C’est la question « dérision » qu’on peut se poser depuis le début du feuilleton Neymar & le PSG, qui dure depuis le début de l’été. De rumeurs en confirmations provisoires, puis de confirmations provisoires en confirmations fermes, il semble bien que la pépite brésilienne du FC Barcelone arrive ce jeudi 3 août 2017 à Paris. Ce serait la première fois que les « Français » chipent une star internationale au grand club catalan. Dans le capitalisme financier qui régit la planète foot, d’habitude, c’est l’inverse. Ce sont les pays à fiscalité élastique qui happent les très grands joueurs, plus attirés par le profit que par le maillot. Mais on ne va pas refaire ici l’article de la moralisation du foot mondialisé.
Le voyage récent de Neymar au Qatar a donc porté ses fruits : le PSG vient de s’offrir une rivière de diamants, mais va devoir pour cela revendre quelques bijoux de famille (dont Draxler ?). Le prix annoncé de la clause de libération du prisonnier politico-footballistique Neymar est de 222 millions d’euros. Quand les dirigeants du FC Barcelone ont négocié cela il y a 4 ans au moment où Neymar est arrivé en Espagne, ils ne pensaient pas qu’un club serait un jour capable de sortir une telle liasse. Mais avec le Qatar, rien n’est impossible.
On a été faire nos petits calculs, pour bien montrer que 200 bâtons, c’est une paille pour le prince al-Thani. Le Qatar produit en moyenne 2 millions de barils de pétrole par jour – on ne parle même pas du gaz naturel dont il détient 13% des réserves mondiales – au cours actuel (un barif vaut 150 litres de brut) de 50 dollars. Ce qui fait 100 millions de dollars par jour. En deux jours, le prince du Qatar qui gère le pognon de son pays peut s’offrir Neymar en envoyant le fric à Nasser al-Khelaïfi, le président en titre du PSG. Le Qatar a arrosé une bonne partie de la classe politique française, qui ne lui refuse rien.
On note que sans l’apport de l’argent arabe, le PSG aurait continué à végéter dans le milieu de tableau, excepté la parenthèse enchantée de Canal+, quand le PSG a gagné des titres avec son équipe « à un milliard », époque Raï (le capitaine de l’équipe du Brésil), Valdo, Ginola... C’était les années 90, et ensuite, ça a été le trou noir. Le PSG s’est enfoncé dans le classement, les affaires et la pauvreté, dans le jeu et dans les caisses. L’arrivée des Qataris a tout changé et propulsé le club, au prix de l’éviction de ses supporters historiques... qui applaudissent maintenant les amateurs du Saint-Germain FC en 5e division de disctrict.
En mai 2017, les ultras, très surveillés, sont revenus remettre de l’ambiance dans un Parc des Princes à moitié mort.
Mais revenons au point de départ, Neymar. Le public français est tellement habitué à voir partir ses grands joueurs que l’arrivée possible d’un très grand joueur n’a pas été prise au sérieux par les amateurs de foot. La France, comme dans d’autres domaines, a malheureusement intériorisé son infériorité. Une infériorité apprise dans les écoles et les médias, mais c’est encore un autre sujet. La France n’était là que pour fournir ses perles à la Premier League britannique, et remplaçait ses trous dans les équipe de Ligue 1 par des arrivées de joueurs africains. Qu’elle formait, et dont elle perdait aussi les perles !
La prudence de @franceinfo : « #Neymar a salué ses coéquipiers du #Barça et annoncé qu’il quitte le club, sans dire sa destination ». Amiens ?
— Philippe Vandel (@PhilippeVandel) 2 août 2017
Ce rôle secondaire, dicté par les lois du marché, a fait reculer la France, qui avait la meilleure équipe du monde pendant une décennie (1996-2006) dans le classement mondial et dans l’esprit des joueurs du monde entier. Pour eux, la France n’était qu’une étape dans un CV, ça valorisait un parcours, mais on n’y restait pas, parce que l’avenir était ailleurs : en Angleterre, en Espagne. On y revenait à 34 ou 35 ans pour prendre sa retraite en touchant quelques ballons et quelques billets devant des supporters nostalgiques.
Vous connaissez aussi des personnes qui vont être obligées de faire des choses comme ça avec l'arrivée de Neymar ? pic.twitter.com/CW73kVyJ5y
— PKFoot.com (@pkfoot) 2 août 2017
Aujourd’hui, quoi qu’on en dise, avec l’arrivée de Neymar, une page se tourne dans l’histoire de l’autoflagellation nationale. C’est comme ça qu’il faut prendre ce transfert, au lieu de pleurer sur les millions qui vont valser d’un paradis fiscal à l’autre en passant par les poches d’agents assoiffés de fric.
Voici Neymar en action, un petit joueur, mince et agile, mais qui sait tout faire et que personne ne peut attraper, à moins de le couper en deux :
La grosse blague du « fair-play financier » au pays de l’argent-roi
En Espagne, le départ de Neymar est vécu comme une trahison nationale, même si la Catalogne joue à l’indépendance. N’oublions pas que de l’autre côté des Pyrénées, le foot a une importance politique vitale, ce qui n’est pas le cas en France. Contrairement à notre pays, les clubs y sont aidées par l’État et les banques qui leur octroient prêts et avantages fiscaux que l’Union européenne, bonne mère qui détourne les yeux, devrait théoriquement dénoncer avec vigueur. Mais en Espagne, on ne touche pas au sport-roi qui détermine le moral de toute une nation...
Voici ce qu’écrit L’Équipe ce mercredi matin :
Alors que Neymar a annoncé ce mercredi matin à ses coéquipiers qu’il quittait le FC Barcelone, Javier Tebas, le président de la Ligue de football professionnel espagnole, ne l’entend pas de cette oreille. Le dirigeant semble bien décidé à faire échouer ce transfert qui, selon lui, ne respecte pas les règles du fair-play financier. Tebas assure dans un entretien accordé à AS qu’il « n’acceptera pas l’argent du PSG pour Neymar ». « Nous n’accepterons pas l’argent d’un club comme le PSG qui, sans appartenir à la Liga, veut exercer un droit dans notre organisation, et encore plus quand ce club enfreint des règles et des lois. (...) Ce serait contradictoire d’accepter ce paiement. Si le PSG arrive avec l’argent de la clause de Neymar, nous ne l’accepterons pas », a assuré Tebas.
Le « fair-play » financier dans la bouche de Javier Tebas, c’est comme si Muriel Pénicaud demandait aux travailleurs de gagner moins pour des raisons morales ! Voici la réaction (très bien-pensante mais ça, sur RMC, c’est inévitable) de François Manardo, dans ce qui s’apparente déjà à une brouille diplomatique entre la France et l’Espagne :