Un millier de personnes seulement a répondu dimanche à Hong Kong à l’appel à manifester du mouvement prodémocratie avant un vote au parlement local sur un projet de réforme électorale qui divise le territoire autonome.
Ils avaient été des dizaines de milliers à descendre quotidiennement dans la rue à l’automne dernier contre cette réforme, paralysant une partie de la ville pendant deux mois avant d’être délogés manu militari par la police.
Depuis, des dissensions sont apparues au sein du "Mouvement des parapluies" entre tenants de la confrontation et avocats du consensus.
"Nous voulons montrer à l’opinion publique que nous sommes rassemblés. Nous voulons montrer à la communauté internationale que la majorité refuse une démocratie tronquée", déclarait avant la manifestation Daisy Chan, porte-parole du Civil Human Rights Front.
Mais sous un soleil de plomb, par 30 degrés à l’ombre et 80% d’humidité, un millier de personnes seulement étaient au départ de la manifestation vers 15H00 (07H00 GMT) du parc Victoria en direction du Legislative Council (LegCo), le parlement de Hong Kong situé au centre financier et administratif de la ville.
La foule devait grossir à l’approche du LegCo mais le compte était loin de répondre aux attentes des organisateurs qui espéraient jusqu’à 50 000 manifestants.
"Les gens sont peut-être lassés, désorientés", suggérait Johnson Yeung du Civil Human Rights Front.
La réforme tant décriée prévoit d’accorder le droit de vote à tous les Hongkongais majeurs pour l’élection du prochain chef de l’exécutif en 2017 alors que celui-ci est actuellement désigné par un comité de 1 200 grands électeurs majoritairement pro-Pékin.
Le gouvernement estime que son projet fait faire un grand bond en avant à la démocratie dans l’ancienne colonie britannique revenue en 1997 dans le giron de la Chine.
"Parodie de démocratie" ?
Ses opposants fustigent de leur côté une parodie de démocratie dès lors que Pékin garde la haute main sur le processus puisque seuls deux ou trois candidats adoubés par un comité loyal au Parti communiste chinois (PCC) seront autorisés à se présenter.
Des rencontres de conciliation entre les militants d’une part, le gouvernement local et des responsables chinois d’autre part, sont demeurées infructueuses, chacun refusant de céder un pouce de terrain.
La réforme doit recueillir les suffrages des deux tiers du LegCo : elle n’a quasiment aucune chance de passer, les prodémocrates détenant plus d’un tiers des sièges. Le texte sera débattu à partir de mercredi pour un vote avant la fin de la semaine.
Une opinion publique divisée
"On ne peut se réjouir de faire obstacle (au projet de réforme) mais cela montre que les Hongkongais ont le courage de s’opposer à une proposition pourrie", a expliqué le député travailliste Lee Cheuk Yan en s’adressant à la foule.
Les Hongkongais sont eux-mêmes très partagés : selon la dernière enquête d’opinion disponible, une majorité de 43% de sondés est pour la première fois opposée à la réforme, 41,7% y étant favorables.
Avec le blocage assuré de la réforme, le débat sur l’avenir politique de Hong Kong devrait rester durablement dans l’impasse, prédisent les analystes.
"Si les gouvernements de Pékin et de Hong Kong conservent leur attitude hostile à l’égard de l’opposition, il sera difficile pour eux de changer la situation", avance Ma Ngok, professeur associé à la Chinese University.
Quant aux prodémocrates, leur stratégie n’a jusqu’ici guère produit de résultat tangible.
"Ils tiennent bon mais le système aussi. Pour eux la question demeure de savoir comment faire advenir une véritable démocratie", décrypte l’universitaire.
Le rejet annoncé du projet de réforme est déjà une victoire pour le "Mouvement des parapluies", nuance Surya Deva du département de droit de la City University.
"Ils présenteront (ce rejet) comme une défaite du gouvernement parce que le projet du gouvernement est bâti entièrement autour du cadre" fixé par Pékin, note-t-il.
Hong Kong jouit actuellement d’un statut à part en vertu du principe "un pays, deux systèmes" qui lui accorde en principe une large autonomie par rapport aux provinces continentales.
Mais certains craignent que les libertés ne s’estompent au profit d’une influence grandissante de Pékin.