Paris vaut bien une messe pour les icônes « pop » du nouveau clergé des médias de masse. Et pourtant, une avant-garde intellectuelle émerge des circuits éditoriaux et télévisuels institutionnels, défend les intérêts du peuple et les valeurs de la France profonde.
Pour Julien Benda, auteur de La Trahison des clercs (1927), l’intellectuel devait être le gardien des valeurs au service de l’universalisme helléno-chrétien (raison, vérité et justice). Dans son pamphlet hérétique, il contesta « l’asservissement des clercs aux laïcs, des hommes de pensée et de poésie aux intérêts politiques et économiques », jusqu’à définir les « intellos » comme la « milice spirituelle du pouvoir temporel ». Paris vaut bien une messe pour les icônes « pop » du nouveau clergé des médias de masse. Car, si d’abord la classe intellectuelle était une autorité morale qui donnait de la voix aux sans-voix, aujourd’hui, elle est devenue une hyper-classe autoréférente, barricadée dans trois grands arrondissements [1] de la capitale. Là où se trouvent les rédactions du Monde, du Figaro, de Libération, les studios de télé TF1 et les radios RTL, BFM, Europe 1. C’est un opinionisme de convenance, mondain, incestueux, où le monde journalistique, politique et du spectacle se mélangent pour devenir le vulgaire [2] showbiz.
Mais face à la trahison des clercs et à la violence intellectuelle de personnages comme Bernard-Henri Lévy, il y a toujours plus d’écrivains, de sociologues, de politiciens, d’économistes, et d’historiens de droite comme de gauche qui ne se plient pas au conformisme des idées dans une France prise en otage par le politiquement correct. L’hebdomadaire français Le Point, avec son numéro d’octobre 2013 intitulé « Les nouveaux conservateurs à la française », a essayé de décrire le trait d’union [3] qui lie des personnalités différentes ; parmi elles le polémiste Éric Zemmour, l’écrivain Alain Finkielkraut, le philosophe marxiste Jean-Claude Michéa, l’écrivain Régis Debray, l’ex-candidat Jean-Pierre Chevènement, le spin doctor Paul-Marie Coûteaux, le n° 2 du Front national Florian Philippot, l’économiste Jacques Sapir, le démographe Emmanuel Todd, le politicien Nicolas Dupont-Aignan. « Ils détestent l’Europe [4], le libéralisme et la mondialisation », titrait la revue analogue au Time étasunien pour souligner les éléments de la pars destruens (antithèse) qui mettent en crise les clercs de la pensée libérale et libertaire. Aux opinionistes cités dans Le Point, on aurait dû ajouter les autres qui, ces dernier mois, ont créé du désarroi dans le débat politico-culturel.
Parmi eux, le philosophe Michel Onfray, athée, antilibéral et antiprogressiste, l’auteur du roman Soumission, Michel Houellebecq, le maire à contre-courant et souverainiste de Béziers, Robert Ménard, et aussi l’acteur et producteur de cinéma Gérard Depardieu, qui vit en Russie depuis quelques mois et qui se montre publiquement favorable aux positions de Vladimir Poutine. Parmi les moins télévisés, il y a le philosophe Pierre-André Taguieff, la démographe Michèle Tribalat, le politologue Alain de Benoist, l’auteur du livre L’Archéofuturisme V2.0 Guillaume Faye, l’écologiste Serge Latouche, le journaliste Thierry Meyssan et le sociologue anti-utilitariste Alain Caillé.
La galaxie des intellectuels qui, en paraphrasant Éric Zemmour, défendent les intérêts du peuple et les valeurs de la France profonde, ne s’arrête pas dans le grand circuit médiatique et éditorial institutionnel. Pour le signaler, ce fut le même n° 2 du Front national – Florian Philippot – qui, interrogé par la chaîne parlementaire LCP, dit au journaliste :
« La loi sur l’antiterrorisme, sur le modèle du Patriot Act étasunien, sert simplement à contrôler Internet, justement parce que sur Internet, il y a un vrai débat politique et culturel. »
Parmi les opinionistes les plus actifs dans le panorama digital français, il y a le sociologue Alain Soral – sept ans au Parti communiste français et un an au Front national aux cotés de Jean-Marie Le Pen – et l’humoriste le plus gênant et célèbre de France : Dieudonné M’Bala M’Bala ; lesquels, ensemble, sont en train de lancer un nouveau parti politique souverainiste appelé Réconciliation nationale.
Aussi, en étant boycotté par l’appareil médiatico-journalistique, le duo Dieudo-Soral réussit, grâce à Internet, à conquérir une vaste popularité dans la France profonde ; plus que le Premier ministre Manuel Valls et le chef l’État François Hollande, qui leur ont déclaré la guerre publiquement en diverses occasions, faisant fi de la liberté d’expression. Ainsi, face à l’avancée et à l’organisation de cette nouvelle avant-garde intellectuelle, la culture officielle recourt à la justice, à la marginalisation médiatique ou à la reductio ad hitlerum. Et pendant ce temps, les artistes, les opinionistes, les intellectuels auto-proclamés, en accord avec l’esprit du temps, sont primés à Cannes ou aux festivals mondains du Paris pseudo-bohémien [5].