C’est un entrepreneur comme il y en a des centaines de milliers (2 millions de TPE, artisans ou commerçants, ces entreprises qui font travailler un unique « ouvrier-patron » dans la majorité des cas). Il gueule contre le RSI (le régime social des indépendants, dont les cotisations ouvrent les droits sociaux, à savoir maladie et retraite), alors que ses clients ont du mal à payer, quand ils payent. C’est la dureté du marché et le sort de tous ceux qui n’intéressent pas véritablement le Medef, l’État et les banques : pas assez de poids politique, trop petits, trop pauvres, trop pénibles. La réforme du RSI a 10 ans, et ses bugs informatiques et humains persistent.
Une « catastrophe industrielle » selon la Cour des comptes (2012)
Il se lève tôt, bosse tard, court après l’argent, et vit constamment sous la menace des rétorsions de son « régime ». Le RSI ne pardonne pas : ni les retards, ni les trous d’activité. Il faut cracher au bassinet, et vite, sinon tout y passe. Le nombre de petits entrepreneurs en difficultés de paiement avec le RSI avoisine un quart du total. Ils sont en tout près de 6 millions en France. Plus avec les conjoints, qui participent à l’effort de guerre. On rappelle que l’affiliation à un régime d’assurance sociale est obligatoire, que ce soit le RSI ou la sécurité sociale.
« À mes yeux, le RSI est l’élément visible de l’iceberg. Les indépendants ont beaucoup de difficultés et elles se sont cristallisées autour du RSI mais elles ne sont pas toutes dues au RSI. Si beaucoup d’indépendants plient sous le poids de cotisations jugées trop élevées, c’est surtout parce que leur entreprise ne fonctionne pas. Il y a un fort niveau de précarité chez les indépendants qui s’explique par le fait que beaucoup se lancent dans la création sans maîtriser les notions juridiques ou de comptabilité nécessaires. » (Monique Weber, rapporteur du Cese, le Conseil économique et social, dans L’Express du 23 septembre 2009)
Indépendants ou pas, tous les Français doivent cotiser pour une protection sociale. En fait, derrière la gueulante de cet entrepreneur, il y a autre chose : le fait que lui travaille durement du matin au soir, pour se payer sa protection sociale, alors que ceux qui se reposent sur le système échappent non seulement au travail et au stress qu’il génère, mais il leur reste, au final, beaucoup plus en termes de revenus nets. C’est une réaction classique, que certains taxent de « populiste », mais qui est bien réelle en période de chômage de masse : la pression s’accentue sur ceux qui sont leur propre (petit) patron. Et de voir des familles oisives entières soutenues par tous les organismes sociaux possibles, vivant sans travailler, met les travailleurs acharnés hors d’eux. Il y a une balance à rétablir, dans l’ordre du harcèlement étatique !
En France, finalement, la « sécurité » sociale réside dans le salariat (ou les minima sociaux), pas dans l’entrepreneuriat. S’il ne faut pas que Pierrot baisse les bras, l’État ne doit pas non plus sacrifier l’esprit d’entreprise de tous les « Pierrot », qui est précieux. Ceux qui veulent se lancer doivent effectivement améliorer leur connaissance de l’entreprise et de sa création – il est vrai, une jungle administrative encore trop touffue – mais l’État, à travers l’Urssaf et le RSI, doit prendre en compte les difficultés parfois passagères de ces derniers et le côté aléatoire de toute activité indépendante. Un peu de souplesse peut sauver une petite société. Pour info, les Ursaff qui acceptaient de négocier un étalement des cotisations voyaient leurs rentrées augmenter (70% de taux de récupération). Inversement, les services qui étaient intraitables, conduisant les entrepreneurs momentanément insolvables à déposer le bilan, ne récupéraient pas toujours leur dû.
« Tu taffes pas comme un con et tu touches plus que le mec qui se lève tous les matins à 5 heures et qui continue à taffer jusqu’à 21 heures »
Vous êtes entrepreneur ou particulier et souhaitez faire partie d’un réseau d’entraide pour faire face à la crise ? Rejoignez Solid’E&R, le premier espace d’annonces du Réseau d’économie solidaire créé par E&R. Pour cela, il vous suffit d’être adhérent de l’association (merci de rentrer votre identifiant et votre mot de passe d’adhérent pour accéder à Solid’E&R) :
Pour en savoir plus sur le Réseau d’économie solidaire :