Avant son inauguration mardi, le JDD a visité la première « salle de consommation de drogue » qui ouvre dans le nord de Paris.
Des ouvriers mettent, ce vendredi, un dernier coup de vernis sur les murs de l’accueil. Il faudra encore installer un pare-vue afin d’isoler le bâtiment de la maternité voisine et poser des crochets pour que les « usagers de drogue » puissent attacher leurs chiens sur le perron. Mais le chantier touche à sa fin : la très controversée « salle de consommation à moindre risque », dite « salle de shoot », installée en lisière de l’hôpital Lariboisière à Paris, sera achevée pour son inauguration mardi.
Coordinatrice de cette structure pionnière de quelque 400 m2, Céline Debaulieu se réjouit de pouvoir y accueillir « des personnes marginalisées » qu’elle connaît depuis des années par « leur prénom ou leur surnom ». L’association Gaïa, gestionnaire de l’établissement expérimental financé par la Sécurité sociale, pilote déjà plusieurs lieux d’accueil à Paris. Surtout, elle possède un camion qui vient à la rencontre des toxicomanes dans le quartier de la gare du nord. Des hommes en majorité, pour moitié SDF, aux vies cabossées (souvent passés par les services de l’aide sociale à l’enfance et victimes de maltraitances). Des trentenaires ou quadra qui s’injectent du sulfate de morphine ou du Subutex (médicament de substitution détourné de son usage), dans les Sanisette Decaux et le parking sous-terrain. « La salle, ce sera un outil important pour ceux qui vont le plus mal », décode Céline Debaulieu.
Stratégie prônée par l’ONU
Autorisé par la loi santé, le dispositif, déjà opérationnel dans une dizaine de pays, n’a rien d’innovant aux yeux des professionnels des addictions. Il s’inscrit dans le cadre de la politique mondiale de réduction des risques : vente libre de seringues, distribution de matériel stérile, traitements substitutifs, centres d’accueil. « L’idée est de tenter de rompre l’isolement créé par le processus pathologique de la dépendance, d’adapter le système à la personne et pas le contraire », résume la Dr Élisabeth Avril, directrice de Gaïa.
Inventée aux Pays-Bas, désormais prônée par l’ONU, cette stratégie a été importée en France par une ministre de droite, Michèle Barzach, en 1987 et poursuivie, au gré des alternances, par Simone Veil ou Bernard Kouchner.