Un article du Monde daté du 11 août 2018 évoque la course aux armements hypersoniques entre les États-Unis, la Russie et la Chine. Derrière se profile une bataille commerciale pour la domination du monde : le capitalisme chinois contre le capitalisme américain.
« La Chine a annoncé avoir testé avec succès, le 3 août, le lancement d’un engin hypersonique. Possiblement muni d’armes nucléaires, ce type d’appareil est, en raison de sa vitesse, capable d’échapper aux systèmes de défense antimissiles actuels. Lancé par une fusée, le véhicule, baptisé Starry Sky 2 (« ciel étoilé »), s’est séparé de celle-ci et a volé durant plus de 400 secondes à une vitesse comprise entre Mach 5,5 et Mach 6, soit entre 6 732 et 7 344 km/h, a déclaré la Société de sciences et technologies aérospatiales de Chine, qui évoque un “énorme succè”s. »
C’est peut-être pour cela que Trump, averti avant le grand public, a décidé de lancer sa guerre de l’espace. Il y a 35 ans exactement, Ronald Reagan lançait lui son très ambitieux programme de bouclier spatial, dit aussi guerre des étoiles. Il s’agissait de se prémunir des frappes intercontinentales de l’ennemi. Le programme ne se fera pas, parce qu’il était tout simplement impossible à réaliser, le continent nord-américain ne pouvant être protégé à 100%, mais l’Union soviétique ne sera pas capable de relever le défi technologique. Et de toute façon s’effondrera cinq ans plus tard.
Aujourd’hui, les avancées scientifiques permettent non seulement d’intercepter des missiles étrangers, on le voit avec le dôme de fer israélien, mais seulement dans le cas de vitesses accessibles. Avec les missiles hypersoniques équipés de têtes nucléaires, l’intégrité de n’importe quel pays vole en éclats. Avant les Chinois, en cette même année 2018, ce sont les Russes qui ont procédé à des tests d’une arme hypersonique, qui devrait être opérationnelle avant 2020. Poutine avait alors parlé d’arme invincible, mettant le feu au nid de faucons américains.
« Dans un rapport de 2017 consacré aux “chocs futurs”, Louis Gautier, alors secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale françaises, estimait que l’apparition d’armements hypersoniques marquait une “rupture” en raison de leur vitesse, qui “disqualifie les capacités actuelles d’interception des défenses adverses”, de leur “capacité de frappe extrêmement réactive à des portées très supérieures à celle des systèmes actuels” et de la “menace instantanée de frappe conventionnelle voire nucléaire” qu’ils peuvent faire peser “à tout moment et à toute distance”. »
On le voit, le monde danse sur un volcan. L’article évoque en toute fin le lien entre le militaire et le civil, entre la guerre et l’économie :
« ...la Chine pourrait, grâce à ce type de missiles, être également en mesure de contrôler “la plupart des lignes de communication maritimes en Asie et de menacer notamment la base américaine du Pacifique à Guam”. »
Au fond, c’est bien de cela dont il s’agit : sécuriser la mer de Chine et la route des porte-conteneurs géants qui pèsent lourd dans la mondialisation, le commerce et la balance des paiements chinoise. Ainsi, la 7e Flotte US se déploie dans le Pacifique Ouest et l’océan Indien, et est basée à Yokosuka au Japon. Le budget de la Navy est le plus important dans le budget militaire global : il se monte à 150 milliards de dollars par an et concerne 500 000 hommes, dont la moitié de réservistes. Les Chinois, eux, n’ont qu’un porte-avions, et encore, pas très efficace, et seulement 20 000 Marines. L’Amérique (à la suite de l’Angleterre) règne encore sur les mers.
On le voit, la puissance commerciale chinoise et son développement sont limités par la puissance de feu américaine, et le contentieux intercoréen n’est qu’un volet de ce combat des géants. Avec des missiles hypersoniques, les lanceurs américains n’auraient même pas le temps de dire ouf. Et les Chinois veulent toujours aller sur Mars en 2049, pour le 100e anniversaire de la victoire de leur Révolution...
On termine sur l’interview de Mathieu Duchâtel, spécialiste des questions de sécurité en Asie, interrogé par Le Monde du même jour :
« Plus largement, la Chine modernise tous les domaines de la dissuasion nucléaire mais elle a des faiblesses. Elle n’a toujours pas démontré sa capacité à faire des patrouilles de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins qui ne soient pas détectés. Elle travaille par ailleurs sur de nouveaux missiles balistiques autotractés qui ont été mis en valeur au cours du défilé de septembre 2015. Enfin, la Chine modernise ses bombardiers stratégiques. Mais elle se sent vulnérable. Pour la Chine comme pour la Russie, le système de défense anti-missiles américain [Thaad] détruit ce que Pékin et Moscou nomment la stabilité stratégique.
[...]
SI l’OTAN est une obsession russe, la Chine est surtout obnubilée par l’alliance militaire entre le Japon et les États-Unis. Il n’y a en fait ni alliance ni rivalité entre la Russie et la Chine dans le domaine militaire mais elles ont des intérêts communs, comme le montre la déclaration conjointe de 2016 sur la stabilité stratégique. Vladimir Poutine et Xi Jinping ont utilisé ce terme qui relevait de la dissuasion nucléaire pour s’opposer au soutien occidental aux “printemps arabes” et plus généralement aux mouvements démocratiques. »