Le Kinder Surprise ? Interdit. La boîte pour enfants Happy meal de McDonald’s ? Privée de jouet à l’intérieur. Le Chili, inquiet de voir ses habitants en surpoids, appliquera à partir de lundi prochain une législation alimentaire très stricte.
« Nous avons une société vraiment malade, il était nécessaire d’avoir des politiques publiques très fortes », explique à l’AFP Samuel Duran, président du Collège des nutritionnistes du Chili. Le Chili, considéré comme un modèle de croissance en Amérique latine, est aussi, dans la région, un des premiers consommateurs de boissons sucrées, de glaces et de pain.
Ces dix dernières années, le diabète y a explosé, avec 80 % de cas supplémentaires. Aujourd’hui plus de 60 % des Chiliens (et un tiers des enfants de moins de six ans) sont en surpoids.
Protéger les enfants
La loi qui entre en vigueur lundi aura mis cinq ans à être approuvée, plus quatre années pour laisser le temps à l’industrie agro-alimentaire, qui a fait un intense lobby, de s’adapter. Elle promet de révolutionner les étiquettes des produits vendus dans les magasins, qui montreront du doigt les aliments riches en graisses saturées, sucres, sodium et calories. Son objectif est avant tout de protéger les enfants, en interdisant la vente dans les écoles des aliments mauvais pour la santé. Et ces derniers n’auront plus le droit d’être accompagnés d’un jouet, sonnant le glas du Kinder Surprise ou du Happy meal de McDonald’s.
Si le fast-food américain pourra reformuler son menu pour enfants pour y ôter le jouet, pour l’Italien Ferrero, il est impensable de proposer un œuf au chocolat sans rien dedans, ce qui le privera donc du marché chilien. Le fabricant a dit qu’il se réservait le droit de saisir la justice nationale et internationale, au motif que la loi « affecte la réputation d’un de ses produits les plus populaires ».
Le chocolatier italien, qui a lancé son fameux produit en 1972, est déjà interdit de commercialisation aux États-Unis, en raison d’une réglementation de 1938 qui interdit l’association d’une denrée alimentaire avec toute autre substance (un jouet dans ce cas). Les autres aliments jugés nocifs au Chili devront, eux, s’adapter : 8 000 devront changer leur emballage.
Consommer en connaissance de cause
L’idée, en mettant en garde contre les niveaux de graisses ou de sucres, est de permettre aux consommateurs de connaître rapidement la composition d’un produit en faisant fi de la communication le vantant comme bon pour la santé.
« C’est très différent de consommer quelque chose en connaissance de cause que de le faire en étant trompé, en pensant que l’on consomme un aliment sain ou que l’on donne un aliment sain à ses enfants », souligne le sénateur Guido Girardi, principal promoteur de la législation. Il cite comme exemple le petit-déjeuner, où beaucoup de parents servent des céréales à leurs enfants en pensant que c’est bon pour eux, alors que celles-ci contiennent généralement « 40 % de sucre et des quantités énormes de sel ».
La publicité de ces produits néfastes sera bannie des programmes pour enfants et les fabricants devront enlever des emballages tout élément destiné à attirer leur attention, comme des dessins ou des autocollants.
« Cocacolonisation »
Derrière la hausse brutale du surpoids et de l’obésité au Chili, il y a une révolution du régime alimentaire, avec une consommation qui privilégie désormais les aliments transformés, mais aussi une vie plus sédentaire. Et si, dans les années 1970, les autorités luttaient contre la malnutrition infantile, maintenant c’est le surpoids qu’elles combattent.
La croissance économique et l’absence de politiques publiques adéquates ont poussé de plus en plus de familles à donner des aliments transformés aux enfants, explique le médecin Roberto del Aguila, consultant pour l’Organisation panaméricaine de la Santé. Le danger se trouve particulièrement en milieu scolaire : les élèves d’écoles publiques y dépensent un dollar par jour en bonbons. Très riches en sucres, les sodas sont également très prisés. « Une grande partie des mauvaises habitudes alimentaires adoptées par les Chiliens est due à ce qu’on appelle la "Cocacolonisation" du monde, c’est-à-dire la consommation massive de boissons sucrées et d’autres produits alimentaires avec des indices élevés de graisses saturées », souligne le diabétologue Manuel Garcia de los Rios.