La présentation de l’entretien :
Propos recueillis par Rebecca Fitoussi pour Public Sénat - Dès le début de la crise, les propos antisémites, racistes, homophobes et complotistes ont proliféré sur la toile. Cela prouve une nouvelle fois, selon lui, qu’il est urgent de faire adopter la loi Avia contre les contenus haineux sur Internet. « Ne jamais oublier que le racisme n’est pas une opinion mais un délit ! »
Certaines barrières morales s’étaient déjà fissurées ces derniers mois, au cours des dernières crises… Sont-elles en train de tomber complètement ?
Mario Stasi (président de la LICRA) : Je ne dirais pas cela. Je dirais que la vigilance doit être d’autant plus grande que nous vivons un moment d’exception. Lorsque j’évoque ce moment d’exception, j’évoque un moment soumis à des lois d’exception. Je ne dis pas qu’il y a un effondrement, je dis qu’il y a un devoir de chacun des citoyens d’apporter une particulière vigilance à la façon avec laquelle les valeurs qui sous-tendent notre démocratie sont malmenées ou mises entre parenthèses, combattues ou oubliées. La France est un pays de débat et de contestation et je sais que le pire côtoie le meilleur, mais c’est à des associations comme la nôtre d’attirer l’attention sur les dérives. Et les dérives, on les constate. C’est la délation, ce sont des thèses complotistes, c’est le sempiternel antisémitisme qui revient à la charge, c’est l’homophobie. À ce titre, nous avons constaté sur les réseaux sociaux, depuis un mois et demi environ, des choses qui ne sont pas à la gloire de la circulation de ladite information.
Vous avez parlé « d’antisémitisme déconfiné »… Quelle forme prend-il ?
Malheureusement toujours la même. Une forme exacerbée. La forme des réseaux sociaux, de l’anonymat et de la thèse complotiste. Il n’a pas fallu bien longtemps pour que les Soral et consorts, et quand je dis consorts, ce sont tous ceux qui sous couvert d’anonymat, relaient ou portent le même discours, viennent fustiger, dénoncer les « Salomon », « Buzyn », « Lévy », comme étant les incompétents et ceux à qui profiterait cette pandémie. Il n’a pas fallu bien longtemps avant que ces réflexes antisémites prolifèrent sur la toile. À la LICRA, nous sommes attachés au respect des valeurs mais aussi à leur concrétisation dans l’action publique, c’est pourquoi nous ne nous satisfaisons pas de déclarations de principes. Nous ne sommes surtout pas là pour donner des leçons de morale, mais nous rappelons quelles sont les valeurs et nous souhaitons qu’elles se concrétisent par des actes, et notamment par des actes de la puissance publique et par des actes législatifs. L’urgence pour la LICRA, dès la sortie de ce confinement, c’est d’organiser le confinement des discours de haine, en faisant en sorte que la loi dite Avia soit adoptée dans les meilleurs délais.
Vous avez évoqué Alain Soral qui a réalisé une vidéo dans laquelle il dresse une liste de personnalités dites juives à la tête des hautes administrations françaises ou des médias… Cette vidéo a été vue plus d’un million de fois… Qu’est-ce cela dit pour vous ? Comment interprétez-vous ce succès ?
Je suis fermement attaché à la liberté d’expression, à la responsabilisation de ceux qui portent la parole ou des écrits et à la distinction entre une opinion et un délit. Or, Alain Soral, lorsqu’il profère de telles ignominies, se comporte comme et est un délinquant. Le caractère totalement absurde de la situation, c’est que l’outil qui permet dans le cadre d’un confinement l’éducation de nos plus petits, est le même outil ou canal qui permet la prolifération sans limite de tels propos infâmes et délictueux. Ce qui m’importe au premier chef, c’est de couper le robinet de la haine, de couper ce déversoir d’immondices, de confiner ce discours de haine et de responsabiliser les plateformes et les hébergeurs afin que ceux-ci se voient enjoindre dans les meilleurs délais, sous la menace de lourdes sanctions financières, comme il en existe en Allemagne, de retirer les propos délictueux, haineux, antisémites, complotistes. Nous ne sommes pas dans la liberté d’expression, nous sommes face à la commission d’un délit. Il faut responsabiliser ceux qui aident sous couvert d’une soi-disant liberté d’expression, la commission de ce délit. Voilà ce que m’inspire le constat, et il est certain que l’état de confinement est un état grossissant de la situation démocratique de notre pays, dans ses meilleurs aspects comme dans les pires. Je suis très heureux par exemple que France Télévisions se soit rendu compte que la chaîne publique pouvait être un canal d’éducation et que l’on réfléchisse même à faire en sorte que France 4 soit ce canal d’éducation. Je me réjouis de ces prises de conscience.
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L’antisémitisme est un phénomène complexe. Le seul fait de vous exprimer sur le sujet alors que nous sommes en pleine crise sanitaire, en agacera plus d’un et fera dire à certains : « Oh ça va ! De l’antisémitisme à toutes les sauces, ce n’est pas le sujet aujourd’hui ! ». Que répondre à cela ?
