Il y a beaucoup d’avantages contre-intuitifs pour un pays avec une main-d’œuvre instruite et dynamique qui modernise son industrie plus tard que beaucoup d’autres pays de taille similaire. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, l’industrie allemande était à maints égards beaucoup plus avancée que ses homologues britannique, française ou belge, bien que l’Allemagne n’ait connu sa réunification que longtemps après les révolutions industrielles dans les pays cités ici.
Au XXe siècle, le Japon, la Chine et la révolution industrielle de la Corée du Sud ont récolté les bénéfices des leçons issues des erreurs des autres et de les avoir évitées en travaillant à la modernisation à grande échelle de leurs économies respectives. Aujourd’hui, alors que la RPDC (la Corée du Nord) dispose d’une importante base industrielle nationale depuis des décennies, une grande partie de sa technologie est à la traîne par rapport à ses voisins. Cet inconvénient à court terme pourrait cependant se transformer en avantage à long terme selon les mesures prises par le gouvernement pour moderniser l’infrastructure industrielle du pays.
Sous la direction de Kim Jong-un, l’expansion économique, le développement rapide des infrastructures et leur amélioration dans le domaine social ont clairement montré que le jeune dirigeant du pays a poursuivi des mesures de réformes dans la sphère domestique même avant de s’engager dans un processus de paix historique avec la Corée du Sud et les États-Unis. Malgré les sanctions, l’économie nord-coréenne s’est largement développée ces dernières années et l’objectif à moyen terme de la levée des sanctions, conformément au processus de paix, a amené Kim a réfléchir aux prochaines mesures à prendre pour améliorer la condition matérielle de la population.
L’une des plus grandes percées dans l’industrie cette dernière décennie a été l’automation croissante des usines grâce à l’utilisation de la robotique dirigée par l’intelligence artificielle (IA). La Chine est en train de devenir pionnière en la matière, à la fois dans sa campagne Made in China 2025 et dans le désir du président Xi Jinping de faire pivoter la base industrielle du pays vers l’IA et de l’éloigner du travail manuel pour ouvrir de nouvelles avenues entrepreneuriales dans le cadre du projet plus large Made in China.
Fondamentalement, et contrairement aux systèmes économiques néolibéraux où l’augmentation de la robotique tend à provoquer le chômage d’une main-d’œuvre industrielle par ailleurs bien rémunérée, dans le modèle socialiste de marché chinois, les profits générés par la main humaine ou par un robot seront finalement réinvesti dans les mêmes sources, à savoir l’infrastructure publique, le logement, l’éducation, la santé, la culture et encore plus de recherche industrielle et de développement.
À cet égard, le modèle chinois est bien équipé non seulement pour gérer efficacement la prochaine révolution IA et robotique dans l’industrie, mais est en mesure d’en tirer rapidement avantage en ouvrant de nouvelles possibilités à une main-d’œuvre dont les vocations futures seront soutenues par les profits générés par les machines. Comme Kim Jong-un a déjà introduit quelques réformes économiques élémentaires qui, à un stade précoce, suggèrent un pivot vers une version Juche du modèle socialiste de marché chinois, il est tout naturel que Kim considère la révolution IA/robotique comme un moyen de moderniser l’infrastructure industrielle de la RPDC et, ainsi, ouvre la voie à un avenir économique radicalement différent pour son pays.
Lors d’une visite récente dans une usine à Sinuiju, près de la frontière chinoise, Kim Jong-un a déclaré :
« Il est important de supprimer totalement le travail manuel et de moderniser les processus de production. »
Cette déclaration implique clairement que Kim cherche à imiter le mouvement d’automatisation tourné vers l’avenir de la Chine et l’a reproduit dans son propre pays. Comme la RPDC a une population beaucoup plus petite que la Chine, il est imaginable qu’au cours de la prochaine décennie, l’économie industrielle de la RPDC devienne l’une des plus automatisées au monde.
Sans devoir moderniser progressivement l’infrastructure industrielle du pays, les dirigeants de Pyongyang peuvent en lieu et place établir un programme de changement radical dans le développement industriel du pays, qui vise à automatiser totalement toutes les usines existantes et futures en les basant sur les technologies les plus récentes et les plus durables. Alors qu’un partenariat revitalisé avec la Chine semble sur le point de se développer au fur et à mesure que le processus de paix se poursuit, il est tout à fait possible que l’utilisation de la technologie chinoise combinée à la recherche maison aide à faire de la RPDC un futur pionnier en matière économique – ce qui représenterait un changement radical par rapport à la situation actuelle, où l’industrie nord-coréenne tend à manquer des innovations technologiques présentes en Corée du Sud, en Chine et au Japon.
La transformation de l’économie de la RPDC ne se fera certainement pas du jour au lendemain, mais en indiquant une politique de modernisation tournée vers l’avenir grâce à une automatisation totale, le pays peut à moyen terme récolter les bénéfices d’être catapulté dans l’avenir économique en contournant les étapes du développement industriel où il est resté à la traîne ces dernières décennies. En faisant un proverbial bond en avant par rapport à l’automation et à l’intelligence artificielle, la RPDC pourrait bientôt être à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle qui sera non seulement égale mais qui potentiellement dépasse celle de pays qui sont aujourd’hui à la pointe de la technologie industrielle et de l’innovation.