Le 11 septembre 2001 et le coup d’État des néoconservateurs
Un article de Youssef Hindi en exclusivité pour le site E&R !
Sommaire
- Qui sont les néoconservateurs ?
- Les attentats et le coup d’État
- Le coup d’État néoconservateur à l’échelle occidentale
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Le présent article expose une des thèses de mon dernier ouvrage, La guerre des États-Unis contre l’Europe et l’avenir de l’État, à savoir les conséquences qu’a eu sur l’Occident et le monde le coup d’État mené par les néoconservateurs en Amérique en 2000 et 2001.
Qui sont les néoconservateurs ?
D’après nombre de politologues américains, le noyau dur des néoconservateurs étasuniens est essentiellement composé de juifs occupant des postes importants dans d’influentes organisations, fondations et institutions politiques à l’instar d’Elliott Abrams, Kenneth Adelman, Douglas Feith, Richard Perle, Paul Wolfowitz ; dans le milieu journalistique, on trouve de même David Brooks, Charles Krauthammer, William Kristol, Bret Stephens et Norman Podhoretz ; parmi les universitaires néoconservateurs juifs, nous trouvons Eliot Cohen, Aaron Friedberg, Ruth Wedgwood et le très important Bernard Lewis, historien pro-israélien – qui a laïcisé la stratégie du choc des civilisations et en à fait un concept [1] ; dans le milieu des experts, on peut énumérer Max Boot, David Frum, Reuel Marc Gerecht, Robert Kagan, Michael Ledeen, Joshua Maravchik, Daniel Pipes, Danielle Pletka, Michael Rubin et Meyra Wurmser.
Max Boot, néoconservateur revendiqué, explique, dans un texte publié dans The Wall Street Journal, que le « soutien à Israël est l’un des principes clés du néoconservatisme » [2]. Comme le font remarquer les universitaires américains de renom John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt :
« Le néoconservatisme est un sous-ensemble du mouvement pro-israélien. Les juifs américains sont au centre du mouvement néoconservateur, de la même façon qu’ils composent la majeure partie du lobby. » [3]
Dans un article du Michigan Daily titré « What the hell is a neocon ? », signé Ari Paul, l’auteur écrit :
« Certains craignent la théorie de la conspiration néoconservatrice parce qu’elle rappelle les anciens mythes antisémites "Hymie (NDA : nom péjoratif signifiant « mâle juif ») gouverne le monde". Par exemple, nombre de mes camarades étudiants (moi y compris) ont été offensés lorsque Hussein Ibish, du Comité américano-arabe contre la discrimination, a qualifié les néocons d’"idéalistes, fous et chauvins juifs-américains", lors d’une intervention à la Michigan League l’année dernière. Mais cette accusation cache une triste réalité. Ce sont des idéologues purs et durs dont la personnalité et la politique étrangère peuvent être qualifiées de chauvines, et mazel tov, ils sont tous juifs. Petite remarque à l’attention des antisémites : cela ne justifie pas les théories de la conspiration juive, car la plupart des Juifs américains sont restés démocrates.
Un peu d’histoire. La plupart des néoconservateurs étaient trotskistes dans leurs vies antérieures. Ce n’est pas surprenant, puisque le trotskisme est similaire au néoconservatisme en ce qu’ils sont tous deux anti-démocratiques et exigent une guerre totale et sans compromis contre leur ennemi (les capitalistes pour les trots, tous ceux qui ne sont pas américains ou israéliens pour les néoconservateurs) et cherchent à devenir l’hégémonie dominante et unique. » [4]
Les attentats et le coup d’État
Les attentats du 11 septembre 2001 ont été un moyen et un prétexte pour les néoconservateurs de prendre le pouvoir aux États-Unis et d’instaurer un état d’exception.
Cette prise de pouvoir des néoconservateurs aux États-Unis a été dénoncée par le général Wesley Clark, ancien commandant suprême des forces alliées en Europe (un des deux commandants stratégiques de l’OTAN). Il déclarait ainsi, le 3 octobre 2007 au Commonwealth Club of California à San Francisco :
« Ce qu’il s’est passé le 11 Septembre, c’est que nous n’avions pas de stratégie, nous n’avions pas d’accord bipartite, les Américains ne comprenaient pas ce que c’était, et nous avons eu à la place un coup d’État politique dans ce pays, un coup d’État, un coup d’État politique. Certains durs à cuire ont pris le contrôle de la politique américaine et ils ne se sont jamais embarrassés pour nous en informer... » [5]
Puis, il a nommé quelques-uns de ces individus qui ont pris le contrôle des États-Unis, à savoir Donald Rumsfeld, Dick Cheney, Paul Wolfowitz, « et vous pouvez nommer une demi-douzaine d’autres collaborateurs du Projet pour un nouveau siècle américain (The Project for a New American Century) ».
