Exemple le plus criant de la réussite de la communauté juive en France, le 30e dîner-gala du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) se tenait hier à l’hôtel Pullmann-Montparnasse dans le 14e arrondissement de Paris. Plus de 200 invités et 700 personnes présentes au total (à 900 euros la place) : comme chaque année, le Tout-Paris de la politique et des médias s’est pressé pour réitérer son allégeances au lobby israélien en France.
Deux absents : le Front national et les musulmans
Exceptionnellement les représentants du Conseil français du culte musulman (CFCM) étaient absents, ayant annulé leur participation suite aux déclarations le matin même du président du CRIF, Roger Cukierman, sur Europe 1 :
« Marine Le Pen est irréprochable personnellement. […] Toutes les violences aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans. »
Déjà en avril 2002, Roger Cukierman avait estimé dans Haaretz que la présence au second tour de Jean-Marie Le Pen pourrait « réduire l’antisémitisme musulman et le comportement anti-israélien, parce que son score est un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles ». Des propos qui n’avaient jusque-là jamais dérangé le CFCM, qui brille depuis sa création par son assiduité à la grand-messe de la communauté juive…
De son côté, Hassen Chalghoumi a tenu à être présent à ce « dialogue de fraternité qu’on a besoin », ajoutant que « chaque responsable politique ou religieux faut choisir leurs mots » :
Pour éteindre le début de polémique, Roger Cukierman a exprimé en introduction de son discours son « vif regret » de l’absence du CFCM :
« Juifs et musulmans, nous sommes sur le même bateau, j’espère que le contact sera rapidement rétabli. »
Avant de rappeler que pour lui, Marine Le Pen n’est « ni fréquentable ni irréprochable » tant qu’elle ne se désolidarisera pas des propos de son père :
« Nous continuerons à ne pas inviter Mme Le Pen au dîner du CRIF et à ne pas conseiller de voter pour le Front national. »
Internet en ligne de mire
Surtout, la soirée a été marquée par le renouvellement de l’allégeance de la République aux désideratas du CRIF (attachement à la sécurité d’Israël, nucléaire iranien, etc.) et notamment sur sa dernière lubie en date : le contrôle d’Internet. Après avoir comparé le « négationnisme » à la « pédopornographie », François Hollande, donnant du « Président » à Roger Cukierman, a présenté son action engagée et future dans la répression de la liberté d’expression sur Internet : c’est sur ce volet de son discours que François Hollande a été ovationné par l’assistance.
Extraits :
« Nous allons renforcer tous les outils du droit pour qu’aucun propos, aucun acte antisémite ne demeure sans réponse. Cela veut dire des sanctions plus rapides mais plus efficaces. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que toutes les paroles, tous les écrits de haine, qu’ils soient antisémites, racistes homophobes, ne relèvent plus du droit de la presse mais du droit pénal. […]
J’ai également souhaité que soit généralisé le caractère aggravant du racisme et de l’antisémitisme lors de la commission de délits de droit commun. […]
Nous devons pourchasser la haine partout, partout où elle se diffuse, partout où elle peut trouver un abris protecteur et notamment sur Internet. Vous avez évoqué cette question, monsieur le Président, [ …] les grands opérateurs doivent être mis devant leur responsabilité. Quand des sites de partage de vidéo en ligne diffusent des harangues antisémites, quand en un clic sur un moteur de recherche, on trouve des pages et des pages où se déploie impunément le négationnisme, alors l’indifférence devient complicité. Et si vraiment les grands groupes d’Internet ne veulent pas être les grands complices du mal, ils doivent participer à la régulation du numérique.
Puisque nous sommes parvenus à éliminer la circulation d’images pédopornographique sur les réseaux, alors nous devons agir de la même manière contre ceux qui font l‘apologie du racisme, de l’antisémitisme et du négationnisme. Et c’est pourquoi je soutiens l’appel international que l’Union des anciens déportés et l’Union des étudiants juifs de France ont lancé le 27 janvier [70 anniversaire de la libération d’Auschwitz] au géant d’Internet contre le négationnisme. […] Nous fixerons donc un cahier des charges clair et précis avec ces dirigeants de l’Internet, et devant vous, je vous l’assure, nous contrôlerons son application. »
À noter que durant son discours, François Hollande a réussi l’exploit de se tromper dans la date des attentats de Paris :
« Roger, il a bien eu raison ce matin, à propos des Arabes »
Correspondant de l’AFP au dîner du CRIF, Étienne Laurent a rapporté l’ambiance générale de l’événement. C’est sans commentaire :
« Dans la cohue des arrivées, deux sexagénaires regardent entrer les invités de ce 30e dîner du Crif. Ultra-coiffées, ultra-maquillées, ultra-apprêtées, elles commentent : “L’ambiance est vraiment trop pourrie en ce moment. Moi, les politiques, ni je me lève ni je les applaudis”, lâche l’une. “Ça m’agace trop, leurs polémiques, enchérit l’autre. Roger, il a bien eu raison ce matin, à propos des Arabes. Je ne vois pas pourquoi on lui reproche de le dire !” […]
Nicolas Sarkozy, scotché vers l’entrée, parle assez fort pour être entendu : “Heureusement qu’il y a des gens qui prononcent des propos censés !”, dit-il à Serge Klarsfeld, lequel, dans la journée, a jugé la présidente du Front national « infréquentable ».
“Si Cukierman continue les conneries, les journalistes ne vont pas manquer de boulot...”, glisse Alain Jakubowicz, qui dirige la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), à l’oreille d’Ivan Levaï.
Pas loin de l’entrée, lui non plus, Dany Boon pose pour la photo avec l’ancien chef de l’État, puis, un peu plus tard, avec Manuel Valls, venu sans son épouse. Patrick Devedjian, président du conseil général des Hauts-de-Seine, serre la main de Claude Lanzmann ; le salut arrache au cinéaste, qui marche difficilement, une grimace de douleur.
Robert Hue, l’ancien dirigeant du PC, passe en souriant. “Qu’est-ce qu’il fait là, celui-là ?” grommelle un jeune homme : “Je ne comprends pas pourquoi on invite un communiste. Ils n’ont jamais été clairs sur l’antisémitisme, ceux-là.”
Claude Bartolone, Laurent Fabius, Anne Hidalgo, Alain Juppé, Jean-Paul Huchon, Nathalie Kosciusco-Morizet, Valérie Pécresse, Jean-Vincent Placé, Fleur Pellerin, Bernard Cazeneuve, Jack Lang et madame, Julien Dray, Hervé Mariton, Audrey Pulvar, Étienne Mougeotte... presque 200 personnalités sur plus de 700 invités, la gauche, la droite, les medias, tout Paris se presse à l’hôtel Pullmann : “Ce soir, c’est ici qu’il faut être. Encore plus mondain que d’habitude !”, s’amuse un ministre. »