L’organisateur en Suisse des spectacles de l’humoriste appelle à la mesure et au respect de l’État de droit. Interview exclusive.
Dieudonné vient de se produire à Lausanne en faisant salle comble et sans aucun trouble à l’ordre public... Ce qui rend l’arsenal sécuritaire déployé disproportionné. Interview de l’organisateur en Suisse des spectacles de l’humoriste qui tient à garder son anonymat.
Comment expliquez-vous que Dieudonné se produise depuis des années en Suisse sans le moindre problème, ni dérapage ?
Cela n’a pas été souvent dit, mais contrairement à ce que l’on pense, le public de Dieudo est un public éduqué de la jeunesse, à mille lieues de la sociologie d’un public à risques ! À Nantes, quand son spectacle avait été interdit à la dernière minute, 5000 personnes se sont dispersées dans le calme et en chantant ! Qu’on le veuille ou non, le public de Dieudonné est plus pacifique que celui que l’on peut voir lors de certains spectacles en Suisse !
Pourquoi avoir alors émis tant d’obstacles à sa venue ?
Je ne sais pas. Mais je m’insurge lorsque l’on dit que Dieudonné n’est plus un humoriste mais un politicien. La politique est au cœur même de la démarche d’humour. L’humoriste est un peu le fou du roi qui met le doigt là où ça fait mal. D’ailleurs, la Convention européenne des droits de l’homme admet que la liberté d’expression inclut que l’on puisse choquer ou heurter. Ceci étant dit, l’artiste a bien sûr une part de responsabilité et je l’ai d’ailleurs dit à Dieudonné. On peut tout dire du moment qu’on respecte les lois, mais il faut aussi tenir compte du contexte, comme celui qui a prévalu après les horribles attentats de Paris.
Malgré les diverses tentatives d’interdiction, Dieudonné parvient toujours à se produire...
Et c’est tant mieux ! De mon point de vue, toute censure est contre-productive, voire même franchement dangereuse. C’est le message que je souhaite envoyer aux politiques qui caressent cette idée. Tout ce que l’on gagne, c’est de frustrer son public, qui, comme je l’ai dit, est non-violent, éduqué et pacifique. Les fans de Dieudonné sont des citoyens comme les autres. On n’a pas à leur imposer quel humoriste ils doivent voir ou pas.
Les mesures de sécurité exceptionnelles n’ont-elles pas mis en danger financièrement la tournée de Dieudonné à Lausanne ?
C’est clair, les dépenses de sécurité engendrées par les spectacles de Dieudonné sont impressionnantes. Il faut ajouter qu’en plus de ces dépenses, l’artiste va payer à la Ville une taxe de 14 %, soit 6 % d’impôt supplémentaire. Sans compter les frais liés à la billetterie, location de la salle, production du spectacle, etc. Le chiffre d’affaires est certes intéressant, mais le bénéfice l’est beaucoup moins. Enfin, en ce qui me concerne, en tant qu’organisateur de ces spectacles en Suisse, l’aspect financier est secondaire. Mon engagement est fondé d’abord sur deux principes : le respect de l’État de droit et le refus du « deux poids deux mesures ».
Tout s’est finalement très bien passé. Dieudonné reviendra-t-il en Suisse ?
Je ne sais pas. En Suisse, probablement. Mais honnêtement, avec tout ce qui s’est passé, je ne suis pas très emballé à l’idée d’organiser encore quelque chose à Lausanne !