Acquéreur du paquebot de prestige « France » rebaptisé « Norway », la Norvège est un lieu chargé d’un lourd symbolisme particulièrement, Oslo, dont le siège du gouvernement a certes fait l’objet d’un attentat meurtrier, vendredi 22 juillet 2011, mais qui est passé à la postérité pour avoir servi de cadre aux négociations qui ont débouché sur les premiers accords directs israélo-palestiniens, les accords d’Oslo, le 13 novembre 1993.
De surcroît, Oslo est le lieu d’attribution du plus prestigieux Prix Nobel, le « Prix Nobel de la Paix ».
Fâcheux hasard, effet d’emballement ou préméditation ? Le carnage, qui a fait 76 morts, est intervenu au lendemain de l’engagement du gouvernement norvégien en faveur de la « reconnaissance de l’État palestinien » à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU qui devait se tenir en septembre, alors que les jeunes du parti travailliste norvégien en congrès dans l’île voisine de la capitale prônaient une action plus radicale allant jusqu’au boycottage économique d’Israël.
Au point qu’un journaliste [...] réputé, Gilad Atzmon, n’hésita pas à poser ouvertement la question du lien entre cette boucherie et la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanction) dont les jeunes socialistes réclamaient l’application contre Israël sur le modèle de l’Afrique du sud du temps de l’apartheid.
Yasser Arafat, chef de l’Organisation de Libération de la Palestine, et les signataires israéliens de l’accord, le premier ministre travailliste Ytzhak Rabin, assassiné depuis par un ultra sioniste, ainsi que Shimon Pères, à l’époque ministre des affaires étrangères, avaient obtenu conjointement, à cette occasion, le prix Nobel de la Paix, le seul des cinq prix Nobel attribué par la Norvège en vertu des dispositions testamentaires du chimiste Alfred Nobel.
Le carnage d’Oslo, un symptôme des dérives de la pensée intellectuelle occidentale
Le carnage s’est révélé toutefois symptomatique des dérives de la pensée intellectuelle occidentale car l’alliance entre l’extrême droite européenne et Israël a constitué, sans nul doute, une imposture morale de l’alliance des descendants des victimes du génocide hitlérien avec les héritiers spirituels de leurs anciens bourreaux.
Anders Behring Breivik cite des dizaines de fois Bat Ye’or dans son manifeste pour expliquer son acte. Bat Ye’or, est le nom de plume de Gisèle Littman-Orebi (Le Caire, 1933), une essayiste britannique, juive d’origine égyptienne. Son nom de plume Bat Ye’or signifie « fille du Nil » en hébreu.
Dans son ouvrage (Eurabia, Islam and Dhimmitude), elle dénonce un accord, ourdi selon elle entre certaines instances dirigeantes européennes et des pays arabes visant à soumettre l’Europe au Monde arabe afin de former une nouvelle entité qu’elle désigne sous le vocable d’« Eurabia ».
Dans son manifeste de 1500 pages, le terroriste norvégien cite plusieurs fois Alain Finkielkraut. Voilà ce qu’a écrit Anders Behring Breivik dans son manifeste « A European Declaration of Independence–2083 » (2083, une déclaration d’indépendance européenne) :
« French philosopher Alain Finkielkraut has warned that "the lofty idea of the war on racism" is gradually turning into a hideously false ideology. And this anti-racism will be for the 21st century what Communism was for the 20th century : A source of violence ». « Le philosophe français Alain Finkielkraut a prévenu que "l’idée généreuse d’une guerre contre le racisme" se transforme petit à petit en une idéologie monstrueusement mensongère. Et cet antiracisme sera au XXIe siècle ce que fut le communisme au XXe : une source de violence ».
Œuvre d’un fondamentaliste chrétien, proche des milieux de l’extrême droite, cette attaque remet en mémoire les liens de l’extrême droite européenne avec Israël dans une alliance contre nature fondée sur une idéologie particulièrement islamophobe. Selon ses propres aveux, Anders Behring Breivik, ancien membre du « Parti du Progrès » (FrP), la droite populiste), est un nationaliste revanchard, mû par une aversion viscérale à l’égard de l’islam.
La presse occidentale a traité par le mutisme, voire dans une indifférence coupable, les dérives tant sémantiques que politiques de cette invraisemblable alliance entre Israël et des antisémites notoires européens, scellée par une « Déclaration de Jérusalem » en Décembre 2010, dont l’effet paradoxal aura été de dégrader un peu plus l’image d’Israël dans le monde tout en dédouanant les populistes européens.
Favorisée par un climat xénophobe relayé au niveau européen par la campagne en faveur de la liberté d’expression à l’occasion de la parution des caricatures de Mahomet, toute une terminologie de stigmatisation a été forgée par les plus en vue des intellectuels médiatiques pro israéliens, pour mettre en accusation toute une frange de la population hostile à l’unilatéralisme de l’axe israélo-américain.
Fascislamisme, Eurabia, islamo-gauchiste ; Bat Ye‘or, Alain Finkielkraut Alexandre Adler, Yvan Riouffol, Philippe Val, Bernard Henri Levy et Dominique Strauss Khan ; pas un grand journal européen n’a émis la moindre critique contre cette phraséologie islamophobe et arabophobe qui a prospéré dans les débats politiques, particulièrement dans les médias, sous couvert de lutte contre le « terrorisme islamique », pour fustiger en fait les réfractaires à la pensée hégémonique occidentale.
Pas un n’a émis la moindre réserve contre des propos démagogiques, tels le « fascislamisme », l’expression préférée du tandem magique du journal Le Figaro Alexandre Adler et Yvan Rioufol ; ou « Eurabia », l’expression forgée par la théoricienne de l’ultra droite européenne, Bat Ye’or, de même que leur sœur jumelle, l’expression méprisante d’« islamo-gauchiste », brandie en vue de criminaliser la mise sur pied d’une alliance des exclus de la société d’abondance fédérant les diverses composantes de la société française, au-delà des clivages religieux ou communautaires.
Pas un n’a cillé face au travail de déconstruction historique entrepris par Alain Finkielkraut et Bernard Henry Lévy, présentant, dans une sorte de révisionnisme anti arabe, « l’islamisme radical comme une variante de ce phénomène mondial que fut, il y a presque un siècle, le fascisme » ; ou encore le dénigrement systématique de la « politique arabe de la France » initié par le CRIF avec le soutien actif de Philippe Val, directeur de Radio France, et de Dominique Strauss Khan, dont le socialiste flamboyant en dénonçait la « supercherie » avant son placement en résidence forcée à Manhattan pour comportement « déplacé ».