Département le plus pauvre de France métropolitaine, la Seine-Saint-Denis paie un lourd tribu depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Les autorités ont publié ce vendredi les chiffres provisoires de l’Insee sur la mortalité et celle-ci a bondi de 63 % en une semaine dans le 93. À tel point que les pompes funèbres se disent « débordées » et affirment « n’avoir jamais vu ça » même lors de la canicule de 2003. [...]
« En Seine-Saint-Denis, il y a plus de morts car il y a plus de contaminés, tout simplement », dit Frédéric Adnet, chef du Samu 93. Dans le département de 1,6 million d’habitants, l’un des plus denses de France, « le virus circule beaucoup plus facilement qu’ailleurs », ajoute-t-il.
« Le confinement est complexe dans les territoires défavorisés comme le nôtre, où il y a beaucoup de familles nombreuses dans des petits logements, des foyers de travailleurs migrants, des bidonvilles », explique l’urgentiste. « On sait que les maladies infectieuses touchent plus durement les plus précaires, car la transmission est plus facile, et qu’ils sont plus difficiles à suivre », poursuit-il. (20 Minutes)
C’est un débat qui peut paraître cynique mais qui ne l’est pas : nous sommes abrutis du matin au soir des statistiques de morts qui seraient dus au coronavirus. Ces chiffres font peur aux Français, et on imagine bien qu’ils sont assénés pour les faire se tenir tranquilles dans le confinement.
« Sortir, c’est mourir, sortir c’est tuer », on s’attend d’un jour à l’autre à entendre ce genre de slogan de la part d’un gouvernement en déroute totale dans la direction des opérations sanitaires. La faute ne lui en incombe pas totalement, puisque la déproduction de masques, pour ne parler que de ce secteur essentiel, date de 2013, sous le ministre de la Santé Marisol Touraine (secondée par Jérôme Salomon, Benjamin Griveaux et Gabriel Attal, excusez du peu !), et donc sous François Hollande. Sachons là aussi raison garder, la Macronie n’est pas responsable de toutes les carences de notre pays, même si elle les a renforcées, néolibéralisme aidant.
Cartes des hospitalisations, des décès et de l'utilisation des capacités de réanimation par département en France, dans le cadre de l'épidémie à COVID-19.
Source : https://t.co/8AVZYguFWy
Données Santé Publique France pic.twitter.com/73DT1YFr2d— Didier Raoult (@raoult_didier) March 30, 2020
Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est la question : y a-t-il vraiment une surmortalité due à la pandémie en France ? Il ne s’agit nullement de manquer de respect au personnel soignant et aux familles des victimes, mais de relativiser la psychose qui a littéralement liquéfié le grand public. Le meilleur moyen de lutter contre la peur, c’est l’information. Et la peur est toujours l’instrument d’un pouvoir, ou du pouvoir. Quand elle se retourne contre lui, il appelle ça du terrorisme (sauf quand il est lui-même à l’origine d’un terrorisme masqué).
Le Monde, comme souvent, est à la manœuvre. Il se fonde sur les données publiées chaque semaine par notre organisme de comptage public :
Réalisé à partir des données d’état civil remontées des mairies de France, cet indicateur prend en compte tous les morts, qu’ils soient ou non victimes du Covid-19. On observe une légère latence due à la manière dont les communes transmettent ces données : si les grandes villes le font électroniquement, les petites communes envoient encore parfois des déclarations papier, plus longues à remonter jusqu’à l’Insee.
Nous avons retrouvé la courbe interactive chez BFM TV :
Y a t-il davantage de décès ce mois-ci par rapport à l'an passé ? pic.twitter.com/e3pemTn2OA
— BFMTV (@BFMTV) April 4, 2020
Nous apprenons qu’il y a une « légère hausse » (de la mortalité) fin mars. Nous sommes donc loin de la surmortalité annoncée, entre les lignes et dans ses gros titres, par une presse mainstream qui se refait actuellement une santé sur le dos de la maladie. On apprend aussi que la grippe de 2018, qui a été très virulente, relativise encore plus la mortalité due au covid-19 (19 comme 2019). C’est ce qu’explique le professeur Raoult depuis le début de l’épidémie. Il avait annoncé que le nombre de morts grippaux de l’hiver 2017-2018 se situait dans une fourchette de 12 000 à 20 000. C’est donc très large, mais très important. Il avait aussi avancé qu’il fallait prendre la grippe actuelle au sérieux quand elle dépasserait nettement les 10 000 morts. Là encore, il ne s’agit pas du cynisme d’un médecin insensible, mais de la réponse précise et sourcée à une psychose organisée.
