Deux événements ont secoué en moins d’une semaine la péninsule coréenne : l’assassinat très professionnel sur le sol malaisien du demi-frère du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un, et le scandale de corruption d’État entre la présidente sud-coréenne et le géant industriel Samsung.
Les médias occidentaux, dont le « la » est donné par le très influent New York Times, ont pour habitude de traiter les informations en provenance des deux Corée de manière très manichéenne : la Corée du Sud, malgré quelques « excès », est le modèle flamboyant de la réussite capitaliste dans un pays qu’on pouvait considérer comme appartenant à l’infamant « tiers-monde » il y a un demi-siècle. La Corée du Nord, elle, est l’objet de tous les sarcasmes, avec son totalitarisme communiste d’un autre âge.
Si les journalistes français se font les chantres du miracle sud-coréen, ils dénoncent avec vigueur le retard économique et politique nord-coréen. Tout ceci étant basé sur des faits incontestables. Cependant, la mise au ban des nations de la petite Corée du Nord a selon nous plus à voir avec la possession de l’arme atomique qu’avec son régime de fer. Les démocraties occidentales, USA, Royaume-Uni et Israël en tête, s’accommodant très bien d’un régime de fer quand leurs intérêts ne sont pas remis en question.
Récemment, en une semaine, deux événements ont marqué la péninsule coupée en deux depuis la fin théorique de la guerre à la fois civile et internationale de 1950-1953.
- Kim Jong-Nam (en 2001) et Kim Jong-Un
Au Nord, un événement pas comme les autres a déchiré le voile d’opacité qui entoure le pays : le demi-frère du dirigeant Kim Jong-Un a été assassiné à l’aide d’un gaz très rare, qui ne peut être produit que par un État maîtrisant la fabrication et la conservation de produits chimiques hautement dangereux (l’agent neurotoxique « XV »). Le meurtre a eu lieu en Malaisie. C’est le 13 février 2017 que Kim Jong-Nam a été empoisonné, probablement suite à une application ou une projection du produit toxique par deux femmes. Les deux sont emprisonnées, et l’une a semble-t-il développé des symptômes d’empoisonnement.
Aussitôt, le régime nord-coréen a été accusé par la Corée du Sud et les États-Unis. On rappelle que ce gaz hypertoxique, produit par les Anglais dans les années 1950, est considéré comme mortel 24 heures après absorption ou projection cutanée, ce qui laisse le temps à une équipe de s’exfiltrer… Justement, les autorités malaisiennes supposent qu’une équipe de 7 personnes a organisé l’élimination. Naturellement, Malaisie et Corée du Nord se rejettent mutuellement la responsabilité de l’opération. Les services sud-coréens arguant que Kim Jong-Nam faisait l’objet d’un « ordre permanent » d’assassinat, avec une première tentative en 2012...
« S’il était confirmé que le meurtre de Kim Jong-nam a été commis par le régime nord-coréen, cela illustrerait clairement la brutalité et l’inhumanité du régime de Kim Jong-un » (Hwang Kyo-ahn, Premier ministre sud-coréen)
L’autre événement est un scandale de corruption national qui éclabousse la dynastie Samsung, cette multinationale emblématique du pays. Samsung, fierté nationale, est un groupe industriel fondé il y a 80 ans qui compte aujourd’hui près de 500 000 employés. Il a grandement participé au miracle – il pèse un cinquième de l’économie nationale ! – de la Corée du Sud, ce petit dragon asiatique qui s’est hissé parmi les pays les plus riches du monde à force de travail, de talent et d’abnégation. La dernière fille du conglomérat, Samsung Biologics, sa filiale de biotechnologies, a été mise sur le marché à la fin 2016 pour près de 2 milliards de dollars. Le groupe ne se cache pas de pratiquer le lobbying et en Europe, et aux États-Unis. Il n’est pas une famille occidentale qui n’ait pas acheté, un jour, un appareil Samsung.
Cette puissance se manifeste évidemment sur le terrain politique. Le 17 février 2017, le vice-président de Samsung – et fils du président en poste – Lee Jae-Yong est tombé pour corruption. Il a arrosé une très influente conseillère de la présidente sud-coréenne d’une pluie de dollars, on parle de 40 millions. Le principe était simple, trop simple : l’amie de la présidente, Choi Soon-Sil, a reçu sous prétexte de fondations bidon 70 millions de dollars de groupes industriels pour orienter les décisions politiques en faveur de ces derniers. Par exemple la fusion de filiales qui n’auraient pas été possibles sans cela. Il reste un an de mandat à la présidente Park Geung-Hye, mais les affaires de corruption la rattrapent.
Ces deux événements arrivent peut-être par hasard en même temps. Cependant, les lumières médiatiques mondiales braquées sur la Corée du Nord arrangent grandement les autorités sud-coréennes, qu’elles soient politiques ou économiques. La collusion de ces dernières est un fait : l’élite politique du pays travaille avec et pour son élite économique. Preuve que c’est in fine la puissance financière qui fait la politique.