Ce qui est intéressant dans cet article sur l’uberisation du secteur de la livraison en ville, c’est la novlangue des dirigeants.
Le mode « free », qui correspond à un travail sans planning, cache en réalité une dégradation des conditions de travail et à une baisse de rémunération généralisée dans une univers de plus en plus concurrentiel.
C’est comme si l’on vous disait que vous conserviez votre poste, mais que trois autres personnes allaient vous « aider ». L’argent gagné sera alors partagé en quatre.
Ça ne gêne pas @Deliveroo de payer ses livreurs à vélo UNIQUEMENT AU RENDEMENT alors qu'on parle de + en + de la mortalité des cyclistes pic.twitter.com/NfN1gBZuIe
— Jérôme PIMOT (@Eldjai) 6 août 2017
Les plus agressifs survivront, les autres partiront. Les grands gagnants, ce sont les organisateurs de cette carambouille libérale.
Le mode « free » est une étape de plus vers l’esclavage, un retour aux temps bénis du capitalisme adamsmithien.
La nouvelle a suscité de vives inquiétudes chez les coursiers partenaires de Deliveroo. Jeudi 27 juillet, la société de livraison de repas à vélo a contacté ses premiers coursiers en France, afin de leur annoncer un changement de taille dans la rémunération et l’organisation de leur travail. Dès le 28 août, ils seront payés cinq euros la course, contre 7,50 euros de l’heure aujourd’hui et deux à quatre euros la commande. Ce changement « concerne 8% des 7 500 livreurs que compte Deliveroo en France », précise l’entreprise.
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Les livreurs vont-ils devoir bouleverser leur emploi du temps ?
Actuellement, les coursiers Deliveroo obtiennent leurs créneaux de travail via un planning en ligne. Les premiers connectés ont plus de chances d’obtenir les créneaux les plus lucratifs – ceux des heures de pointe, les midis et soirs. Mais jusqu’ici, les livreurs planifiés le matin ou l’après-midi étaient payés pour les heures travaillées, quel que soit le nombre de commandes effectuées. Avec la décision du 27 juillet, ce dispositif prend fin et les livreurs n’auront plus aucune garantie de rémunération en-dehors des courses réalisées.
« C’est le maraudage, ils vont traîner en ville en attendant une commande », regrette Arthur Hay. « Avant, on était payés pendant les heures d’attente. Ils ne le seront plus. » Avec ce changement, Soltan Marghaie sait qu’il ne pourra plus travailler 15 à 20 heures par semaine, comme il le fait actuellement. « Je vais devoir faire moins d’heures, travailler uniquement les soirs et week-ends », s’inquiète-t-il.
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Le planning des coursiers va-t-il disparaître ?
L’inquiétude est néanmoins partagée par plusieurs représentants des livreurs. « Quand tout le monde sera payé à la course, l’étape suivante, pour Deliveroo, sera de passer au mode “free” », s’inquiète Jérôme Pimot, de l’Union des livreurs à vélo engagés (U’Live), interrogé par Le Monde. Le « mode free » signifie que les coursiers travailleraient sans planning : ils se connecteraient à l’application quand ils souhaitent travailler – mais sans garantie d’avoir du travail à ce moment précis.
Arthur Hay craint un système où, à terme, « vous travaillez trois heures et gagnez dix euros ». Comme le représentant syndical, Soltan Marghaie témoigne déjà d’une dégradation du planning, avec de moins en moins d’heures de travail disponibles du fait d’un recrutement massif de livreurs. « On se retrouve avec dix fois plus de coursiers sur les plannings », dénonce le livreur bordelais, qui a vu ses heures de travail baisser de moitié. « Le recrutement n’arrête jamais. » En mode « free », la concurrence serait encore plus rude.