En France, plus d’un tiers des prisons sont en partie gérées par des grands groupes privés. Le mouvement de privatisation du système carcéral, entamé il y a trois décennies, prend toujours plus d’ampleur. De la gestion des repas à l’accueil des familles, de la construction des maisons d’arrêt au travail pénitentiaire, une poignée d’entreprises se sont saisies de ce nouveau marché lucratif. L’État débourse près de six milliards d’euros par an pour payer leurs services, sans que les bénéfices d’une gestion privée soient démontrés. Cette privatisation rampante pose aussi une question de fond : les entreprises privées ont tout intérêt à ce que les prisons ne désemplissent pas.
Cela doit devenir la plus grande prison de Belgique. Près de 1 200 détenus dans un « village » pénitentiaire à proximité de Bruxelles, avec trois unités pour hommes, deux unités pour femmes, un établissement d’enfermement psychiatrique et un pour les jeunes. Surdimensionné, trop cher, construit sur des terres agricoles : le méga-projet suscite des oppositions. Cette nouvelle prison est aussi controversée parce qu’elle doit être bâtie et gérée en partenariat public-privé (PPP). Le marché a été confié à un consortium composé de deux entreprises de BTP et d’une banque d’investissement australienne (Macquarie). Un champ d’activité comme un autre pour cette banque qui investit dans les transports, les infrastructures d’eau, les hôpitaux… et les cellules.
Ce projet belge de prison privée s’inscrit dans la droite ligne d’un mouvement entamé au début des années 1980. Parti des États-Unis, le modèle des prisons privatisées s’installe de plus en plus en Europe. En France, cette privatisation a débuté en 1987. Avec pour intention initiale de reproduire à l’identique le modèle d’outre-Atlantique : une privatisation intégrale, de la construction jusqu’à la surveillance des détenus. Les parlementaires de l’époque en ont décidé autrement : seules les fonctions autres que celles de direction, de surveillance et de greffe peuvent être déléguées à des entreprises privées [1].