« Ô France, voici venu le jour où il te faudra rendre des comptes... »
Tout un symbole : le président algérien, après avoir mis la pression sur la France avec une relance du couplet antifrançais dans l’hymne national (le prétexte pour créer une brouille, tout en satisfaisant la part antifrançaise de l’électorat algérien), est parti en visite officielle historique en Russie, la première depuis Bouteflika en 2008. Il y a signé un « partenariat stratégique ». Quand on sait qu’Algérie et Russie sont deux gros producteurs de gaz et que l’armée algérienne, la première d’Afrique, s’équipe en matériel russe, la France otanisée a du souci à se faire...
Macron, à la traîne de l’OTAN et des USA, engagé dans le conflit ukrainien malgré l’opinion française, est en train de tout faire perdre à notre pays : le respect des non-alignés, l’indépendance diplomatique (sans compter les milliards en armements pulvérisés sur les champs ukrainiens), sachant que, dans ce domaine aussi, la faillite morale précède la faillite économique.
Le choix de Tebboune d’aller à Moscou avant Paris est un message envoyé à Macron : les priorités ont changé. Selon Mondafrique, l’entourage présidentiel profrançais a cédé devant les militaires, qui constituent le clan pro-russe dans l’État algérien.
De la même manière que l’Arabie, l’Algérie joue maintenant sur tous les tableaux, sachant que, dans le conflit est/ouest actuel, le positionnement géostratégique de l’Algérie est un atout. L’entrée dans les BRICS n’est pas loin ; autant dire que l’Algérie veut sortir de la sphère d’influence française, en tous les cas sortir de la franco-dépendance.
Comme l’Arabie, l’Algérie se place dans la médiation entre Ukraine et Russie. De plus, comme l’écrit Nicolas Beau dans Mondafrique, le nouvel axe Alger-Bamako-Moscou « laisse Macron désemparé et furieux ». À sa façon, Macron tente lui aussi de rapprocher la chèvre et le chou (il l’a fait au début en maintenant des relations avec Poutine), mais partout où il passe, la France trépasse.
Notre diplomatie, totalement sous la coupe de l’UE, des USA et de l’OTAN, n’a plus de marge de manœuvre, à peine un chemin de crête, c’est-à-dire casse-gueule.
Pour ne pas perdre la face et la main dans la redistribution des cartes diplomatiques, forgeant des alliances nouvelles éloignées des intérêts de l’Occident, Macron a retrouvé ben Salmane à Paris. Officiellement, il s’agit de stabiliser la situation politique au Liban et en Syrie, mais on sent bien que le rapprochement Riyad-Moscou fragilise les puissances occidentales engagées aux côtés de l’Ukraine.
Au-delà de l’intégration algérienne probable dans les BRICS, cette communauté anti-occidentale organisée, où une place de choix est laissée à l’Algérie, la raison principale de la volte-face de Tebboune, dont la visite était attendue en grande pompe à Paris depuis mai 2023 (et régulièrement repoussée), est d’ordre intérieur : pour sa réélection éventuelle dans 18 mois, Abdelmadjid ne pouvait pas aller se montrer, même accueilli comme un roi, chez l’ancienne puissance colonisatrice.
Pour Macron, c’est encore une double défaite, car la lourde tentative de séduction des Algériens a réveillé un sentiment antifrançais au Maroc, qui reproche en outre à la France de ne pas avoir reconnu comme territoire marocain le Sahara occidental ! Ou comment perdre sur tous les tableaux...