C’est un seuil symbolique, mais qui ne veut pas dire grand-chose. ce samedi 15 février, le nombre de morts causés par l’épidémie du coronavirusCovid-19 a dépassé les 1520, dont un en France, le premier en Europe en hors d’Asie. En Chine continentale, le nombre de personnes contaminées s’élevait ce samedi à 67.091. Selon les données de l’OMS, le virus y avait fait au moins 1523 morts, soit 99,9 % des décès liés au virus dans le monde, depuis ses débuts en décembre 2019.
Depuis le début de l’année 2020, les scientifiques, responsables de santé publique, hommes politiques et simples curieux scrutent en détail les statistiques du nouveau coronavirus 2019-nCov, qui a fait plus de morts que le Sras.
Et l’une des plus effrayantes est évidemment celle du « taux de mortalité », le pourcentage de personnes touchées qui décèdent des suites de cette infection. 0,1 %, 1 %, 2 %, voire même 20 %, des pourcentages tous plus différents les uns que les autres se succèdent sur les médias et réseaux sociaux. Cela ne veut pas dire qu’ils constituent (tous) de fausses informations.
La raison est très simple : il est trop tôt pour calculer ce fameux « taux de mortalité » (CFR, dans le jargon scientifique), qui était par exemple de 10 % pour le Sras. « Les chiffres actuels sont très approximatifs », explique au HuffPost Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique de l’Institut national des sciences Mathématiques et de leurs Interactions du CNRS, spécialiste des modélisations épidémiologiques.
Une question de timing
Dans l’idée, le taux de mortalité est très simple à calculer. « Le CFR peut être défini comme la probabilité qu’un cas meure de son infection », expliquent les auteurs d’un article publié en 2015 dans la revue Plos... qui mettait justement en garde contre les biais entourant le calcul du taux de mortalité. En théorie donc, il suffit de diviser le nombre de morts par le nombre total de personnes infectées (vivantes ou mortes), de multiplier par 100 et le tour est joué.
Ainsi, selon l’OMS en date du samedi 15 février, il y a eu 1527 morts sur 67.091 cas confirmés, soit un taux de mortalité d’environ 2,28 %. Évidemment, cela n’est pas si simple. « Cette maladie n’est pas instantanée, il y a un possible décalage dans le temps », rappelle Jean-Stéphane Dhersin. « Imaginons une maladie où les gens mettent un mois à mourir. Si vous regardez les chiffres trois semaines après le début de l’épidémie, vous n’aurez pas de décès. »
De plus, comme le rappelle l’article de Plos, « lors d’une épidémie en cours, il y a toujours un délai entre le moment où une personne meurt et où le décès est signalé ». Logiquement, si l’épidémie atteint vraiment un pic, le pic du nombre de morts sera décalé par exemple. Alors que faudrait-il faire ?
« Théoriquement, il faudrait regarder la population de personnes contaminées, mais qui ne sont plus infectieuses. Le vrai chiffre, c’est “nombre de morts divisé par nombre de morts et de rétablis” », affirme Jean-Stéphane Dhersin. Mais attendez un peu avant de sortir votre calculette.
Équation à deux inconnues
Car même là, il y a un problème avec les chiffres actuels. En prenant en compte mardi les données en temps réel de l’université Johns Hopkins, on obtenait 1527/(1527+8516)=15 % de taux de mortalité. C’est presque deux fois plus que le Sras. Mais ce taux est certainement très, très éloigné de la réalité.
« Les cas qui sont connus des autorités de santé publique et sont dans les bases de données de surveillance sont typiquement ceux avec les symptômes les plus sévères, qui ont besoin d’une aide médicale », rappellent les auteurs de l’étude dans Plos.
En clair, « les cas déclarés ne sont que la pointe de l’iceberg », explique au HuffPost Anne-Marie Moulin, directrice de recherche CNRS, spécialiste de l’histoire des épidémies. En termes de propagation de l’épidémie, « c’est ennuyeux, car la partie immergée est tout aussi dangereuse », précise-t-elle. Elle augmente le risque que l’épidémie se répande dans d’autres pays, via des porteurs peu symptomatiques.
En revanche, le fait d’avoir des cas non répertoriés est plutôt positif sur le taux de mortalité. S’il y a finalement plus de cas que ceux répertoriés, alors le coronavirus 2019-nCov est moins mortel que l’on pourrait le penser avec les simples divisions évoquées plus haut. D’ailleurs, plus le temps passe, plus le taux de mortalité « brut » baisse, comme vous pouvez le voir dans le graphique ci-dessous.
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