Le discours dominant au sein de l’administration Biden prône un appui maximal à Kiev jusqu’à la défaite indiscutable de la Russie, considérant que l’issue de la guerre aura un impact décisif sur la reconfiguration des rapports de force internationaux. L’autre point de vue, moins fréquent mais défendu par une partie des militaires américains, souligne qu’une issue militaire à la crise semble difficile et que seules des négociations qui aboutiront à un compromis permettront de mettre fin au conflit. Ce camp estime que l’intérêt des États-Unis est de ne pas s’enliser dans un soutien constant à Kiev dans le cadre d’une guerre longue qui exigerait toujours plus de moyens et détournerait Washington de son principal objectif stratégique, à savoir la confrontation avec la Chine.
La ligne dure de l’administration Biden
Les déclarations incendiaires vis-à-vis de Moscou se sont multipliées au cours des dernières semaines. Exemple parmi d’autres : le 18 février dernier, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité la vice-présidente Kamala Harris a accusé la Russie d’être responsable non plus seulement de « crimes de guerre » mais aussi de « crimes contre l’humanité », déclarant que « les auteurs et leurs supérieurs seront tenus de rendre des comptes ». Des propos soutenus par le secrétaire d’État Anthony Blinken.
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La Rand Corporation tire le signal d’alarme
Le chef d’état-major américain, le général Milley, a rappelé à plusieurs reprises que seules les négociations pourraient mettre fin à la guerre.
Plus récemment, une étude de la Rand Corporation – connue pour être le think tank le plus proche du Pentagone et dont les analyses reflètent les débats au sein de l’institution militaire américaine – intitulée « Avoiding a Long War. US Policy and the Trajectory of the Russia-Ukraine Conflict » souligne les risques encourus pour les États-Unis en cas de guerre longue avec la Russie.
Elle rappelle qu’un engagement dans un conflit de longue durée génère le risque d’une guerre entre l’OTAN et la Russie qu’il « serait extrêmement difficile de maintenir en deçà du seuil nucléaire ».
Un conflit de longue durée aurait également des conséquences économiques majeures : « Pour les États-Unis et l’Union européenne, les coûts liés au maintien de la solvabilité économique de l’État ukrainien se multiplieront au fil du temps. »
Toutefois, le point qui cristallise les préoccupations est davantage « la capacité des États-Unis à se concentrer sur leurs autres priorités mondiales – en particulier la concurrence avec la Chine » qui reste « limitée tant que la guerre absorbera le temps des hauts responsables politiques et les ressources militaires américaines ». Le rapport insiste notamment sur le fait qu’une « guerre plus longue qui accroît la dépendance de la Russie pourrait donner à la Chine des avantages dans sa compétition avec les États-Unis ».
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Dans un article paru le 12 février dernier dans le quotidien arabophone Asharq el Awssat intitulé « Le durcissement des États-Unis face à leurs adversaires », le diplomate [Robert Ford] explique qu’après l’expérience de 2003 en Irak, « Washington a souvent tendance à surestimer ses capacités » et à considérer « ses ennemis comme faibles ». Bien que la prégnance de cette perception n’en fait pas une réalité, elle pourrait toutefois conduire les États-Unis à franchir « sans le vouloir une ligne rouge qui provoquera une réaction violente de la part de leurs adversaires »…
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