On n’est pas couché (compil "invité de droite") Sacrée droite ! Sacrés farceurs, disait Bernanos. Voulez-vous savoir à quoi l’on reconnaît un invité de droite (nous dirons : un IDD ) dans un talk-show ?
Déjà, il est de la droite "respectable" ("républicaine", comme il dit lui-même, en s’excusant timidement). Droite Figaro-Le Point-libéral. Des fachos à la télé ? Depuis Konk chez Ardisson, j’en ai pas vu (et encore à l’époque, je ne me rendais pas compte du caractère exceptionnel de la chose : je ne connaissais pas Konk, excellent dessinateur d’extrême-droite, à la différence de Chard, la lamentable dessinatrice de Rivarol, le canard qui ferait passer Bruno Mégret pour un fan de Bayrou).
L’IDD, souvent issu de l’Académie Française, est le seul à se pointer en costume-cravate. Il est mal à l’aise, ça se sent. Sa grande préoccupation : comment se faire aimer des autres invités ? En général, il s’essaie à des blagues qui retombent à plat, un peu comme ces profs de maths que nous avons tous connus. Un silence gêné suivait leur vanne. On avait envie de leur dire "ne vous donnez pas tant de mal, vous êtes pas fait pour ça, soyez autoritaire, ça vous va mieux".
Mais la télévision est bien plus cruelle que la salle de classe. Nous sommes certes débarrassés enfin du pénible Baffie, mais le sympathique Ruquier, sous ses airs de naïf sympa, tacle à la faux rouillée, régulièrement, ses invités. Et là, notre IDD commet une deuxième erreur : il veut avoir de la répartie. Malheureux ! Jamais faire ça ! La répartie est en général encore moins drôle que la vanne. Mais Ruquier a bon fond, alors il rit un peu, pour ne pas que l’IDD se noie. Re-gêne du téléspectateur. A ce jeu, Jean-Marie Rouard est très fort. Jean d’Ormesson, c’est encore pire. Son truc, c’est de faire semblant d’assumer le décalage entre son image ringarde de romancier déjà oublié (pour ceux qui ont eu la chance de ne jamais lire de l’Ormesson, je résume : tous ses livres sont une variation sur le thème du MOI, enrobé de considérations philosophiques banales sur le temps, Venise, le sac de Rome en 1527 ; bref, un gâteau qui serait composé uniquement de chantilly. De chantilly industrielle, bien sûr.)
Décalage donc, et voici notre aristocrate en chemise de jean, son éternel sourire fat (le genre de sourire qui donnerait envie d’être robespierriste), sa bouche en cul de poule, savourant d’employer des mots tels que "google", "facebook", et même "merde" (ohlala, quelle rébellion !). Triste spectacle de l’homme qui se croit séducteur mais qui n’est qu’un jouet télévisuel, une Loana de droite libérale ("républicaine !"). Après le bourgeois coincé, l’aristo ridicule, l’IDD peut aussi s’incarner dans le type du bourgeois faussement populaire, du rebelle en toc. Et là, le modèle ultime, c’est Denis Tillinac. C’est le maître. La référence. L’étalon. On devrait le mettre à Sèvres, dirait Gabin. Qui est Tillinac ? C’est un homme né à Paris, ami de Sarkozy, ami de Chirac, défenseur de Bernard Kouchner contre Pierre Péan (dommage que cette chronique soit uniquement audiovisuelle, car son papier lors de l’affaire dans Marianne était d’une putasserie rarement atteinte, j’en aurai bien touché un mot, sinon). Dans le même temps, Tillinac se réclame du gaullisme, de la Corrèze et de la droite à panache, mousquetaire. Il fallait le lire, l’autre jour, défendre le retour de la France dans l’OTAN, avec des trémolos dignes de Michel Sardou dans « Si les Ricains n’étaient pas là » : very gaullist indeed ! Il fallait l’entendre, l’autre soir, dire doctement qu’on devrait avoir le droit de discuter de l’importance ou non du génocide arménien sans que des lois "stupides" nous en empêchent, se plaçant ainsi dans la lignée de ces historiens qui veulent abolir toutes les lois mémorielles...sauf une ! Si c’est ça la droite du panache, ça doit ressembler à la bière du même nom.
