La Bourse de Shanghai a prolongé vendredi la dégringolade des séances précédentes, dans un climat de panique générale que les autorités chinoises ne réussissaient pas à endiguer - alors que la place shanghaïenne a lâché environ 30% de sa valeur en trois semaines.
L’indice composite shanghaïen a plongé de 5,77% vendredi, clôturant à 3 686,92 points, dans un volume d’échanges de 648,1 milliards de yuans (94 milliards d’euros).
L’ampleur de la débâcle donne le vertige : la Bourse de Shanghai s’est effondrée de 12% sur la semaine, et de presque 29% depuis son sommet du 12 juin, au plus haut depuis sept ans.
C’est du jamais vu depuis 1992, selon l’agence Bloomberg. En moins d’un mois, 2 800 milliards de dollars de capitalisation se sont envolés sur les marchés chinois.
La Bourse de Shenzhen ne résiste guère mieux : elle a perdu 5,30% vendredi, à 2.098,48 points - soit une chute de 16% sur la semaine et de 33% depuis mi-juin.
Cependant, ce ne sont pas les remous de la crise grecque qui font tanguer les Bourses chinoises - relativement isolées - mais l’éclatement d’une bulle locale aux fondements fragiles et dopée à l’endettement.
Avant de s’affaisser, la place shanghaïenne s’était envolée de 150% en douze mois... et elle paie désormais le prix de ses excès.
Rien ne semble plus pouvoir rassurer des investisseurs en déroute, qui continuaient vendredi de déboucler massivement leurs positions, persuadés que le marché allait s’enfoncer davantage.
Dans un pays où presque tout le monde, des coiffeurs aux chauffeurs de taxi, des jeunes employés aux retraités, s’est mis à boursicoter furieusement, la plupart des investisseurs sont des particuliers plutôt suivistes, un phénomène aggravant la chute.
« Tout le monde est très réticent à entrer sur le marché. Les gens tendent à paniquer facilement, cela joue fortement », indique à l’AFP Zhang Qun, analyste de Citic Securities.
« La Chine compte bien trop d’investisseurs particuliers, ils sont d’humeur très instable et manquent de connaissances professionnelles sur le fonctionnement du marché », déplore Chen Jiahe, stratégiste du courtier Cinda Securities. « En conséquence, toute mesure des autorités met du temps à être digérée et à faire effet, c’est seulement quand la défiance générale se sera inversée qu’on verra le marché se stabiliser ».
De fait, la Commission chinoise de régulation des marchés financiers (CSRC) ne ménage pas sa peine pour stopper l’hémorragie, mais sans grand succès.
Elle a assoupli les restrictions sur les opérations sur marge - dans lesquelles un investisseur emprunte pour acheter des actions - alors que celles-ci donnent lieu ces jours-ci à des appels de marge dévastateurs qui accélèrent mécaniquement la baisse.
La CSRC a également dévoilé jeudi un comité d’enquête pour scruter le marché et combattre toute manipulation des cours, sur fond de rumeurs énervées tous azimuts sur les réseaux sociaux.
« Ces annonces tardives des régulateurs ne peuvent pas contrôler la direction du marché » observait néanmoins Michael Shaoul, patron du courtier Marketfield Asset Management, cité par Bloomberg News.
« Ils ont découvert la limite de leurs pouvoirs face à un marché ouvert au public. Il est seulement possible d’influencer le moral des investisseurs », a-t-il souligné.
D’autant que même les mesures choc d’assouplissement monétaire annoncées en urgence par la banque centrale (PBOC) le week-end dernier ne sont pas parvenues à revigorer les marchés.
L’institution avait réduit une nouvelle fois ses taux d’intérêt et abaissé les ratios de réserves obligatoires de certains établissements financiers, pour les inciter à maintenir le crédit à leurs clients.
Mais rien n’y a fait, le carnage s’est poursuivi - et de l’avis de l’analyste Zhang Qun, les autorités chinoises ne pourraient faire autrement que de prendre des mesures supplémentaires ce week-end.
« Ce violent atterrissage sanctionne la dérive des Bourses chinoises, dont l’envolée, déconnectée de l’économie réelle, était nourrie par un gigantesque effet de levier. »
En effet, leur hausse s’expliquait en grande partie par une explosion des opérations sur marge, où les investisseurs s’endettent lourdement auprès d’intermédiaires financiers pour boursicoter, une technique à double tranchant, accroissant gains comme pertes.
Les efforts progressifs de la CSRC pour restreindre cette pratique jugée risquée ont contribué au récent retournement du marché, alors que s’intensifiaient les craintes d’une survalorisation des entreprises cotées.