Retrouvez Míkis Theodorákis dans le documentaire Grèce en état de choc
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C’est un vrai résistant à l’Empire et artiste qui est mort le 2 septembre 2021. Ce communiste authentique devenu antisioniste a composé des musiques mondialement connues, comme celle du film Zorba le Grec.
Le parcours politique du compositeur est à la fois cohérent et logique, mais tous les communistes sincères n’ont pas été au bout de leur analyse. Dans son résumé, Wikipédia oublie malencontreusement le bout de cette évolution personnelle :
Sur le plan politique, il s’est distingué par son combat contre les dictatures. Membre de la résistance pendant l’occupation nazie, il est emprisonné et torturé par des agents du gouvernement au cours de la guerre civile grecque (1946-1949) en raison de son engagement au Parti communiste de Grèce (KKE). Il tient un rôle de porte-parole de l’opposition à la dictature des colonels de 1967 à 1974, ce qui lui vaut d’être arrêté. Il milite à gauche, notamment avec le KKE, jusqu’à la fin des années 1980, mais en 1989 il se présente comme candidat indépendant, avec le soutien du parti conservateur Nouvelle Démocratie, afin d’aider la Grèce à sortir de la grave crise politique dans laquelle l’avaient plongé les nombreux scandales du gouvernement d’Andréas Papandréou ; il contribue ainsi à l’établissement d’une large coalition réunissant conservateurs, PASOK et gauche : il s’agit de la première fois depuis la guerre civile que le Parti communiste participe de nouveau à la gestion de l’État. En 1990, Theodorakis est élu au Parlement grec — il l’avait déjà été en 1964 et 1981 — et devient « ministre sans portefeuille auprès du Premier ministre » dans le gouvernement de Konstantínos Mitsotákis. Pendant la courte période où il est au gouvernement, Theodorakis lutte contre la drogue et le terrorisme, pour la culture et de meilleures relations entre la Grèce et la Turquie. Après avoir été pendant deux ans (1993-1995) directeur des orchestres et des chœurs de la radio grecque ERT, il se retire pour l’essentiel de la vie publique tout en continuant cependant à prendre position sur divers sujets de politique générale.
Heureusement, au paragraphe Propos antisionistes et/ou antisémites, on découvre ce pan moins médiatisé de l’artiste :
Dans les années 2000, Míkis Theodorakis crée la polémique en tenant sur les Juifs des propos qui lui valent d’être accusé d’antisémitisme.
Le 10 avril 2002, lors d’un concert de solidarité avec la Palestine, il prononce un discours pro-palestinien et ouvertement anti-israélien.
Le 4 novembre 2003, lors d’une conférence de presse pour promouvoir l’un de ses livres, il intervient sur le conflit israélo-palestinien et accuse les Juifs d’être « à la racine du Mal ».Le 3 février 2011, dans un entretien donné à la chaîne de télévision grecque HIGH, Míkis Theodorakis déclare : « Oui, je suis antisémite et antisioniste. J’aime le peuple juif et j’ai vécu avec lui, mais les Américains juifs se cachent derrière tout, les attentats en Irak, les attaques économiques en Europe, en Amérique, en Asie, les Juifs américains sont derrière Bush, Clinton et derrière les banques. (…) les Juifs américains sont derrière la crise économique mondiale qui a aussi touché la Grèce. »
Dans un texte intitulé Antisémitisme et sionisme publié sur son site, Míkis Theodorakis écrit qu’il considère ceux qui l’accusent d’être antisémite comme de « répugnants vers de terre » avant de regretter « le rôle du lobby juif américain dans l’élaboration de la politique impérialiste des États-Unis ». « Mes adversaires se livrent à des actions qui me salissent en tant que personne et en tant que compositeur. Surtout en tant que compositeur puisque les sionistes contrôlent 99 % de la vie musicale mondiale (…) le lobby juif américain, tant pour son rôle leader dans les crimes de la machine de guerre américaine en Irak que pour ses plans visant à éliminer les États-nations, avec le but ultime d’établir la prédominance mondiale des colosses de la Banque financière entièrement contrôlés par lui. » (...)
Míkis Theodorákis a également mis en doute la responsabilité d’Oussama ben Laden dans les attentats du 11 septembre 2001 : il estime ainsi que Ben Laden « a très bien pu travailler pour les services secrets américains » (lorsque les attaques ont eu lieu).
Il n’y allait pas avec le dos de la baguette, le compositeur. Empire, banque, manipulations, 11 Septembre, destruction des États-nations, peu d’artistes ont été aussi loin dans la radicalité et dans la lucidité, les deux allant souvent ensemble.
2012 : la polémique franco-française autour de Theodorákis
En 2012, la gauche attaque Mélenchon, ami de Theodorákis, avec le marteau de l’antisémitisme. Lelab Europe 1, cette pépinière de journalistes mainstream de la station socialo-sioniste, s’occupe de l’inquisition. Il faut à la fois abattre le compositeur, taxé d’antisémite par toute la droite sioniste (logique), et Mélenchon, considéré comme un anti-Hollande, et qui a fait 11 % au premier tour de l’élection présidentielle.
Et revoilà Mikis Théodorakis ! Le chanteur grec est devenu le nouvel épouvantail agité par Juppé ou encore Copé contre le leader du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon. Ils l’accusent d’avoir relayé sur son blog, en 2011, une lettre ouverte, alors même que celui-ci avait tenu des propos antisémites.
En creux : la droite sous-entend qu’il existerait des liens entre Front de gauche et antisémitisme, en pleine période électorale et au moment même où l’UMP affiche sa politique du « ni-ni » vis-à-vis du FN.
Copé (aujourd’hui disparu du paysage politique) dégaine le premier, dans son style habituel, tout en nuances :
« Jean-Luc Mélenchon dont l’un des grands amis est Mikis Théodorakis, qui professe ouvertement des propos antisionistes, antisémites, dans des termes extrêmement choquants »
Kosciusko embraye (elle aussi a disparu du paysage) :
« En s’associant, avec le Parti communiste, avec l’extrême gauche, en s’associant, avec Jean-Luc Mélenchon qui accueille sur son site internet des gens qui font profession d’antisémitisme. »
Et puis il y a ce pauvre Juppé, qui a été en taule (avec sursis) à la place de Chirac :
« Ce chanteur grec pour qui, dans le passé, j’ai eu beaucoup d’admiration, et qui affiche aujourd’hui sa foi antisémite. C’est un copain de M. Mélenchon. »
Après Mikis le politique, Mikis le compositeur