Si Le Monde n’existait pas, comme la Kommandantur, il faudrait l’inventer. C’est sous la plume du petit délateur Abel Mestre, l’ex-comparse de la délatrice anti-FN Caroline Monnot, que le prof de La France insoumise, Thomas Guénolé, se fait épingler en tant que facho. Certes, le terme maudit n’est pas cité, mais le nuage habituel de mots est là pour diriger l’opinion du lecteur de gauche, c’est-à-dire crédule : Guénolé, et par extension tous les mélenchonistes, sont des fascistes.
« C’est un nom qui surprend. Thomas Guénolé, politologue coresponsable de l’école de La France insoumise (LFI), apparaît au sommaire du numéro 48 de la revue Krisis, consacrée à la “nouvelle économie”. Fondée en 1988 et toujours dirigée par Alain de Benoist, Krisis est née dans le creuset de la Nouvelle droite (école de pensée qui se situe entre droite et extrême droite, et qui voulait lier combat politique et combat culturel). »
Thomas est prévenu : s’il veut conserver son immunité de gauche, et éventuellement l’appui du Monde, il faut qu’il s’explique très vite. Que fait-il dans ce nid de fachos qui menacent la démocratie et le pluralisme ?
« Cependant, la présence de M. Guénolé, qui a toujours développé des positions aux antipodes de la Nouvelle droite, interroge. Et pourrait brouiller l’image de La France insoumise, puisque Thomas Guénolé est l’un de ses représentants les plus médiatisés et qu’il devrait être l’un des candidats sur la liste de LFI aux élections européennes de mai 2019. »
Interrogé durement dans la cave du Monde par un Abel Mestre qui se sent pousser des ailes de redresseur de la rue Lauriston, Thomas, penché sur la baignoire de la Vérité, a craché deux dents et, le visage en sang, éructé son alibi :
« Il y a deux écoles : soit on ne parle pas à l’extrême droite, soit on débat pour lui porter la contradiction. Je n’ai aucune connivence intellectuelle avec la Nouvelle droite, mon parcours en atteste. Mon texte le prouve : j’apporte la contradiction à la pensée d’extrême droite. »
Tiens, ça rappelle les propos de Naulleau, secoué par la bien-pensance après son livre d’entretiens avec Soral. Après tout, c’est le débat démocratique, et chacun devrait avoir le droit de discuter avec n’importe qui, surtout s’il n’est pas de son avis. Mais ce n’est pas l’avis du Monde et du petit Mestre, qui traquent les passerelles possibles entre le populisme de droite et le populisme de gauche.
Pourtant, ces passerelles existent, et il ne s’agit pas de persécuter les juifs, juste de ne pas subir la dictature libérale qui appauvrit les Français et détruit le progrès social acquis de haute lutte. Mais ça, les délateurs du Monde n’en ont rien à foutre : seul compte l’avis des Maîtres, ceux qui payent, qui donnent les ordres et qui entendent être obéis. C’est pour cela que le petit Mestre court ventre à terre torcher son papier-délation !
Heureusement, Guénolé n’est ni un facho ni un identitaire. Il le dit lui-même, en lappant un peu de l’eau que lui tend son bourreau après la séance d’interrogatoire :
« Opter pour le repli sur soi de l’identitarisme n’est pas non plus une approche viable. Cela consiste à classer les êtres humains selon des critères culturels sans base scientifique, que l’identitariste choisit lui-même (…). Dans les pays riches, la dynamique identitariste la plus marquée à l’heure où j’écris ces lignes est l’essentialisation des musulmans. »
Ah oui mais là attention la fin ça va pas du tout, Toto : normalement, si tu veux être dans la ligne du Monde, faut accuser les musulmans de tous les maux tout en hurlant que la lutte contre l’antisémitisme est l’alpha et l’oméga de ta politique !
Et en plus, patatras, on en apprend de belles sur le patron de Krisis :
« Thibault Isabel, rédacteur en chef de Krisis, explique que c’est lui qui a proposé à Thomas Guénolé de le publier, il y a de cela un an. “Il n’était pas encore connu comme insoumis”, note ce spécialiste de Pierre-Joseph Proudhon, qui vient de publier un livre sur l’anarchiste français (Pierre-Joseph Proudhon, l’anarchie sans le désordre, Autrement, 2017). »
Proudhon ? ! Ah, au secours, le national & le social réunis en un seul homme ! Le père spirituel de Pierre de Brague ! Oh non, tout est à refaire pour Thomas, qui replonge dans la baignoire du Mestre, tortionnaire au petit pied...