La Russie et les 14 anciennes républiques de l’URSS célèbrent aujourd’hui le 29e anniversaire du retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan. Ce conflit de neuf ans a constitué un important épisode de la Guerre froide, et ses conséquences influencent jusqu’à aujourd’hui le système de sécurité internationale et la stabilité régionale.
Bien que la guerre américaine en Afghanistan dure depuis 17 ans, le plus grand nombre d’erreurs factuelles et d’imprécisions dans la couverture des opérations a concerné la campagne militaire soviétique — non sans l’aide des experts militaires occidentaux. Pour briser les mythes les plus répandus sur ce conflit, Sputnik a interrogé le général Gromov, dernier commandant de la 40e armée qui formait le noyau du contingent limité des forces soviétiques en Afghanistan.
Mythe I : la « guerre soviéto-afghane »
« La première erreur concernant ce conflit réside dans son appellation », déclare le général.
« Quand on parle de guerre soviéto-afghane, cela sous-entend que le conflit était bilatéral, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’une confrontation entre l’URSS et l’Afghanistan. C’est faux. »
D’après le général, ce mythe a été popularisé en Occident pendant la Guerre froide pour légitimer les moudjahidines soutenus par les USA et leurs alliés.
« L’armée soviétique était présente légalement en Afghanistan depuis que l’URSS y avait été officiellement invitée par le gouvernement afghan en 1979 », précise le général, traçant un parallèle avec le déploiement des forces russes en Syrie en septembre 2015.
« En fait, le conflit afghan était une confrontation intérieure entre le gouvernement légitime dirigé par le Parti démocratique populaire d’Afghanistan et les moudjahidines — des bandits islamistes et d’autres rebelles. »
Le général souligne qu’on ne peut pas transformer un conflit complexe et en perpétuelle évolution en un affrontement « en noir et blanc » entre l’Union soviétique et les Afghans.
D’après le général Gromov, la notion-même de « guerre » n’est pas tout à fait appropriée en l’occurrence à cause de la faible intensité des activités militaires.
Mythe II : « l’Union soviétique a perdu la guerre d’Afghanistan »
Le mythe probablement le plus populaire sur la campagne soviétique en Afghanistan est qu’elle s’est soldée par la défaite de l’URSS, renforçant l’autorité de l’Afghanistan en tant que « cimetière des empires ».
« C’est une description très inexacte des événements », indique le général.
« Premièrement, en tant que commandant de l’armée soviétique en Afghanistan je n’ai jamais reçu d’ordre de “vaincre” quelqu’un en Afghanistan. »
« À son apogée, la 40e armée comptait seulement 108.800 hommes. Cela montre clairement que personne ne cherchait à remporter une victoire militaire classique en Afghanistan. »
Au Vietnam, par exemple, les USA avaient déployé un contingent cinq fois plus important que la 40e armée sur un territoire cinq fois plus petit que l’Afghanistan.
Le général Gromov souligne que la mission de la 40e armée en Afghanistan consistait à « garantir des conditions favorables pour l’activité du gouvernement afghan légitime ».
« Ceux qui analysent l’issue de la campagne à travers le prisme “victoire-défaite” ne comprennent pas le caractère complexe des opérations militaires contre la guérilla. Je suis certain que les soldats soviétiques ont rempli avec succès la mission fixée en Afghanistan », déclare le général.
Le général Gromov note que les forces soviétiques contrôlaient la majeure partie du territoire afghan durant toute la campagne, et qu’aucun poste de barrage n’a été pris par les moudjahidines en dépit d’un financement de plus en plus élevé en provenance de l’étranger.
Le gouvernement légitime dirigé par Mohammad Najibullah créait avec succès des organes de sécurité efficaces, et sa popularité grandissait constamment grâce à la politique de réconciliation nationale.
« Au moment de notre départ, le gouvernement était capable de maintenir lui-même l’ordre en Afghanistan à condition de ne pas interrompre le soutien économique et financier de l’URSS », précise le général.
À la question de savoir pourquoi, au final, le gouvernement de Najibullah a été renversé par les moudjahidines, le général a répondu qu’à cette époque l’Union soviétique s’était effondrée et que la ligne du nouveau gouvernement russe en politique étrangère avait alors exclu tout soutien financier à Najibullah.
Les documents déclassifiés de la CIA confirment également que les moudjahidines n’auraient pas été capables de renverser le gouvernement légitime si l’Union soviétique avait continué de lui apporter une aide financière.