« À mesure qu’approche son 70e anniversaire et la date fixée pour son départ, il veut peser sur l’avenir politique du pays. Cette passation des pouvoirs à ses fils aura lieu lors du bicentenaire du groupe, le 17 février 2022, lors d’un grand fest-noz dans le fief familial d’Ergué-Gabéric, près de Quimper.
Gros, très gros article du Monde signé de la paire Bacqué-Chemin sur Bolloré, ou plutôt contre. Le portrait est à charge, car Bolloré est le soutien médiatique numéro un de Zemmour, via C8, CNews ou Canal+. La chaîne cryptée de gauche, c’est bien fini. On rappelle aux journalistes du Monde que lorsque le paquebot Canal penchait à gauche, sa chaîne d’informations continues i>Télé était au ras des pâquerettes. Le Monde ne cache pas son soutien à Macron, les grands médias se partageant désormais entre les deux camps : le socialo-sionisme et le national-sionisme. Pour les patriotes, il n’y a rien à gagner, à part enterrer définitivement le socialo-sionisme sauce BHL, mais le piège est bien tendu. Les naïfs iront se jeter dans la gueule du Zemmour, prévu à cet effet.
En quelques mois, le milliardaire breton a bâti un pôle réactionnaire qui s’étend jusqu’à l’édition. Avec comme fer de lance Éric Zemmour, avec qui il parle au téléphone tous les jours, et dont les obsessions identitaires et anti-islam colonisent le débat.
Dès l’introduction, le ton est donné : réac, identitaire, islamophobe. On comprend qu’on est toujours, au Monde, dans la gauche antiraciste, mais néolibérale, tout de même. On constate, avant d’aller plus loin, que l’attaque anti-Bolloré a tout d’une stratégie médiatique, puisque Mediapart y prend part. De là à dire qu’il y a collusion, et ordre de l’Élysée, c’est un pas que nous ne franchirons pas, car il n’y a pas et il n’y aura jamais de preuve. Mais objectivement, Bolloré le facho, ou Bolloré le catho, est attaqué de toutes parts. Le milliardaire a le cuir épais, matelassé de milliards : 11 milliards de capitalisation et 80 000 employés dans le monde. Autant dire un géant par rapport au groupe Le Monde.
« Trump est passé de la télé-réalité à la Maison-Blanche, mais il était le candidat du Parti républicain, tandis que Zemmour est le candidat d’un groupe audiovisuel. »
(François Hollande)
Mais comparons ce qui est comparable : Bolloré possède de la presse (gratuite, avec Direct-Matin), de la télé (le groupe Canal+), plus les destroyers C8 et CNews, où officiait encore Zemmour au côté de Christine Kelly avant de se faire sortir par le CSA. Le Monde, en face, pèse 167 millions de CA. Mais il reste un titre d’influence, qui donne le la à une bonne partie de la presse écrite, suiveuse et moutonnière comme pas deux. Dans l’édition, Bolloré lorgne précisément sur le groupe Hachette, premier éditeur de France, qui appartient encore à Lagardère. Mais il a mangé Europe 1.
D’emblée, Le Monde pose le conflit entre Bolloré et Macron : lui qui a été élevé parmi les puissants (tous les présidents de la Ve sont passés chez les parents), il n’aurait pas goûté la petit phrase de Brigitte à l’Élysée : « Comment peut-on vous aider ? »
Derrière cette vexation, il y a la bataille autour de la restructuration des grands médias français, sur lesquels Bolloré lorgnait, car il a la trésorerie pour : Lagardère, M6, lui échapperont, selon lui à cause des interventions de Macron, d’abord auprès de Merkel (pour le groupe Bertelsmann qui cédait sa filiale M6) puis auprès d’Arnault, qui bloquera les appétits de Bolloré dans Lagardère, groupe en dépeçage avancé. La lancée de Zemmour dans les pattes de Macron serait, si on sait lire entre les lignes, une des réponses à ces affronts élyséens.
