Ronald Lauder est venu dire à la Suisse qu’elle doit renoncer à héberger des œuvres d’art entachées par les crimes nazis
Le lieu et le moment n’ont pas été choisis au hasard. Ronald Lauder, le président du Congrès juif mondial, se trouvait au Kunsthaus de Zurich mardi soir pour donner une conférence intitulée « Art perdu, justice perdue ». Sans détour et à grand renfort de formules choc, l’Américain accuse la Suisse de fermer les yeux sur des crimes qui se perpétuent au travers du commerce, et de l’exposition d’œuvres spoliées sous le Troisième Reich.
Dans le public, plusieurs têtes coiffées de kippas. Il y a là surtout des représentants de communautés israélites, des avocats, quelques curieux. Et des hommes vêtus de noir aux aguets, qui ne lâchent pas Ronald Lauder d’une semelle.
Le président du Congrès juif mondial est venu dire à la Suisse qu’elle doit renoncer à héberger des œuvres d’art entachées par les crimes nazis. Le Musée des beaux-arts de Berne a accepté fin 2014 d’accueillir une partie de la sulfureuse collection Gurlitt, soupçonnée de contenir de nombreuses pièces volées à des familles juives par les nazis. Quelque 800 œuvres devraient bientôt trouver l’asile en Suisse, soit la moitié de cette collection.
L’objet de la controverse a été découvert en 2012 par hasard, lors d’une perquisition au domicile de Cornelius Gurlitt, à Munich. Le collectionneur avait hérité de quelque 1 500 pièces, dont plusieurs tableaux de maître (Picasso, Braque, Matisse) de son père Hildebrand, marchand d’art juif, qui avait servi d’intermédiaire au régime de Hitler pour commercer des œuvres dites « dégénérées ».
Les pièces dont l’origine reste douteuse demeureront en Allemagne, où se poursuit une enquête pour en retracer la provenance. Or, selon Ronald Lauder, pas une seule toile ne devrait se trouver en Suisse tant que toute la lumière n’a pas été faite. « J’ai été choqué d’apprendre que Berne veut héberger des œuvres volées aux juifs. Si elle s’appelait la collection Himmler, les Suisses l’accepteraient-ils ? » interroge-t-il devant un public attentif.