Déjà les premières déformations et distorsions du grand entretien de quatre jours que le journaliste israélien Ari Shavit (Haaretz) a eu avec Mikis Theodorakis peu avant son opération, se retrouvent dans l’Internet, afin de "prouver" que le compositeur grec est bien l’affreux antisémite que d’aucuns veulent faire de lui.
Il n’y a qu’à citer ici l’infecte compte-rendu dans "Proche-Orient.Info", parlant d’un "nouveau déluge de haine antisémite", avec des distorsions, des omissions, de tournures trompeuses dans les extraits savamment choisis qui sont publiés...
Aussi avons-nous pensé utile - dans l’intérêt de la cause - de traduire cette interview de l’anglais en français et de publier sur le site Theodorakis l’intégralité de cette traduction, afin que tout un chacun puisse lire ce que Ari Shavit a écrit sur Theodorakis, ce qu’il lui a posé comme questions et ce que ce dernier lui a vraiment répondu. Afin que l’on puisse comparer et se faire une idée juste.
Nous avons traduit son long texte aussi fidèlement que possible. Nous nous excusons pour des fautes qui nous auraient échappé. Nous avons seulement omis à la fin de l’article la biographie de Theodorakis que le journaliste israélien a encore ajouté pour ses lecteurs.
ATHÈNES – Vingt-quatre heures avant l’ouverture des Jeux Olympiques de 2004, nous sommes assis sur le toit-terrasse de son appartement. L’Acropole plane au-dessus de nous. Un dirigeable blanc et souple de la sécurité plane au-dessus de l’Acropole.
Et quand le soleil brûlant d’août a disparu à l’Ouest, quand l’orchestre a commencé à jouer, quand la torche olympique était sur le point d’arriver, Mikis Theodorakis a placé sa main sur la mienne. Et a dit : Regardez, comme c’est beau. Regardez, comme c’est beau.
C’est exactement comme Goethe l’a écrit : Elle est comme de la musique gelée, l’Acropole. Elle domine tout Athènes comme de la musique gelée.
Plus tard, il a parlé de sa musique. Comment sa musique lui vient. Il entend des notes dans son sommeil. Il allume et met les notes sur un bout de papier. Il éteint la lumière et se remet à dormir, jusqu’à ce que davantage de notes encore le réveillent. De sorte que vers le matin, il se lève et recueille la pile de papiers de la nuit.
Et quand la silhouette de l’Acropole émerge de l’obscurité, il s’assied à son bureau et essaie de comprendre l’élément essentiel. L’idée dominante. Et il se vérifie au piano à queue. Lentement mais sûrement, il découpe la forme appropriée du chaos. La structure musicale qui demeurera.
Je suis proche de l’esprit allemand, dit Theodorakis. Très romantique, mais très discipliné. Aspiré totalement vers le haut dans de grands sentiments, mais assidu et ordonné. J’admire Beethoven et Wagner, mais j’ai des réserves au sujet de Schoenberg. Je ne crois pas en une musique intellectuelle. Je ne crois pas en ce qui est coupé du mythe, de la religion, de la douleur humaine. De la douleur terrible de la mort.
Pense-t-il beaucoup à la mort ? Chaque jour. Chaque jour. Seulement quand il est plongé dans sa musique, il se sent immortel. Mais il ne se leurre pas. Il célèbre cette vie-ci, parce qu’au-delà d’elle il n’y en a pas d’autre. Et ces dernières années, la trahison de son corps l’afflige. L’insulte. Toute sa vie il était si fort, et soudain, il a besoin d’une canne pour marcher. Soudain il doit s’appuyer sur moi quand il se lève lentement de sa chaise.
Il est toujours très grand. Il a aussi toujours sa crinière de cheveux. Un peu plus clairsemée, plus grise, mais elle est toujours là. Et dans ses yeux le reflet espiègle d’un jeune garçon. L’humeur auto-dévastateur. Et le fort désir de tirer profit de chaque moment. De chaque pensée. De chaque chose qui vit.
Même son grand amour des femmes refuse de mourir. Elles sont si belles, vos femmes, me murmure Theodorakis. Comme dans la Bible. Coulant avec du lait et du miel.
