Cette loi hypocrite, sous le prétexte de lutter contre les fausses informations, alors que la classe politique est de tous les temps la plus grosse pourvoyeuse de mensonges – directs ou par omission – au monde, est une usine à gaz.
Le pouvoir profond et ses larbins de l’exécutif tentent de contrôler l’information issue de l’internet en passant par ce biais législatif et juridique. Manque de pot, des hommes politiques lucides, des juristes honnêtes et des journalistes authentiques pointent du doigt l’ingénierie lourdingue et élèvent la voix.
Ce n’est évidemment pas pour soutenir les médias « russes » sous le feu gouvernemental, à savoir Sputnik et RT, et encore moins E&R, mais ils sentent bien qu’un basculement est en cours. Une fois que l’andouille utile Nyssen aura fait passer « sa » loi scélérate en force, n’importe quel agent de la propagande du pouvoir profond pourra se débarrasser d’une source d’informations contrariante et de son support en moins de 48 heures. Bref, d’un média anti-oligarchique.
La censure est l’arme de la dictature, et c’est à cela qu’on la reconnaît. Difficile dans un pays dit avancé d’imaginer l’avancée en douce d’une dictature, pourtant c’est la réalité. Ceux qui nous gouvernent et leurs maîtres ne veulent pas qu’on découvre leur collusion. En clair la corruption de notre classe dirigeante au profit d’États étrangers ou d’intérêts non nationaux.
Nouvelles frictions en vue à l’Assemblée nationale, où les débats sur les deux propositions de loi « contre la manipulation de l’information » ont repris mardi 3 juillet. Face au tollé provoqué par ces textes, les parlementaires ont dû reporter l’examen des quelque 210 amendements restants au mois de juillet, comptant sur la quiétude estivale pour y mettre un point final. Mais rien n’est moins sûr, car les opposants – et ils sont nombreux ! – continueront d’incriminer ce projet qu’ils jugent inefficace et liberticide.
Pourtant, son objectif est louable : il s’agit de garantir une information juste et loyale des citoyens pendant les élections. « Ce sont les campagnes orchestrées de désinformation qui sont ici visées », a précisé le ministre de la Culture Françoise Nyssen lors des débats parlementaires. Ainsi, le texte prévoit qu’un candidat ou un parti pourra saisir le juge des référés jusqu’à trois mois avant une élection générale, pour faire cesser la diffusion massive d’une information contrefaite susceptible d’ « altérer la sincérité du scrutin ». Problème : cela conduit à créer un régime de censure « a priori » de l’information, dont les nuisances sont déjà sanctionnées par de nombreux textes.
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Mais à quoi bon une nouvelle loi, dont l’efficacité semble douteuse ?
« L’impact (des fausses informations) sur des opinions publiques particulièrement perméables aux visions du monde complotistes est alarmant, tout particulièrement auprès de la jeunesse », mais leurs « conséquences sur les résultats des récentes élections n’est pas décisif (…). Même quand la fausseté est prouvée, l’impact argumentatif ne diminue pas, le mal est déjà fait », observent les auteurs d’un avis du comité d’éthique du CNRS en date du 12 avril 2018.
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Liberté d’expression
Or le projet gouvernemental ne s’attaque aux fake news qu’à l’approche des scrutins. Et pour cause : « Si cette obligation devait s’appliquer en permanence, nous nous exposerions à la censure du Conseil constitutionnel, voire de la Cour de justice de l’Union européenne », a justifié Françoise Nyssen. Entendez, il n’est pas question de porter atteinte de manière « disproportionnée » à la liberté d’expression, au risque de se faire retoquer par les sages. Mais ce n’est pas gagné :
« La position des promoteurs du texte est paradoxale : on pourrait très bien considérer au contraire que la période électorale est celle où la liberté d’expression doit être la plus grande, avance Me Le Gunehec. On ne peut pas bouter les mensonges hors du débat public. Comme tous les textes qui restreignent la liberté d’expression, celui-ci s’expose à un risque de censure du Conseil constitutionnel. »
D’autant qu’un autre danger guette ce pilier de la démocratie : la définition, pourtant déjà débattue et modifiée, de la « fausse information ». Il s’agit de toute « allégation ou imputation d’un fait, inexacte ou trompeuse ».
« L’inexactitude se rapporte non pas aux faits ni à la façon dont on les a vérifiés, mais à la manière dont on a les relatés. Et qui seront les auteurs de cette infraction si ce n’est la presse en tant que diffuseur ? Or, chaque journal a sa manière de rendre compte des informations conformément à sa ligne éditoriale… Et comment définir “l’inexactitude” dans un récit ? Ce qui déplaît au pouvoir ? À travers cette définition, on s’en prend au récit et non pas aux faits, et c’est extrêmement gênant », relève Roseline Letteron.
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Manichéisme
Plus inquiétant encore, le texte chahute nos principes juridiques.
« Fondamentalement, dans notre droit actuel, la question n’est pas de savoir si une information est vraie ou fausse, mais d’abord si elle porte atteinte à la réputation, à l’intimité de la vie privée, à la présomption d’innocence, etc. Ce manichéisme du vrai et du faux paraît évident à première vue, mais en réalité, pour les juristes, il est impraticable », estime Me Le Gunehec.
Et cela ne manquera pas, une fois encore, de compliquer la tâche du juge qui ne dispose (que) de 48 heures pour se prononcer sur la véracité ou non de l’information avant de décider de la mesure « proportionnée et nécessaire » à prendre : déréférencement du lien vers l’information, retrait du contenu, fermeture du compte ayant contribué à sa diffusion de ce contenu, blocage d’accès à Internet…
« Cette procédure est impraticable ! Elle nécessite un débat sur les imputations litigieuses, difficile à avoir en l’absence de l’auteur des propos, pressent Me Le Gunehec. Le juge ne pourra pas statuer sur la fausseté d’une nouvelle en 48 heures et en l’absence de l’éditeur du contenu (la procédure visera l’hébergeur ou à défaut le fournisseur d’accès), sauf, peut-être, pour des fake absurdes dont la fausseté crève les yeux. Or les fake news telles qu’on les a connues pendant la dernière campagne présidentielle peuvent être assez élaborées. Il faudra que le demandeur apporte d’emblée au juge la preuve que les propos sont faux... et ce n’est pas simple… »
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Police des médias
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« Il s’agit d’une extension très nette des pouvoir du CSA, à la fois sous l’angle du contrôle de la sincérité des scrutins, et sous celui de la surveillance des plateformes en ligne alors qu’historiquement, l’Internet ne relève pas du CSA, commente Me Le Gunehec. C’est un vieux débat et une des grandes ambitions du CSA. À travers la surveillance des plateformes en ligne, la proposition de loi fait un discret et assez malheureux pas dans cette direction. »
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Le député Nouvelle Gauche Hervé Saulignac s’en était d’ailleurs indigné lors des débats parlementaires :
« Lorsque le pouvoir flirte avec l’idée de réguler un contre-pouvoir, c’est l’un des principaux piliers de notre démocratie qui est potentiellement menacé dans sa liberté. De la fausse information au délit d’opinion, il n’y a qu’un pas. Du pouvoir de police confié au CSA à l’instauration d’une police des médias, il n’y a également qu’un pas. »