C’est alors que Le Monde balance les accointances de Bolloré avec l’extrême droite, en l’occurrence via Patrick Mahé, l’ancien faf du groupe Occident (proche de Le Pen) pressenti pour reprendre Paris Match, et Jean Picollec, l’éditeur breton de droite qui a édité Léon Degrelle, le SS belge. Avec Degrelle, on tient une belle reductio ad Hitlerum. On reste dans l’extrême droite très chère à la gauche obsessionnelle avec la fréquence des rapports entre Bolloré et Zemmour révélés par Bacqué-Chemin :
Quand il aime, Vincent Bolloré a le coup de fil et le texto faciles. Bolloré et Zemmour déjeunent ensemble près d’une fois par mois et se téléphonent tous les jours, et c’est comme si CNews s’était mise à la disposition du presque candidat. Il faut dire que depuis l’arrivée du journaliste d’extrême droite, en octobre 2019, la chaîne d’opinion a triplé ses audiences, talonnant BFM TV et distançant LCI et Franceinfo. Entre le Breton catholique et le juif pied-noir d’Algérie s’est tissée une complicité inédite, dont la droite classique a fini par s’émouvoir.
En passant, on apprend que Marine Le Pen s’est plainte auprès de la direction de CNews car son temps d’antenne était nettement inférieur à celui de Zemmour, qui n’est pourtant pas candidat. On rigole de l’amalgame fait par les deux journalistes du Monde entre le passage de Renaud Camus sur CNews et l’attentat contre les musulmans de Christchurch :
Deux jours plus tard, le 31 octobre, un nouveau pas symbolique est franchi. Le directeur général de CNews, Serge Nedjar, valide la présence de Renaud Camus sur sa chaîne malgré de « vifs débats internes », reconnaît l’éditorialiste Ivan Rioufol, à l’origine de l’invitation dans son rendez-vous hebdomadaire sur CNews, « Les points sur les i ». « La seule ligne éditoriale que je respecte, c’est celle du patron », dit souvent Nedjar – surnommé sous cape « le général Tapioca » (le cruel dictateur de Tintin) au sein de la rédaction. Le promoteur du « grand remplacement » déroule donc, vingt minutes durant et avec l’approbation de Rioufol, cette théorie raciste et complotiste qui a notamment inspiré en 2019 le terroriste responsable de l’attentat qui a fait 51 morts et 49 blessés à Christchurch, en Nouvelle-Zélande.
- Slate, le titre de l’ancien directeur du Monde, Jean-Marie Colombani, est financé par Ariane et Benjamin de Rothschild
Renaud Camus, quoi qu’on en pense, responsable rétroactivement de la mort de 51 musulmans... Cet amalgame permanent entre Bolloré et l’extrême droite, Le Monde l’explique par l’histoire, et précisément son oncle : Gwenn-Aël Bolloré, « débarqué à 19 ans, le 6 juin 1944, sur les plages de Normandie avec le commando Kieffer ». Encore un parent de droite, « partisan de l’Algérie française et de l’OAS », tendance Jean-Bastien Thiry. Mais plus encore que le nationalisme, c’est le christianisme antiwoke qui dérange Le Monde.
Le play-boy s’exaspère du néoféminisme et de la remise en question du « mâle traditionnel ». Comme beaucoup d’hommes de sa génération, le « wokisme », ce concept qui prône la défense de toutes les minorités, l’exaspère. Il juge l’homme blanc menacé par l’idéologie décoloniale.
Qui révèle que Vincent a mis son veto pour l’achat (sur Canal+) du film anticatho de François Ozon, l’histoire du père Preynat, agresseur sexuel d’enfants. Le Monde a du mal à supporter qu’un milliardaire mette une partie de sa fortune au bénéfice d’une « croisade »...
La croisade pour l’Occident chrétien de Vincent Bolloré prospère sur un terreau favorable : une foi de charbonnier qui se décline en images pieuses dans son portefeuille, un syncrétisme « bretonnisant » qui balance entre tradition celte et piété mariale. La devise de la famille est la même depuis 1789 : « À genoux devant Dieu, debout devant les hommes ». Superstitieux, Vincent Bolloré garde à portée de main une statuette de la Vierge Marie et rapporte des bouteilles d’eau bénite de son pèlerinage annuel à Lourdes.
Avant de tuer les Guignols, Bolloré avait essayé de faire retirer la marionnette du pape, qui était la bête noire, le punching-ball des auteurs. Au-delà de ce marqueur chrétien, ou plutôt catho tradi (breton), tout le travail d’influence de Bolloré consiste à convaincre les hiérarques de la droite (Pécresse, Bertrand, Barnier) de travailler pour Zemmour ou au moins de reprendre ses thèses, la seule possibilité de gagner en 2022 selon lui. Et les deux journalistes de s’étonner de cet attelage entre un « catholique » et un « juif ».
