Le cours du baril chute. À la guerre commerciale s’ajoutent de gros doutes quant au modèle d’extraction américain.
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) publie vendredi son rapport mensuel d’activité pour le mois de juillet. Ce dernier ne fera que confirmer l’irrésistible recul des cours du baril depuis avril dernier. De 75 dollars alors, ce dernier a encore chuté jeudi à moins de 58,70 dollars pour le brent de la mer du Nord et à 54,75 dollars pour le baril américain. Principale raison évoquée : les craintes concernant la croissance mondiale liée à la guerre commerciale Chine–États-Unis. Les signes concrets s’en font désormais sentir : la production industrielle chinoise a ainsi chuté en juillet dernier, connaissant sa plus faible progression depuis dix-sept ans, et une hausse des stocks d’or noir aux États-Unis, reflet d’une surproduction.
Le schiste n’est pas rentable
Mais, derrière ces vastes mouvements tectoniques, se cache un autre facteur, qui inquiète de plus en plus les investisseurs. Le modèle économique du pétrole de schiste américain commence à affoler les investisseurs. Comme l’explique le géo-économiste des énergies valaisan Laurent Horvath, établi aux États-Unis, « le pétrole de schiste (ndlr : issus de la fracturation de la roche où se nichent des poches de pétrole) a souvent été présenté comme l’eldorado énergétique du futur », capable de rassasier l’économie, écrit-il dans un blog.
Avec 8,5 millions de barils par jour, produits grâce à cette technologie « explosive », ajoutés aux quelque 4 millions de barils/jour d’or noir conventionnel, les États-Unis sont, en 2018, devenus le premier producteur mondial d’or noir. Tant le président Barack Obama que son successeur, Donald Trump, ont fait du schiste leur carte de visite électorale, promettant aux Américains une autosuffisance énergétique et de l’essence à la pompe à prix bas.
Or, ajoute Laurent Horvath, « derrière les coulisses, le tableau est moins rose. Les faillites s’accumulent et le manque de retour sur investissement exaspère Wall Street. » Ainsi, depuis 2010, les compagnies productrices de schiste ont cumulé des pertes atteignant 184 milliards de dollars et, chaque trimestre, le trou continue à se creuser, avec 2,5 milliards de dollars de cash-flow négatif au premier trimestre 2019.
Faillites en cascade
Début juin, le géant Weatherford International – dont la Banque nationale suisse est actionnaire – a demandé la protection d’une mise en faillite, afin de restructurer sa dette de 6,7 milliards de dollars. « Et, avec un baril dans la zone des 55 dollars, la contamination [des banqueroutes] va se propager », conclut l’expert. Tout le paradoxe est là : depuis deux ans et grâce aux innovations technologiques, la vitesse d’extraction de pétrole de schiste a été multipliée par 2,6. Mais non seulement la production d’or noir n’a pas augmenté dans la même proportion, les poches de pétrole forées s’asséchant en moins de deux ans, mais les coûts de production restent trop élevés.
L’argent ne coule plus
Selon la société Rystad Energy, ils s’élèveraient ainsi à 46 dollars le baril, contre 42 dollars celui d’or noir conventionnel en Arabie saoudite. Dès lors et depuis quelques mois, les investisseurs, en tête desquels les fonds de pension, ont serré le robinet des crédits octroyés à une industrie condamnée à multiplier les forages pour trouver de nouvelles poches et droguée à la dette. Dès lors, à part Donald Trump qui veut satisfaire les Américains en vue de sa réélection en 2020 et achever l’Iran, les majors comme BP, Shell ou Total, ainsi que les pays producteurs, s’affolent d’un baril en baisse constante. Il y a quelques jours, l’Arabie saoudite a ainsi contacté ses partenaires de l’OPEP et même la Russie pour réduire la production de un million de barils/jour, soit 1 % de la production mondiale.