Les fondateurs du Project for a New American Century – William Kristol, Robert Kagan, Bruce P. Jackson, Mark Gerson et Randy Scheunemann – sont tous des pro-israéliens et majoritairement d’origine juive. Il en va de même pour les membres de la direction. Précisons que Robert Kagan est le mari de Victoria Nuland (Nudelman de son vrai nom), secrétaire d’État assistante pour l’Europe et l’Eurasie (du 18 septembre 2013 au 25 janvier 2017) dans l’administration Obama, et actuelle sous-secrétaire d’État pour les affaires politiques dans l’administration Biden (depuis le 3 mai 2021). Elle a été au cœur de la révolution de Maïdan orchestrée par les États-Unis [6] et elle est aujourd’hui en pointe dans la politique étasunienne belliqueuse contre la Russie en Ukraine.
Ce coup d’État, dénoncé par le général Clark, a précédé d’un mois le début de la série de guerres « justes » contre « l’Axe du mal », à commencer par l’Afghanistan qui a été attaqué dès le mois d’octobre 2001.
Dix jours après les attentats du 11 Septembre, Wesley Clark s’est rendu au Pentagone. Il y a rencontré Donald Rumsfeld, le secrétaire d’État à la Défense, qui lui a dit que « personne ne nous dira où et quand nous pouvons bombarder, personne. Je pense appeler cela une coalition flottante ».
Puis, toujours au Pentagone, le général Clark apprend à sa grande surprise, par la bouche d’un officier, que « nous allons attaquer l’Irak » ; quand Wesley Clark lui demande pourquoi, l’officier lui répond « nous ne savons pas » ; à la question de savoir si Saddam Hussein a un lien avec le 11 Septembre, l’officier lui répond par la négative. Et lors d’une autre rencontre, six semaines plus tard, le même officier lui dit que « nous allons attaquer et détruire les gouvernements de sept pays en cinq ans. Nous allons commencer par l’Irak, puis nous irons en Syrie, au Liban, en Libye, en Somalie, au Soudan et en Iran ».
Dans cette très courte séquence historique, il y a eu coup d’État, guerres extérieures et mise en place d’un état d’exception sur le territoire étasunien dès le mois d’octobre 2001. La guerre contre le terrorisme a été le prétexte à l’état d’exception planétaire, c’est-à-dire la suspension, par les États-Unis, du droit international, provoquant ainsi une guerre civile mondiale.
Le coup d’État néoconservateur à l’échelle occidentale
L’Europe, vassalisée par les États-Unis, a logiquement subi ce coup d’État et a été entraînée dans la guerre civile mondiale « contre le terrorisme ». Dans la même séquence, une série de coups d’État institutionnels a eu lieu en Europe, soumettant plus encore le Vieux Continent aux réseaux financiers et néoconservateurs [7].
En France, l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, après la rébellion gaullienne de Chirac et Villepin contre les néocons, a été une victoire de ces derniers. Ils ont ramené la France sur la ligne pro-israéliennne et pro-américaine pour la plus grande joie des Bernard-Henri Lévy, des Bernard Kouchner, des Glucksmann père et fils, et le reste des néoconservateurs hexagonaux qui ont investi les ministères, notamment le Quai d’Orsay.
« Parmi les nombreuses directions qui se côtoient dans le palais au n° 37 du quai d’Orsay, la direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement est leur bastion (NDA : celui des néoconservateurs). À la tête de cette direction majeure du ministère des Affaires étrangères ? Un spécialiste de la dissuasion nucléaire, Nicolas Roche, qui serait membre d’une mystérieuse confrérie appelée “la secte” » [8], celle des néocons.
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle, fréquentait avec ses conseillers du ministère de l’Intérieur et chefs de l’UMP « assidument l’ambassade américaine de Paris, ainsi que les dignitaires américains de passage en France » [9].
Lors de ses rendez-vous à l’ambassade des États-Unis « Sarkozy a exprimé son admiration pour le président Bush », écrit l’ambassadeur. « Sarkozy a dit que, comme le président [Bush], lui aussi mettait un point d’honneur à tenir sa parole et à affronter honnêtement les problèmes réels de son pays. »
Alors qu’il est membre du gouvernement français, et ministre d’État de surcroît, Sarkozy critiquait la position de la France devant des officiels étrangers. « Sarkozy s’est lamenté de l’état troublé des relations entre les États-Unis et la France au cours des dernières années, écrit le diplomate. Affirmant que c’est quelque chose que lui “ne ferait jamais”, il a évoqué l’utilisation, par Chirac et Villepin, du veto de la France au Conseil de sécurité [de l’ONU] contre les États-Unis en février 2002 [sur l’invasion de l’Irak] comme étant une réaction injustifiable et excessive. » [10]
Durant son mandat, Sarkozy a détruit la Libye, un des pays qui étaient, depuis au moins 2001, sur la liste néoconservatrice des États à abattre. Depuis 2007, la France s’est enfoncée dans le déclin et ce de façon accélérée sous les mandats de Macron.
La guerre des États-Unis, de l’OTAN contre la Russie en Ukraine est une guerre néoconservatrice. On l’a dit, Victoria Nuland, qui fait partie de la « secte », pilotait déjà cette guerre sous l’administration Obama. Cette secte puissante, qui est appuyée par des réseaux, think tanks influents, et soutenue par une partie de la haute finance qui contrôle les États occidentaux, nous entraîne vers une possible conflagration nucléaire.
Toute reprise en main de l’État, en France en l’occurrence, doit passer par une mise à l’écart de ces réseaux qui mettent en danger l’humanité.