Depuis plus d’un an, les manifestations de Gilets jaunes et les mouvements sociaux s’enchaînent en France, donnant lieu à des affrontements récurrents entre manifestants et forces de l’ordre.
La manifestation du jeudi 9 janvier a d’ailleurs donné lieu à de nouvelles vidéos mettant en cause la façon dont les policiers, a priori débordés, font usage de violences et de formes d’« illégalismes » qui remettent aujourd’hui en cause leur profession.
Comment enrayer cette escalade de la violence ? Comment revenir à une police vertueuse au service des citoyens ? On serait tenté de répondre qu’il faut inculquer l’éthique déontologique aux policiers et mieux les contrôler. Mais ils savent déjà parfaitement qu’ils doivent respecter les lois de la République et le code de déontologie. Ils savent aussi qu’ils sont souvent filmés sur la voie publique et cela ne les empêche pas de se laisser aller parfois à des comportements violents comme le rappellent les nombreux vidéos et tweets suite aux dernières manifestations.
Coups de matraque frénétiques et tir de LBD à bout portant.
La répression qui a dépassé le stade de l’insupportable depuis longtemps s’intensifie encore.
Ce gouvernement est fou.
Ils doivent partir.#greve9janvier #GreveGenerale #Paris #ViolencesPolicierespic.twitter.com/g5Ijdvd7Wb— Marcel Aiphan (@AiphanMarcel) January 9, 2020
Illégalismes policiers
Les illégalismes ont été définis par Michel Foucault comme étant l’ensemble des pratiques illicites associées chacune à des groupes sociaux distincts.
Il précisait que l’illégalisme contient la possibilité d’un respect de la légalité en fonction des circonstances. Cela peut sembler paradoxal mais les spécialistes le savent :
« Clairement et comme le montre les classiques de la sociologie policière, une attitude de conformité stricte aux règles déboucherait inévitablement sur une paralysie de l’ensemble de l’organisation. »
Les magistrats eux-mêmes sont complices de cet état de fait, la procédure pénale s’étant complexifiée à tel point qu’il devient difficile de mener à terme une enquête policière en respectant scrupuleusement les lois et règlements sans risquer un vice de procédure. Jean‑Paul Brodeur, éminent spécialiste de la police, affirmait même que
« la possibilité toujours ouverte de transgresser impunément les lois auxquelles sont soumis les autres citoyens est constitutive de l’idée de police. »
[...]
Un pas vers la déontique
La frontière est parfois mince entre les illégalismes tolérés et les comportements illégaux de certains policiers. C’est ce qui nous incite à penser que renforcer l’éthique déontologique des policiers ne semble pas pertinent puisqu’il s’agirait de renforcer les textes de lois alors que ceux-ci ne sont déjà pas toujours respectés. Nous suggérons donc qu’il pourrait être plus pertinent de former les agents à la déontique, fondamentalement différente de la déontologie.
La déontique est la science qui étudie les rapports formels qui existent entre des concepts normatifs tels que les obligations, les permissions et les interdictions. On parle même de logique déontique qui, pour être efficiente, articule le temps, l’agent, le droit et les destinataires en s’appuyant sur la mise en œuvre d’un discernement éclairé (ce qui nous intéresse car nous en retrouverons la trace plus loin dans le code de déontologie).
Face à une situation d’urgence, le policier se doit d’intervenir rapidement tout en conciliant le respect des lois en vigueur, ses droits et ses devoirs. Rarement il objective les conséquences éventuelles de son action mais pense uniquement à ce qu’il peut faire dans les temps qui lui sont impartis.
[...]
« la bonne volonté n’est pas une garantie ni la bonne conscience une excuse : car la morale ne suffit pas à la vertu, il y faut aussi l’intelligence et la lucidité. »
Pratiques réflexives
Et c’est justement une des nouveautés qui apparaît dans le dernier code de déontologie de la police et de la gendarmerie (2014) :
« Le policier et le gendarme, dans l’exercice de ses fonctions, font preuve de discernement : il tient compte en toutes circonstances de la nature des risques et des menaces de chaque situation à laquelle il est confronté et des délais qu’il a pour agir, pour choisir la meilleure réponse à apporter. »
On ne parle plus de textes de loi à faire respecter à tout prix, on parle bien de réflexion éthique personnelle à avoir. Mais il faudrait pour cela revoir la formation des policiers car il ne s’agit plus d’imposer des notions de droits rigoristes mais d’amener les agents à réfléchir aux conséquences de leurs actes par la mise en place de pratiques réflexives.
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Le policier et syndicaliste Alexandre Langlois s’exprime à ce sujet sur RT France :
#ViolencesPolicières : « Il y a un problème de management et de formation, c’est ce qu’on dit depuis des années » @AlexLanglois_ @VIGI_MI pic.twitter.com/VmeJXZlDh5
— RT France (@RTenfrancais) January 14, 2020
Pour le syndicat de police Synergie-Officiers, il s’agit d’une « intoxication exercée par les réseaux sociaux » :
La fébrilité au plus haut niveau de l’Etat interroge quant à l’intoxication exercée par les réseaux sociaux et leur prisme déformant. Les #policiers exposés aux pires exactions pour maintenir la République en tous lieux ne se laisseront pas jeter aux chiens. https://t.co/9JDWWJLWye
— Synergie-Officiers (@PoliceSynergie) January 14, 2020