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Intermède radiophonique (sur un patriote de Radio Courtoisie...) Entendu il y a quelques temps sur Radio Courtoisie l’inénarrable Alain Sanders, journaliste à Présent (le quotidien qui n’aime ni les Serbes, ni le Hezbollah, ni Hugo Chavez ni Poutine...) à propos du retour de la France dans l’OTAN : "Je me réjouis de cette nouvelle, car c’est le contraire du gaullisme et tout ce qui va contre le gaullisme, qui détruit ce qu’a fait le général De Gaulle, eh bien je suis pour, voilà !". Dommage que le "gaulliste" Tillinac partage son avis, ça a dû gâcher la joie de Sanders. (Jaurès sur France Info) Samedi 2 mai, cette phrase entendue sur France Info : "Jean Jaurès, qui mourut assassiné en 1914 pour son combat pour la justice et la vérité lors de l’Affaire Dreyfus". Vous aurez remarqué comme moi l’extraordinaire erreur historique concernant les causes de la mort de notre vedette number one des plaques de rue. Rien que cela marque bien la baisse faramineuse du niveau de nos concitoyens. C’est presque une banalité de le dire. Mais avez-vous fait attention aux mots employés pour qualifier le combat de Jaurès ? "Pour la justice et la vérité" ! On croirait lire un passage du générique de Goldorak ou de Capitaine Flam. Il n’est même pas question ici d’esprit partisan, de religiosité du politique, mais... de niaiserie la plus totale ! C’est ça, au fond, le puritanisme. A force de diviser le monde en gentils et méchants, à l’américaine, on finit par oublier même qu’il fut un temps civilisé où les thèses s’affrontaient à coup d’arguments. Même au Moyen-Age, on pouvait certes envoyer des gens sur les bûchers, mais du moins le justifiait-on par des sommes théologiques de milliers de pages. Aujourd’hui, on condamne après vingt lignes de BHL. Le cacaboudinisme est en marche.
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En bref... 100 % Mag (M6, 1er mai) : Reportage intitulé "les Sushis envahissent nos villages". Exemples de villages donnés : Bourges et Charleville ! Vous avez dit parisianisme ? C dans l’air (France 5, 1er mai) : émission au titre éloquent, "Faut-il enseigner la morale à l’école ?". Si l’on en arrive à se poser la question, alors on peut répondre à Alain Soral, qui se demandait "Jusqu’où va-t-on descendre ?" et on peut répondre sans hésiter : jusqu’au fond !
Surtout quand les invités de Calvi ont été unanimes à juger que oui, il fallait enseigner la morale à l’école, à condition que le monde entier commence. La bonne idée que voilà ! je propose pour ma part qu’on condamne le meurtre seulement quand il n’y aura plus d’assassins sur Terre !
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On n’est pas couché (France 2, 2 mai) J’ai plutôt de la sympathie pour Eric Naulleau, malgré son livre immonde sur Houellebecq. Sympathie pour le courage de l’homme, qui n’hésite pas à dire ce qu’il pense aux invités sans se réfugier derrière le paravent du comique (n’est-ce pas, Stéphane Guillon ?). Mais Naulleau à un défaut, un défaut grave, il est « de gauche ».
Étant de gauche, il ne supporte pas qu’on touche un cheveu du dogme principal de la gauche, dogme analysé si bien par Michéa : l’interdiction totale de remettre en question la prééminence du présent sur le passé.
En d’autres termes, le crime de c’était-mieu
x-avantisme. Faites le test : quel que soit le sujet (l’architecture, les bagnoles, les téléphones, le céleri rémoulade), quelle que soit l’époque (les années 80, 1968, le XVe siècle), oser dire qu’une chose ait pu être mieux avant vous vaudra les réactions suivantes de votre interlocuteur de gauche :
le ricanement bête (votre interlocuteur reprendra ironiquement vos propos : "c’était mieux avant, hein ?" croyant vous avoir ainsi démoli alors qu’il n’a rien démontré du tout)
l’agressivité ("c’est réac comme remarque, ça") (méthode plutôt démodée)
le relativisme : en général votre interlocuteur utilise cette méthode quand il est dans l’impossibilité de prouver que oui, c’est mieux maintenant. Il ne lui reste plus qu’à démontrer que c’était pareil avant.
C’est ce qu’a voulu faire Naulleau face à Nadine de Rothschild. Comme la baronne disait que la violence augmentait, le compère de Zemmour a rétorqué que Paris était tout aussi sinon plus dangereux au Moyen-Âge ou au XVIIe siècle.
Je bouillais devant mon poste, tellement j’avais entendu cet argument idiot des dizaines de fois. Mais alléluia ! maintenant Zemmour est là ! Et il a rétorqué à Naulleau ce que toute personne ayant un minimum de connaissances historiques sait, à savoir que la délinquance était certes plus importante sous Louis XIV qu’aujourd’hui, mais qu’elle a continuellement baissé jusqu’aux alentours de 1960, avant de remonter depuis lors.
Moralité : moins on a de connaissances historiques, plus on dit de conneries politiques et sociales.
Colbert - E&R