Karim Ouchikh est président du SIEL (Souveraineté, Indépendance Et Libertés). Il a bien voulu répondre aux question du Rouge & Le Noir.
R&N : Une partie de la classe politique française ne définit plus l’identité française qu’à travers des “valeurs de la République”, sans jamais définir celles-ci. Y-a-t ‘il vraiment des “valeurs de la République”, et si oui quelles sont-elles ?
Karim Ouchikh : Depuis près de 40 ans, sans jamais se soucier de l’assentiment du peuple, nos élites ont choisi de prendre le large en cédant au mirage de la mondialisation, devenue tout d’un coup la nouvelle frontière de la France. Pour rendre l’avenir de notre pays compatible avec un tel dessein, la classe politique française a œuvré en deux temps avec la complicité active des médias et des relais d’opinion.
Il s’est agi d’abord de détruire la singularité française en effaçant les repères chronologiques de notre histoire, en ringardisant les figures illustres de notre passé, en effaçant l’estime porté à nos anciens, tout en culpabilisant nos compatriotes avec tout ce qui a trait à notre héritage mémoriel, notamment en disqualifiant certains épisodes de notre histoire jugés, bien à tort, éminemment clivants (croisades, guerres de religion, monarchie absolue, traite négrière, décolonisation…). Cette vaste entreprise de déculturation, activement menée dans nos écoles comme au sein des médias, a ainsi rendu possible, dans un second temps, cet extraordinaire tour de passe-passe sémantique qui a consisté à identifier nouvellement notre pays dans le champs lexical, en faisant appel à des ‘‘valeurs de la République’’ que nul n’est capable de définir précisément, évitant ainsi soigneusement de parler tout simplement de la ‘‘France’’.
Ces introuvables ‘’valeurs de la République’’ (laïcité, égalité, fraternité, libertés…), déclinées ad nauseam au trébuchet des ‘’droits de l’Homme et du Citoyen’’, sont si abstraites, si théoriques, si insipides, qu’elles trouveraient sans peine à s’acclimater dans n’importe quel autre régime démocratique de la planète. De la sorte, on refuse de regarder l’identité charnelle de notre pays, c’est à dire de la voir en acceptant sa dimension culturelle, la spécificité de son héritage chrétien, la beauté de son art de vie…, bref de considérer la France au prisme des traits ordinaires qui la rendent si désirable aux yeux du monde depuis des lustres. Comme beaucoup, je m’insurge contre cette vaste escroquerie intellectuelle qui stérilise et affadit notre identité pour la rendre en réalité davantage accessible à ces populations nouvelles qui arrivent en masse sur notre sol, lesquelles auront d’autant moins d’efforts à accomplir pour s’assimiler dans le creuset national que celui-ci se sera précisément évaporé dans l’intervalle.
R&N : Quel modèle de civilisation la France peut-elle encore proposer ?
Karim Ouchikh : La France doit surtout rester fidèle à elle-même, attentive à son être authentique que nous chérissons tous. Plutôt que d’être perpétuellement en quête d’un modèle extérieur insaisissable, américain ou allemand, qui sont radicalement étrangers à son histoire, plutôt que de céder aux sirènes européistes qui imposent une intégration politique des nations de notre continent dans un ensemble européen autoritaire et atlantiste, la France doit défendre sa singularité historique, dans le cadre institutionnel d’un État indépendant appelé à recouvrer au plus vite ses attributs de souveraineté pour bâtir, avec d’autres, une Europe confédérale respectueuse des peuples, à rebours de cette Europe supranationale castratrice qui nous est imposée depuis plus de trente ans.
Ce modèle singulier repose, au plan intérieur, sur l’affirmation sereine d’un héritage indivis qui se compose d’un socle anthropologique chrétien prédominant, d’une culture gréco-latine toujours vivante, d’une histoire exceptionnelle à nulle autre pareille et d’une langue merveilleuse qui rayonne bien au-delà de nos frontières. Hors de notre pré-carré, la France se range aujourd’hui encore parmi ces puissances spirituelles qui, à l’instar de la Russie, porte une âme charnelle à portée universelle, ce qui les démarquent, toutes deux, des puissances matérialistes, davantage tournées vers la recherche d’un impérialisme économique, comme peuvent l’être l’Allemagne ou les Etats-Unis : dans ce cadre géopolitique, il nous appartient ainsi de forger une alliance stratégique avec la Russie, dans l’intérêt bien compris de la France comme de l’Europe. Au sein du concert des nations, la France doit enfin renouer avec sa vocation historique de puissance d’équilibre, capable aussi bien de s’opposer à toutes les hégémonies planétaires, atlantiste ou islamiste, que de créer des espaces de coopération inédits, comme pourrait l’être demain une Union latine que j’appelle de mes vœux depuis fort longtemps.