En outre, Le Monde ne supporte pas que la campagne cathophobe à propos des agressions sexuelles au sein de l’Église soit critiquée par un des lieutenants de Bolloré : Aymeric Pourbaix, le journaliste à qui Bolloré a confié l’hebdomadaire France catholique. Un journaliste taxé de complotisme :
Le 20 octobre, dans un édito intitulé « Se taire ou parler », justifie le silence de son journal sur le rapport de la Ciase, la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, qui a ébranlé jusqu’au Vatican, par des mots qui flirtent avec le complotisme : « Quand toutes les ondes tiennent le même discours, qui leur a appris cet hymne à l’unisson ? Ne peut-il y avoir un chef d’orchestre caché et à quelles fins ? »
Cependant, la défense du catholicisme se fait ici sur le dos de l’islam, et l’article montre parfaitement cette articulation, qui passe par Zemmour :
Comme Vincent Bolloré, Aymeric Pourbaix est de ceux qui pensent que l’Église est trop fragile pour qu’on l’ébranle à nouveau. Zemmour le dit crûment dans ses meetings : « Vous détruisez le christianisme, vous aurez l’islam. » Le jeune journaliste et le capitaine d’industrie se sont liés par le biais d’un homme discret, qui signe ses billets dans le magazine sous le pseudonyme de Defendente Genolini et s’appelle Gabriel Grimaud. Le « Padre », comme ses fidèles surnomment cet abbé sec et dégarni qui ne rate jamais une occasion, dans ses sermons, de condamner l’avortement.
Le milliardaire lui a confié le foyer Jean-Bosco, vaste centre d’hébergement et de prière du quartier d’Auteuil, à Paris, qu’il a racheté en 2013 pour 70 millions d’euros aux petites sœurs des pauvres. Le lieu abrite les bonnes œuvres de l’industriel, comme la Fondation de la deuxième chance, qui aide à la réinsertion.
On présente souvent l’abbé Grimaud comme le « confesseur » de Vincent Bolloré. Il ressemble surtout à un directeur de conscience politique. C’est Gabriel Grimaud qui a présenté au patron le journaliste Guillaume Zeller, ce petit-fils d’un des quatre généraux du putsch d’Alger (aujourd’hui « directeur de projet » au sein du groupe). L’industriel l’avait propulsé malgré son inexpérience à la tête d’i-Télé, avant de licencier 70 journalistes et de transformer la chaîne en CNews. Cette fois, Vincent Bolloré tient à présenter à Gabriel Grimaud un journaliste juif qui se dit aussi « chrétien » et veut comme lui contrer l’islam : Éric Zemmour.
C’est l’Algérie (française) et la lutte contre l’islam qui liera l’abbé et l’essayiste :
La rencontre a lieu le 26 juin 2019 à l’institut Jean-Bosco. L’abbé fait visiter les jardins, la chapelle et la petite maison qui abrite la rédaction de France catholique. « Comment était la vie dans l’Algérie de papa ? », demande l’abbé Grimaud, qui est aussi pied-noir. Tous deux, Grimaud et Zemmour, s’inscrivent dans la même filière néomaurrassienne qui fait de la religion le bras armé de la politique. « Une complicité [est née] spontanément d’un combat commun, raconte le presque candidat dans son dernier ouvrage. Nous sommes engagés dans une lutte pour la survie de la France telle que nous la connaissons, loin d’être gagnée vu la férocité de l’ennemi. »
Une rencontre importante, qui changera (pour l’instant) la configuration politique française :
C’est devant Grimaud, autour du déjeuner servi sur des tables de récup’, dans le réfectoire, que Bolloré propose au journaliste d’intervenir tous les soirs sur CNews, à la rentrée suivante.
Le Canard enchaîné, l’organe des francs-maçons socialo-sionistes, a consacré toute une page à cet abbé diabolique :
La brutalité de Bolloré et son appétit pour les médias
selon les gauchistes Garrigos et Roberts (ex-Libération)
Regards attaque le couple Zemmour-Bolloré à travers
la nomination de Mahé et Bellay (à Paris Match et au JDD)