L’intérêt des Français pour l’information reste élevé tout comme leur exigence à l’égard des journalistes et des médias.L’année 2015, marquée par une profonde refonte du secteur, a accru le sentiment d’un manque d’indépendance des professionnels de l’information. Si la confiance envers la télévision, la radio et la presse écrite se maintient, la crédibilité d’Internet baisse.
Il y a un an, lorsque l’institut TNS Sofres avait, pour La Croix, sondé les Français sur leur confiance dans les médias, des Français, nombreux, brandissaient des crayons place de la République, les journaux s’arrachaient dans les kiosques, les audiences des radios et télévisions s’envolaient.
La rédaction de Charlie Hebdo venait d’être prise pour cible par des terroristes. Tuer des journalistes, c’était s’en prendre à la liberté d’expression, un socle de la démocratie. Les résultats de notre Baromètre (intérêt record pour l’information, crédibilité des médias en hausse, moindre défiance envers les journalistes…) reflétaient alors ce besoin évident d’union nationale, qui se révéla éphémère.
L’édition 2016 traduit un retour à la normale dans la perception qu’ont Français de leurs médias. « Ces résultats renvoient à une forme de désespérance de la société française, très critique vis-à-vis de ses médias comme vis-à-vis de toute institution », souligne Carine Marcé, directrice associée chez TNS Sofres, tout en relevant que la crédibilité envers les différents supports se maintient, à l’exception d’Internet. En revanche, seul un gros un quart des Français juge les journalistes indépendants du pouvoir (27 %, – 4 points sur un an) et de l’argent (28 %, – 2).
« C’est une tendance au long cours qui s’accentue. Elle est liée à la situation française, où beaucoup d’événements se sont déroulés en 2015, estime l’économiste des médias Julia Cagé. Avec la reprise en main musclée de Canal + et d’i-Télé par Vincent Bolloré (nouveau propriétaire de Vivendi) cet été, le sentiment diffus d’un manque d’indépendance des médias est soudain devenu visible et concret : limogeage de patrons de chaînes, censure non démentie de documentaires… »
Une proposition de loi pour « renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias »
Selon Julia Cagé, l’appétit médiatique d’un géant des télécoms comme Altice (SFR-Numéricable) qui possède Libération, L’Express et bientôt BFM TV et RMC, ou celui de l’industriel Bernard Arnault (LVMH, Les Échos) qui a racheté Le Parisien, interroge tout autant.
Face à ces grandes manœuvres, le gouvernement est tiraillé entre sa volonté de faire émerger des géants des médias, capables de se déployer à l’étranger, et son souci de garantir l’indépendance des journalistes.
La proposition de loi du député socialiste Patrick Bloche, présentée mercredi 3 février en commission parlementaire et qui pourrait être débattue à l’Assemblée en mars, entend mettre des garde-fous et « renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias », notamment en imposant aux radios et télévisions des « comités » chargés de veiller à ces principes, lors de la signature des conventions avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).