Le CETA est-il compatible avec la Constitution française ? Une centaine de députés de gauche ont saisi le Conseil constitutionnel au sujet de ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada déjà validé par le Parlement européen.
Cent six députés français de gauche ont demandé mercredi au Conseil constitutionnel « de réaliser un examen détaillé » de la compatibilité du controversé accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada (CETA) avec la Constitution, a déclaré à Sputnik André Chassaigne, président du groupe Gauche démocrate et républicaine.
« On aimerait que l’affaire se règle le plus rapidement possible. On ne sait pas ce qui va sortir des urnes (à la présidentielle du printemps, ndlr), on ne sait pas si la majorité sera extrêmement libérale et donc favorable à tout ce qui va être pour le développement du libre-échange, parce que c’est ça au fond. Nous, on a accéléré le mouvement. Il a une mobilisation qui reste intacte et même qui grandit », explique M. Chassaigne qui fait partie des députés ayant déposé la requête auprès du Conseil constitutionnel.
L’accord CETA « va bien au-delà des traités de libre-échange classiques et des accords bilatéraux d’investissement. Il accentue encore la libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et l’UE, et introduit un mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États visant la suppression des mesures – lois, règlements, pratiques nationales – réputées faire obstacle aux investissements des entreprises du Canada dans les États membres de l’Union et réciproquement », notent les députés de gauche dans leur communiqué.
« Des normes sanitaires qu’on va avoir chez nous, quelques interdictions des hormones de croissance pour l’agriculture ou l’interdiction OGM, on peut les considérer comme des obstacles à la commercialisation et passibles d’être trainées devant la juridiction qui sera mise en place. Le CETA ne protège pas le principe de précaution, qui est constitutionnel, il le remet en cause », accuse le député communiste du Puy-de-Dôme, qui demande l’annulation pure et simple du traité.
En France, plusieurs organisations se sont déjà interrogées sur la compatibilité du CETA avec la Constitution. Alerté par une plainte constitutionnelle déjà déposée en Allemagne, l’Institut Veblen, a publié le 13 février l’analyse détaillée de trois juristes intitulé Le CETA porte atteinte à la Constitution.
L’Institut a salué la démarche des députés de gauche et demandé au gouvernement français de refuser toute entrée en vigueur provisoire de l’accord CETA. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer à ce sujet d’ici un mois.
Pour Mathilde Dupré, de l’Institut Veblen, saisir le Conseil constitutionnel n’est pas le dernier recours.
« Il est encore question d’un recours au niveau de la Cour de justice de l’Union européenne. La Belgique a annoncé qu’elle saisirait cette Cour de justice. Effectivement, avant de demander aux parlementaires français de valider ce texte, il nous semblait important qu’ils puissent être éclairés sur la question de la légalité ou non de ce texte par rapport à la Constitution », a déclaré à Sputnik Mathilde Dupré.
Après sept ans de négociation (et de mobilisation), le CETA a été signé le 30 octobre 2016. Le Parlement européen a ratifié cet accord le 15 février par 408 voix pour et 254 contre. Trente-trois députés se sont abstenus. Selon le site EUobserver, 3,5 millions de personnes ont signé une pétition appelant le Parlement européen à ne pas ratifier le CETA.
L’accord prévoit la suppression des droits de douane pour presque tous les produits entre l’UE et le Canada, à quelques exceptions près, dont certains produits agricoles. Par ailleurs, l’accord ouvrira aux entreprises de l’UE les marchés publics canadiens. Les Européens avaient déjà donné un large accès à leur marché aux entreprises canadiennes.
La ratification par les députés européens ne fait que lancer la procédure de son entrée en vigueur. Le texte sera entièrement appliqué seulement après l’approbation des 38 parlements nationaux et régionaux de l’UE.
« C’est incroyable, on va avoir un traité qui va être mis en œuvre de façon provisoire, dit-on, à partir du 1er mars, et on sait qu’il faudra des années pour qu’il soit ratifié par l’ensemble des États européens. C’est un passage en force extrêmement anti-démocratique. On ne va pas lâcher par rapport à cela. Ce qu’on veut, c’est l’annulation de ce traité », a conclu M. Chassaigne.