Les racines du mal
Question : M. Theodorakis, le 4 novembre 2003, vous avez dit dans cette maison des paroles qui ont choqué les Juifs et les non Juifs à travers le monde. Vous avez dit que le peuple Juif était à la racine du mal. Qu’avez-vous voulu dire ?
Réponse : Pour moi, la racine du mal aujourd’hui est la politique du Président Bush. C’est une politique fasciste. Je ne peux pas comprendre comment il se fait que les Juifs, qui ont été les victimes du nazisme, puissent soutenir une politique aussi fasciste. Personne dans le monde ne soutient cette politique, à l’exception d’Israël ! Cette situation m’attriste. Je suis un ami d’Israël. Je suis un ami du peuple juif.
Mais la politique de Sharon et le soutien de la politique de Bush obscurcissent l’image d’Israël. J’ai peur que Sharon ne conduise les Juifs – exactement comme Hitler l’a fait avec les Allemands – à la racine du mal.
Même aujourd’hui, 10 mois plus tard, ne pensez-vous pas avoir commis une erreur, en disant ces mots ?
Non, mais il est important pour moi de souligner que je n’ai jamais dit que les Juifs sont la racine du mal. J’ai dit qu’ils sont à la racine du mal.
Ainsi vous n’avez aucun regret ?
Non. Et j’ai été très blessé par la réaction juive à ce que j’ai dit. Ce n’était pas une réaction civilisée. J’ai reçu des centaines et des centaines d’e-mails empoisonnés de Juifs de partout au monde. Je ne pouvais pas comprendre cette haine envers moi.
J’ai combattu toute ma vie le racisme. J’étais pour Israël. J’ai composé "Mauthausen." Après tout cela, comment aurais-je pu devenir d’un jour à l’autre un antisémite ?
Laissez-moi vous expliquer le contexte de cette réaction. Beaucoup de Juifs ont une nouvelle crainte de l’Europe. Nous avons peur qu’il y ait un nouveau genre d’antisémitisme en Europe. Ainsi quand vous avez que ce que vous avez dit, il y avait un sentiment de "Toi aussi, Brutus". Il y avait un sentiment que même notre vieil ami Theodorakis s’était retourné contre nous.
Je ne crois pas qu’il y ait de l’anti-Sémitisme en Europe. Il y a une réaction contre la politique de Sharon et de Bush. Je pense il est artificiel de penser qu’il y ait un nouvel anti-Sémitisme. C’est une excuse. C’est une manière d’éviter l’autocritique.
Plutôt que de se demander ce qui est erroné dans la politique d’Israël, les Juifs disent que les Européens sont contre nous en raison du nouvel antisémitisme. Puisqu’ils ne nous aiment pas. Et même Theodorakis indique que nous sommes à la racine du mal. C’est une réaction maladive.
Pourquoi ? De quelle manière est-ce une réaction maladive ?
Parce que ce genre de réaction est approprié à la psychopathologie des Juifs. Ils veulent se sentir en victimes. Ils veulent avoir ce sentiment de réconfort. Nous sommes dans le droit, nous sommes encore des victimes. Créons un autre ghetto. C’est une réaction masochiste.
Les Juifs sont-ils des masochistes ?
Il y a un masochisme psychologique dans la tradition juive.
Y a-t-il aussi du sadisme ?
Je suis certain que, quand les Juifs de la Diaspora parlent entre eux, ils se sentent satisfaits. Ils estiment : Maintenant, que nous sommes ainsi près de la plus grande puissance du monde, personne ne peut plus rien nous faire. Nous pouvons faire ce que nous aimons. C’est pourquoi la protestation contre un nouvel antisémitisme est non seulement une réaction maladive, c’est aussi une réaction futée.
De quelle manière est-elle futée ?
Puisque, effectivement, elle permet aux Juifs de faire ce qu’ils veulent. Non seulement psychologiquement, mais également politiquement, elle donne aux Juifs une excuse. Le sens de la victimisation. Elle leur donne la licence de cacher la vérité. Il n’y a pas de problème juif en Europe aujourd’hui. Il n’y a pas d’antisémitisme.
Lire la suite : fr.mikis-theodorakis.net