Au lendemain de la perte par l’armée syrienne du contrôle d’une base stratégique face aux jihadistes de l’État islamique dans la province de Raqqa, les autorités syriennes ont affirmé lundi être prêtes à coopérer avec la communauté internationale pour lutter contre les jihadistes mais ont souligné que toute frappe en Syrie devait se faire en coopération avec elles.
« La Syrie est prête à une coopération et à une coordination sur le plan régional, international et bilatéral pour lutter contre le terrorisme dans le cadre de la résolution 2170 du Conseil de sécurité de l’ONU », a déclaré lors d’une conférence de presse le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem (photo ci-dessus). « Y compris avec les États-Unis et la Grande-Bretagne ? » lui a demandé un journaliste. « Ils sont les bienvenus », a-t-il répondu. « La diplomatie syrienne va agir sur ce thème dans les jours qui viennent », a-t-il dit. Le régime syrien considère tous les rebelles, jihadistes ou pas, comme des « terroristes ».
Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 15 août à l’unanimité cette résolution qui vise à empêcher le recrutement et le financement des jihadistes en Syrie et en Irak. Le texte est placé sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, ce qui permet de recourir à des sanctions, voire à la force, pour le faire appliquer mais n’autorise pas pour l’instant d’opération militaire. Les sanctions possibles consistent notamment en un embargo sur les armes, des gels d’avoirs et une interdiction de voyager.
Washington, qui a mené depuis le 8 août plus de 90 frappes contre l’EI dans le nord de l’Irak, a durci ces derniers jours le ton, affirmant sa détermination à poursuivre ses raids et menaçant de les étendre à la Syrie, où ce groupe ultra-radical affronte à la fois les rebelles et le régime de Bachar el-Assad. Après l’exécution sommaire du journaliste américain James Foley, Washington a annoncé une réponse puissante, malgré la menace de l’EI de tuer un second otage américain si les raids se poursuivaient. « Si vous vous en prenez à des Américains, nous irons vous chercher où que vous soyez », a déclaré Ben Rhodes, conseiller adjoint à la sécurité nationale du président américain, cité par le Wall Street Journal.
Lors de sa conférence de presse, M. Mouallem a souligné que toute frappe américaine contre les jihadistes sur le territoire syrien devait être coordonnée avec Damas, car sinon il s’agirait d’une agression contre la Syrie. Interrogé sur la possibilité que la défense antiaérienne tire sur des appareils américains qui viendraient frapper en Syrie, il a répondu : « Ceci pourrait arriver s’il n’y a pas de coopération préalable. Nous proposons donc une coopération et coordination internationale préalable pour empêcher qu’il s’agisse d’une agression » contre la Syrie.
Nettoyage ethnique
Ces déclarations interviennent alors que, sur le terrain, l’EI a enregistré dimanche une importante victoire en prenant l’aéroport de Tabqa, dernier bastion du régime dans la province septentrionale de Raqqa. Mais de l’autre côté de la frontière, les forces kurdes et irakiennes, qui collaborent contre les jihadistes depuis début août – fait rare témoignant de la gravité de la situation – ont en revanche gagné du terrain contre les jihadistes ultra-radicaux qui ont proclamé, fin juin, un califat à cheval sur les deux pays où ils contrôlent de larges pans de territoires.
À ce propos, M. Mouallem a affirmé que les « soldats avaient été retirés de l’aéroport pour les protéger et nous avons tué des centaines de terroristes ». Concernant l’Irak, le ministre syrien a dit : « Nous allons coopérer avec le nouveau gouvernement et nous espérons qu’il sera bientôt formé. Nous combattons le même ennemi et sommes dans la même tranchée. La coordination est donc nécessaire pour le bien de nos deux peuples. »
L’ONU a, par ailleurs, accusé lundi l’EI de « nettoyage ethnique et religieux ». « De graves et horribles violations des droits de l’Homme sont commises chaque jour par l’Etat islamique (...) et des groupes armés associés », a dénoncé le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi Pillay. Ils « mènent impitoyablement un nettoyage ethnique et religieux dans les régions sous leur contrôle » en Irak, visant notamment les chrétiens, les Yazidis, les Shabaks et les Turcomans, a-t-elle ajouté. « De telles persécutions pourraient constituer des crimes contre l’humanité », a souligné Mme Pillay, qui a appelé la communauté internationale à ne pas les laisser « impunis ».
Signe de la préoccupation grandissante également dans le monde arabe, l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Jordanie ont souligné dimanche « la nécessité d’agir sérieusement » contre l’EI.