Un premier constat s’impose : celui de la similarité de la courbe globale avec celle des années précédentes. La ligne 2020 reste au niveau de celle de 2019, elle est globalement au-dessous de la mortalité observée sur les mêmes périodes en 2018. Parmi les facteurs d’explication, on peut citer l’épidémie de grippe saisonnière peu virulente durant l’hiver 2019-2020. On constate toutefois une légère hausse dans la dernière semaine de mars.
Malgré l’extrême méfiance qui nous anime face aux informations contenues dans la Pravda française (ou antifrançaise), on doit reconnaître une chose : Le Monde mange son chapeau alarmiste. La surmortalité ne saute pas à la figure. Pour l’instant, diraient les partisans de la psychose. Nous verrons.
Il reste que quand on entre dans la bataille des chiffres, on s’enfonce dans la complexité :
Évidemment que toutes l’énergie est consacrée au coronavirus et c’est normal.
Cependant, n’oubliez pas que les autres maladies ne sont pas en pause. Il risque d’y avoir une surmortalité non liée au Covid 19. Ne négligez pas vos symptômes et aller voir votre médecin généraliste.— Dr Jimmy Mohamed ⭐️⭐️ (@Dr_moji) March 28, 2020
Le nombre de morts pour d’autres causes que le Coronavirus est sans doute en chute libre, notamment les morts accidentelles. Ceux qui veulent connaître le bilan du Covid19 en étudiant la surmortalité vont avoir du boulot pour retraiter et corriger les données.
— Ze New Bigoudi (@zebodag) April 1, 2020
En outre, et de manière plus globale quand on considère the big picture, en se référant à la surmortalité italienne annoncée, surtout en Lombardie et précisément à Brescia, on découvre que l’évolution de la mortalité selon la pyramide des âges (disons la tendance lourde) croise la mortalité (accidentelle) due au coronavirus. De l’autre côté des Alpes, c’est la génération des années 1930 qui est la plus touchée et qui paye le prix fort dans l’épidémie. Or, cette génération est celle des octogénaires et des nonagénaires, dont beaucoup sont ou étaient en fin de vie, et pour beaucoup une fin de vie très médicalisée.
« Il [le taux de mortalité] augmente avec l’âge : il est de 0,0016 % chez les moins de 10 ans, 0,32 % chez les malades âgés de moins de 60 ans, tandis qu’il atteint les 6,4 % chez les sexagénaires ou plus. Pour les personnes d’au moins 80 ans, il peut même aller jusqu’à 13,4 %. » (CNews au 31 mars 2020)
Quoi qu’il en soit, il est bien difficile de conclure comme tente de le faire Le Monde, car se focaliser ainsi sur un mois, d’une année, en comparant à une moyenne (calculée sur quelle période ?) est une gageure. En matière de mortalité, les mois ne sont pas indépendants les uns des autres, surtout quand on s’intéresse aux décès dus aux maladies infectieuses : une épidémie de fin de saison fera moins de morts s’il y en a déjà eu une au préalable. Et inversement en fera d’autant plus, à virulence égale, si l’hiver a été peu meurtrier : dans ce cas-là, le nombre de morts enregistrés est important. Par ailleurs, les pics de mortalités ne sont pas fixes dans le temps annuel, les années passent et ne se ressemblent pas. La moyenne est évidemment calculée à partir de valeurs qui lui sont inférieures et supérieures.
L’écart à la moyenne est appelé en statistique une anomalie. Il y a des anomalies négatives, quand une valeur est sous la moyenne, et des anomalies positives, quand c’est au-dessus. Mais anomalie n’est pas à entendre comme quelque chose qui ne va pas, nécessairement révélatrice d’une situation exceptionnelle.
- La carte est interactive sur le site du Monde
Prenons l’exemple de la carte de la surmortalité par département. On sait l’ouest de la France encore peu touché par le coronavirus. Pourtant, les Deux-Sèvres y sont en rouge. Dans l’utilisation qui est faite de cette carte par les journalistes encartés, il faudrait comprendre que le Covid-19 y a fait son œuvre. Mais il n’en est rien. Au 30 mars, on enregistrait deux décès attribués au virus dans ce département. Ce ne sont certes pas deux décès qui ont fait grimper le département dans les catégories cartographiées en rouge, il s’agit simplement de la variabilité interannuelle de la mortalité mensuelle, ici du mois de mars.
Alors que peut-on conclure de cette carte ? Pas grand-chose. Si tant est que démêler l’écheveau des causes soit possible, il faudra de longs mois aux statisticiens de la médecine pour mener à bien cette tâche. En espérant que la science parlera, et non les intérêts politiques et/ou catégoriels.