suit dans le reportage les pérégrinations de Garcia, le petit sergent de Zorro Salamé, à travers le monde sur les traces des dessins d’YSL (« ce sont juste des dessins », ou comment neutraliser le sujet). Scandinavie, Canada, France, l’enquête aux frais de la princesse n’apportera rien d’autre que ce qu’on sait déjà : Yves était une folle, mais une folle malade, d’abord de dépression, puis d’auto-dévalorisation, jusqu’à l’autodestruction. Tout ce qui pouvait souiller « la petite Lulu » était le bienvenu dans cet univers glauque, froid et sans limites. No border, quoi.
Pour le profane, qui ne connaît que l’écume des choses, il restera que Saint Laurent dessinait des saucisses, ce que Cocteau faisait déjà des années avant. D’ailleurs, il y a un parallèle à tracer entre ces deux esthètes : fins, racés [1], fragiles, cultivés et torturés par leur homosexualité. Cocteau s’en tirera par le haut, en fréquentant les grands de ce monde, les plus grands artistes, poètes, peintres, décorateurs, metteurs en scène, tandis que Saint Laurent s’en « sortira » par le bas, dans la fange, l’humiliation, le dégoût de soi. Tout en dessinant entre deux crises de jolies robes pour ces dames. Qui n’avaient pas besoin de costumes de mecs pour s’émanciper, mais ça, c’est la légende qui le veut. Pour l’histoire, c’est un pédé prisonnier de lui-même et d’une sexualité abyssale qui libérera la bourgeoise occidentale du XXe siècle.
Et quoi de plus libérée qu’une Léa, avec sa culture de supermarché ?
Post scriptum
L’émission est produite par Bangumi, la boîte de prod de Yann Barthès et de son ami Laurent Bon, tous deux issus de Canal+. Il n’est alors pas étonnant que deux représentants non officiels de la communauté LGBT en restent à des informations de routine sur Pierre Bergé. On appelle ça un biais cognitif négatif.