Ruquier en début d’émission : « Moi on me dit de recevoir, je reçois. »
Et à la fin : « Les réseaux sociaux – la fachosphère comme on l’appelle parfois – m’ont accusé de vous inviter par communautarisme, est-ce que vous pouvez m’expliquer, monsieur Philippot ? J’ai pas compris pourquoi... »
Laurent Ruquier ne devrait pas prendre autant de gants pour inviter le dernier rejeton – pourtant très télé-présentable – de la Bête immonde. En nous faisant comprendre, dès sa première phrase, que l’invitation de Philippot n’est pas de son fait mais une obligation politique du CSA, il envoie un message clair : je ne suis pas fasciste, je ne suis pas philippotiste. Mais ça, on le savait déjà, puisqu’il a déclaré que si Marine Le Pen gagnait en 2017, il quitterait la France.
Il manquera aux Français, c’est sûr. Pour rebâtir le pays, on a tellement besoin de lui.
Non, le plus intéressant dans les spectaculaires et courageux moulinets antifascistes de l’animateur de service public (qui n’a visiblement pas compris son cahier des charges, donner la parole à tous ceux qui représentent les Français, sans jugement personnel), c’est qu’il fait partie de ce dispositif qui, pour le prix d’un poste grassement rémunéré en argent et en gloire, dénonce un faux fascisme, afin de dissimuler le vrai.
Ruquier : « Comment vous allez convaincre les 38 millions de Français inscrits sur les listes électorales qui pour l’instant ne votent pas pour vous ? »
Ruquier a le droit de penser qu’il fait partie d’une chaîne normale de commandement. Une vraie colonne vertébrale de service public, avec un directeur des programmes au-dessus de lui, un directeur de chaîne encore au-dessus, puis une présidente, un ministre, etc. En réalité, la chaîne officielle recouvre un autre organigramme, beaucoup moins visible, encore moins officiel, mais qui a la main ou le droit de veto sur le choix des programmes, des animateurs principaux, des boites de production, et qui assure la surveillance de l’ensemble, au cas où une émission non conforme viendrait à passer à travers les mailles du filet. La preuve, c’est l’uniformité idéologique du résultat : il n’existe aucune émission, aucun animateur ni aucun chroniqueur qui serait par exemple pro-FN ou antisioniste dans le service public. Le filtre fonctionne bien.
Philippot : « Un Français sur deux pense que le Front national est une menace pour la démocratie, je regrette qu’il pense cela mais c’est un fait. »
C’est ainsi que le service public est verrouillé. Ceux qui disent que malgré tout il se passe parfois quelque chose de non-conforme à cet appareil médiatico-policier ont raison. Tout n’est pas contrôlable à 100%, les hommes sont des hommes, il y reste encore un peu de direct, et une Alessandra Sublet, pourtant bien dressée, peut mettre un Patrick Bruel dans l’embarras (sur France 5), un Naulleau peut ne pas dégommer un Soral (chez Giesbert), ou plus récemment, un Mélenchon peut dénoncer ouvertement les abus de pouvoir du CRIF (Dans le dernier Des paroles et des actes). Mais il n’y a pas d’abus de pouvoir, il n’y a que du pouvoir.
Moix : « Et après vous me répondrez sur Mendès. [...] Monsieur Philippot, est-ce que vos amis sont complotistes et racialistes ? »
Parfois aussi, survit une émission avec un degré de liberté d’expression non pas total – faut pas rêver – mais supérieur à celui mesurable chez ses consœurs soumises : elle donne l’impression de liberté, elle applique un peu mieux le cahier des charges de service public (Ce Soir ou Jamais de Taddeï), mais avec moult pincettes et précautions. Une production tolérée par la dominance, afin que l’honneur – plus très vierge – du service public soit sauf.
Mais les garde-fous sont partout, au cas où l’animateur lui-même, pourtant tenu par un producteur en régie, aurait une faiblesse, passagère ou évolutive : les animateurs sont donc flanqués de chroniqueurs ou de snipers qui garantissent la flottaison de l’ensemble. Chez Ruquier, c’est Yann Moix, le chasseur de nazis, le Simon Wiesenthal de service public, qui veille, l’oreillette du lobby intégrée dans le cerveau. Un joli cas de transhumanisme. Tout le monde surveille tout le monde, autre signe d’un environnement totalitaire. Les rappels à l’ordre sont permanents.
Philippot : « Moi je suis gaulliste »
Moix : « Mais dans vos rangs il y a quelqu’un qui a essayé d’éliminer physiquement le Général ! »
L’intro de Ruquier pour la venue de Philippot constitue l’une de ces pincettes, qui permet de renforcer le cordon sanitaire contre le danger « fasciste » et de marquer la différence entre l’émission et l’invité « nauséabond » (Moix évoque même quelque chose qui ne « sent pas très bon »).
Tout le monde l’aura compris, il s’agit d’un fascisme de remplacement, de pacotille, un fascisme bouc émissaire. Le vrai fascisme ne l’assume pas – le faux ne l’assumant pas non plus, et pour cause, il n’en est pas un ! – mais il en possède tout l’arsenal : puissance décisionnaire, pouvoir répressif sans partage, celui de désigner et détruire les ennemis ou les résistants (par le moyen d’une campagne médiatique unanime ou d’un silence imposé contre une parole dérangeante), souillure des réputations, maintien des effectifs dans un état de dépendance financière et de terreur idéologique, celle du dépassement, du dérapage. Il ne manque que les condamnations à mort pour qu’on soit en Union soviétique ou en Allemagne nazie. Mais le principe est le même. Nous nageons en plein totalitarisme médiatique.
Salamé : « Les dizaines de candidats aux [élections] départementales que vous avez sanctionnés d’ailleurs, parce que ils affichaient, sur leur mur Facebook, qui des croix gammées, qui des odes à Hitler... »
Ainsi, à chaque fois que le faux fascisme ou fascisme fabriqué sera dénoncé ou accusé, cela sera une indication de l’intervention du vrai fascisme, qui parle à travers ses nervis, toujours par écrans interposés, sauf cas exceptionnel (le 9 janvier 2014 pour l’interdiction du spectacle de Dieudonné, quand tout le lobby en danger a fait une descente sur BFMTV). Cependant, quand le travail de collaboration d’un nervi est éventé, ou que ce nervi est reconnu comme un collabo sur l’Internet, alors il faut le jeter, aux résistants justement, qui le mettent en pièce (ça calme la Bête immonde), et chercher un remplaçant, qui fera le job pour les Maîtres. Pas de problème, les prétendants sont nombreux et se battent pour ça. Mais il doivent garder deux fondamentaux à l’esprit : ne pas être lisibles, et ne jamais mouiller les commanditaires.
Tiens, on dirait l’organisation d’une opération terroriste sous faux drapeau, avec des commandos d’exécutants, régulièrement éliminés, et des commanditaires, toujours dans l’ombre. Une congruence involontaire.
La partie de l’émission du 4 juin 2016 avec Florian Philippot :