Pour traiter des événements du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo, la chaîne BBC, comme le rapporte le journal Le Monde (1/2 février 2015), se refuse à utiliser le mot « terroristes » pour désigner les assaillants, parlant plutôt de tireurs (gunmen), ou d’agresseurs (attackers). Selon ces journalistes, le qualificatif « terroristes » est utilisé à tout propos, sans prendre le temps d’une réflexion approfondie. Ils précisent que son usage pourrait mettre en doute l’impartialité de la chaîne. En effet, le mot peut renvoyer à des réalités diverses et comporter plusieurs sens : doit-on parler de terroristes palestiniens ou de combattants de la liberté ? Aucun terroriste ne se qualifie lui-même de la sorte….
Le terme est utilisé pour la première fois en 1794 par les détracteurs de cette phase radicale de la Révolution française, qu’ils surnomment « La Terreur ». En cause, ses abus de pouvoir et méthodes arbitraires extrêmes (nombreuses exécutions…). Il s’agit à ce moment de qualifier une forme de régime politique extrême exercée par un État. Alors qu’aujourd’hui, nous avons plutôt tendance à considérer le terrorisme comme une action menée contre le pouvoir lui-même.
À la fin du 19e siècle, de nombreuses actions terroristes sont menées par exemple par les indépendantistes irlandais ou les anarchistes russes… D’après ces exemples, pourrait-on définir le terrorisme comme des actions qui ciblent aveuglément des victimes anonymes ?
Non pour deux raisons : d’une part, il existe des cas de violences extrêmes menées par des États armés contre des civils comme c’est le cas pour les bombardements sur Hiroshima ou Dresde ; d’autre part de nombreuses attaques « terroristes » ne ciblent pas une foule anonyme mais des personnalités officielles précises comme le Tsar ou un général.
Il n’existe donc pas une définition unanimement admise et qui serait valable dans tous les cas. Pourtant, le terrorisme existe bien du point de vue du droit international : il existe une liste des organisations reconnues comme « terroristes » au sein de l’UE ainsi qu’aux USA. Cependant, les groupes qui font partie d’une de ces listes ne font pas nécessairement partie de l’autre et peuvent y entrer ou en sortir selon les aléas de la politique. Nous percevons bien là la difficulté de définir ce qu’est un terroriste.
Quelle forme peut prendre le terrorisme ?
1) Terrorisme individuel : très fréquent aux 19e et début du 20e siècle. C’est le fait d’un individu qui, par exemple, porte sur lui une bombe et va la déposer quelque part. Exemples :
attentat nihiliste qui tue le tsar Alexandre II en 1881
en 1902, tentative d’attentat contre le roi Léopold II par l’anarchiste italien Gennaro Rubino suite à la répression impitoyable des manifestations pour le suffrage universel (6 morts à Louvain)
attentats féministes menés par les suffragettes en Angleterre au début du 20e siècle, pour obtenir le droit de vote, le droit au travail, au divorce…
- L’assassinat du tsar Alexandre II, le 13 mars 1881
2) Terrorisme organisé : des individus s’organisent pour planifier leurs actions. Exemple :
le groupe palestinien « Septembre noir » qui organise la prise d’otages puis l’assassinat des sportifs israéliens aux jeux olympiques de Munich en 1972.
3) Terrorisme d’État : quand des États enlèvent, séquestrent, font assassiner des opposants
Exemples : Colombie, Mexique, Israël, France (destruction d’un bateau de Greenpeace )…
4) Cyber terrorisme : piratage de systèmes informatiques d’États (armée, service de sécurité…)
5) Eco terrorisme : désigne les agressions durables de l’environnement qui peuvent tuer discrètement des milliers de personnes. Exemples : abandon de déchets radioactifs, essais nucléaires, polluants cancérigènes dont la production est maintenue malgré leur toxicité (Eternit et l’asbest)…
Quelles sont les motivations du « terrorisme » ?
Dans le cas de la R.A.F. il s’agit pour la plupart de jeunes Allemands, nés dans des familles acquises au nazisme dont ils veulent se démarquer. Ils entendent « dénazifier » l’Allemagne qui a gardé les mêmes cadres (armée, justice…) que sous le régime hitlérien. Ils vont tour à tour séquestrer un juge, enlever un général, et l’exécuter.
Une annonce des Cellules révolutionnaires, parue dans leur revue « La colère révolutionnaire » (« Revolutionärer Zorn », mai 1977), exprime le point de vue d’une partie de l’extrême-gauche par rapport à l’assassinat de Buback , un procureur général de la Cour fédérale allemande :
« La mort de Buback intervient pile au bon moment. Avec elle, c’est le mythe de l’État policier invulnérable qui s’effrite […] C’est pourquoi nous considérons l’exécution du défenseur suprême de l’État comme juste – et ce en particulier pour les camarades combattants enfermés en taule. Nombreux sont les camarades, hors-la-loi ou non, qui se félicitent avec nous de la réussite de cette action ! »
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Le point de vue d’Anne Morelli sur la question, directeur adjoint du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité de l’Université de Bruxelles :