Vous remarquerez que si vous m’avez posé des questions sur l’antisémitisme, j’ai à chaque fois répondu en évoquant des propos haineux, racistes, homophobes, antisémites, complotistes. Je me place au niveau des principes qu’il faut respecter, des délits qui sont commis, des valeurs qu’il nous faut rappeler. Je fais toujours le parallèle entre le combat théorique et la concrétisation dans la vie publique et politique. J’ai demandé que les présidents de sections de la LICRA prennent contact avec les directeurs d’établissements (lycées, collèges, écoles primaires) afin de voir dans quelle mesure, dans le cadre du télétravail, nous puissions continuer à faire toutes nos interventions scolaires. Entre 30 000 et 40 000 étudiants, lycéens et collégiens ont reçu la visite de bénévoles LICRA l’année dernière et ont débattu des valeurs de la République, du racisme, de la laïcité, de la fraternité, de l’antisémitisme, des génocides. Même si l’actualité nous ramène à cette triste pérennité qu’est l’antisémitisme dans notre pays, notre combat dépasse le seul antisémitisme. Si nous évoquons l’antisémitisme, c’est parce que sur les réseaux sociaux, quelques jours après le début de la crise, d’infâmes individus se sont précipités pour dénoncer les « Salomon », « Buzyn », « Lévy », pour expliquer que la haute administration française était sous la main des juifs, que tout cela bénéficierait peut-être à Israël. Les pires ignominies et les pires délires. Donc c’est la réalité qui nous ramène malheureusement à cela, comme elle nous ramène aussi à une homophobie. Quand on voit un journal de la presse quotidienne régionale, « Le Progrès », qui donne la parole à un médecin nous expliquant que les homosexuels seraient insensibles au respect des règles du confinement du fait de leurs pratiques sexuelles. Quand on voit les réactions sur les réseaux sociaux après la proposition d’Emmanuel Macron d’annuler la dette de l’Afrique, et que le soir même, il y a eu 50 000 tweets de la fachosphère sur le thème « la France d’abord ». Notre combat est un combat des valeurs dans lequel la lutte contre l’antisémitisme a toute sa place mais la LICRA dépasse cette spécificité. Lorsque nous intervenons par exemple dans les clubs de football, on évoque le racisme, le communautarisme, l’universalisme, la laïcité, les génocides, l’antisémitisme mais pas seulement. De la même façon, lorsque l’on propose des formations à des salariés, on leur apprend à appréhender le fait religieux dans l’entreprise et les discriminations à l’embauche. Le combat de la LICRA est un combat de valeurs républicaines, c’est un combat politique, et dans ces valeurs, la lutte contre l’antisémitisme est évidemment importante.
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« L’antisémitisme déconfiné » selon la Stasi
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Nous avons assisté, ces dernières semaines, à un « déconfinement » de la haine des juifs mêlé à l’affirmation décomplexée des pires théories du complot. La liste des contenus de cette nature serait trop longue à faire mais elle montre que notre combat est plus jamais est à la croisée des chemins et exige notre mobilisation : certains font des listes de juifs, comme Alain Soral et sa clique, en les corrélant à l’organigramme soit de la haute administration, soit de la presse et des médias ; d’autres ressuscitent la figure du « juif empoisonneur », comme au Moyen-Âge, lui attribuant d’avoir créé le virus, à l’image du leader du parti islamiste Refah, Fatih Erbakan, fils de l’ancien Premier ministre turc, déclarant : « Bien que nous manquions de preuves, ce virus sert les objectifs du sionisme de réduire la population et de l’empêcher de croître ». On a même ressorti le « juif stérilisateur », à l’instar de cet officier du renseignement turc, pro-Erdogan livrant à la Télévision d’Etat : « Les Juifs, les sionistes ont conçu le nouveau coronavirus comme une arme biologique, comme la grippe aviaire… pour contrôler le monde, s’emparer des pays et stériliser la population mondiale ».On exhume aussi la figure du « juif profiteur », lui prêtant la volonté de spéculer, d’accaparer et de s’enrichir de la situation pour faire commerce du futur vaccin, en prêtant des phrases apocryphes à Georges Soros ou à Jacques Attali. Ou encore celle du « juif privilégié » qui aurait le droit de déroger aux règles du confinement pour des raisons religieuses.
Certains parviennent même à contester l’existence de la Shoah à la lumière du COVID, prétextant que si les Chinois ont du mal à incinérer les milliers de morts de l’épidémie, comment alors les nazis auraient pu y parvenir pour les 6 millions de Juifs exterminés.
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Revoir la vidéo (déréférencée par YouTube) qui fait réagir la Stasi :
Une vidéo à propos de laquelle la LICRA nous apprend qu’elle « a été vue plus d’un million de fois » alors qu’elle affiche 440 000 vues sur YouTube...Compte tenu du fait qu’il a été prouvé que le nombre de vues de la vidéo a été arbitrairement baissé depuis qu’elle a passé la barre des 400 000 vues, la question se pose légitimement : la LICRA est-elle tenue au courant des véritables chiffres par le site d’hébergement de vidéos YouTube avec lequel elle partage des accointances communautaires ?
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