Si l’hôpital public français est en voie de délabrement par décision des puissances néolibérales, alors la psychiatrie publique, qui était déjà délabrée quand l’hôpital allait encore bien, est en voie de délabrement accéléré, voire terminal.
Après la fermeture programmée de milliers de lits, les fous sont dans la rue, on peut tous s’en rendre compte (les SDF qui zonent dans nos villes le jour et qui hurlent la nuit comme des loups), mais des fous encore plus dangereux, responsables de ce désastre social, sont en haut lieu. L’argent qui servait à entretenir les services publics part aujourd’hui (35 vrais milliards par an) dans le service de la dette, c’est-à-dire l’usure. C’est un choix politique.
Le covidisme n’a rien arrangé : il a accéléré le délabrement, en accélérant les fameuses « réformes », on l’a vu avec les urgences, piétinées par le nouveau ministre de la Santé (des grands labos) François Braun. En face, les personnels soignants des HP crient dans le vide et ce, depuis des décennies. La mort programmée de la psychiatrie publique a précédé celle de l’hôpital général.
Aujourd’hui, les psychiatres eux-mêmes et non plus seulement les infirmiers et aides-soignants tirent la sonnette d’alarme. Sauf que le cordon électrique n’est même pas relié à l’Élysée, lieu de la décision française. Si Macron a promis 800 soignants en plus en 2021, cela ne couvrira pas les besoins, car le mal est plus profond.
Les 4 syndicats soussignés, IDEPP SPEP SPH et USP, ensemble, appellent tous les psychiatres publics à une ‼️JOURNÉE de MOBILISATION et de GRÈVE le MARDI 29 NOVEMBRE 2022 ‼️avec un rassemblement devant le Ministère de la Santé à 11h. #psyurgence #29novembre pic.twitter.com/zyXVgtI6OG
— SPH (@SPHtweeter) November 21, 2022
Il n’y a pas que les HP ou les urgences psychiatriques qui souffrent, il y a aussi les CMP, les centres médico-psychologiques qui accueillent les patients hors hosto, et qui constituent la troisième partie de ce trimaran de soins. Là-dessus, les diplômés d’écoles de médecines fuient la psychiatrie, le parent pauvre du secteur (ça rapporte moins que cardiologue ou chirurgien esthétique), et ceux qui y vont n’ont pas toujours la vocation. Du côté des infirmiers non plus, on ne se bouscule pas, on pense aux femmes qui se retrouvent seules face à 35 malades, même s’ils sont stabilisés, parce que le collègue est en arrêt maladie...
Le résultat de cette démolition contrôlée et foireuse, comme celle de la Tour 7, c’est que les fous, on l’a écrit plus haut, sont jetés dehors. Non, on n’a pas de problèmes avec le terme de fous, on peut mettre souffrants, ou malades mentaux, ce qui n’est pas péjoratif.
Selon le docteur Norbert Skurnik, président de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp), cité par Le Monde, « rien qu’en Île-de-France, 60 000 à 70 000 personnes, dont au moins 60 % sont des malades mentaux, errent en dehors de toute institution et de tout domicile ».
La vidéo suivante date de 2014...
Pour élargir un peu le tableau, sachez que si la psy publique s’effondre sous les coups de boutoir du néolibéralisme aux commandes, c’est pour favoriser deux choses : un, les cliniques psychiatriques privées ; deux, le soin par les neuroleptiques plutôt que par l’approche humaine. Un médoc et hop, c’est dans la poche... du Big Pharma.
Le psychiatre, étouffé par la paperasse administrative et la survie matérielle de son établissement, voit aujourd’hui ses malades une fois par mois pendant 5 minutes, et c’est terminé. Là aussi, comme dans d’autres domaines, on mise sur la distanciation et la dématérialisation. Partout où l’on peut remplacer l’emploi, donc l’humain, par de la machine, du produit ou du logiciel, on le fait. Les conséquences sociales seront terribles, elles sont déjà dures, mais avec des milliers de psychotiques mal ou non soignés dans les rues, on va s’amuser. La rue est l’hôpital psychiatrique du pauvre, et du néolibéral.