Il est reconnu depuis longtemps que l’alignement plus étroit entre Moscou et Pékin, qui remonte à près de trois décennies, offre à chacun d’amples avantages politiques et diplomatiques. Un aspect moins bien exploré de la relation pourrait examiner comment ces partenaires apprennent les uns des autres dans divers domaines, y compris dans le domaine crucial de la stratégie. J’ai déjà souligné dans cette enceinte que les stratèges chinois ont examiné attentivement la guerre en Ukraine et l’annexion de la Crimée. Cette édition de Dragon Eye examine de près une évaluation chinoise de l’intervention militaire de la Russie en Syrie.
L’interprétation de la guerre de Syrie par la Chine pourrait s’avérer très importante. J’ai récemment soutenu que Pékin pourrait jouer un rôle majeur parmi plusieurs grandes puissances désintéressées (et donc neutres) en aidant à trouver une solution diplomatique au nœud gordien qu’est la situation actuelle de la Syrie. Un tel rôle serait tout à fait conforme à ses ambitions d’être une véritable puissance mondiale, fournissant des biens publics mondiaux pour la sécurité internationale et facilitant simultanément l’ouverture de vastes corridors commerciaux traversant l’Eurasie.
Pourtant, il y a un aspect potentiellement plus sombre de l’examen de la guerre de Syrie par la Chine. En effet, un danger est révélé dans cette étude publiée fin 2017 dans la revue Russian, East European and Central Asian Studies [俄罗斯东欧中亚研究] de la prestigieuse Académie chinoise des sciences sociales. En termes simples, ce danger est que les stratèges chinois pourraient conclure que la guerre russe en Syrie fournit un paradigme précieux pour les utilisations futures possibles de la force chinoise sur des théâtres éloignés comme « opérations militaires antiterroristes [反恐军事行动] ».
Ce traitement de la guerre de la Russie en Syrie évalue l’intervention comme offrant « de nombreux avantages [多红利] », en plus d’accélérer la destruction de l’État islamique. L’intervention, selon cette interprétation a également augmenté de manière significative la position de la Russie dans le monde, a modifié le système international, a augmenté la confiance en soi des Russes, et a également « pris l’initiative dans la lutte avec l’Occident [Russians’] ».
L’auteur qualifie les actions du Kremlin contre l’Ukraine en 2014 de « résolues [毅然决定] », mais note également que la Russie a subi de graves conséquences économiques lorsque son commerce a chuté précipitamment, de sorte que le niveau de pauvreté a dépassé 15 pour cent de la population russe, comme l’indique cette étude chinoise. Ainsi, il est reconnu que le Président Vladimir Poutine a pris la décision d’intervenir avec vigueur en Syrie « … dans le contexte complexe de la Russie, confrontée à des circonstances externes et internes relativement difficiles. [面临内外交困的复杂背景] »
Il est à noter que la guerre de Syrie a permis à Moscou de « tester les résultats de son programme de construction militaire au cours des dernières années et les résultats des réformes [检验了今年来军队建设与改革的成果] ». Au niveau stratégique, le stratège chinois suggère que le Kremlin considère la Syrie comme son « poste avancé [前哨] » près de la porte de la Méditerranée orientale. Ainsi, l’intervention est également interprétée comme une confrontation dirigée contre les pressions de l’OTAN qui s’exercent sur le flanc sud de la Russie.