Les pénuries d’eau ne sont pas un fait nouveau pour les Palestiniens. Que ce soit dans la Bande de Gaza ou en Cisjordanie occupées, y compris à Jérusalem Est, la fourniture d’eau dans les foyers palestiniens est sévèrement plafonnée et entravée.
Alors que la température monte en été, les robinets sont à sec. Clemens Messerschmid, hydrologue allemand qui a travaillé pendant vingt ans avec les Palestiniens sur leur alimentation en eau, appelle cette situation « hydro-apartheid ».
Cette année, la journaliste israélienne Amira Hass a publié des données qui prouvent que l’Autorité israélienne de l’Eau a réduit la quantité d’eau fournie aux villages de Cisjordanie.
Dans certains endroits, l’alimentation en eau a été brutalement réduite de moitié. Ses comptes rendus contredisent les démentis officiels comme quoi l’alimentation en eau des villes et villages palestiniens est coupée en été, même si cela non plus n’est pas nouveau.
Des villes et des villages ont passé jusqu’à 40 jours sans eau courante cet été, obligeant ceux qui pouvaient se le permettre à faire venir des citernes. Quand Israël a occupé la Cisjordanie en 1967, il a aussi pris le contrôle de l’aquifère de la montagne en Cisjordanie, principale réserve naturelle d’eau du territoire. Les accords d’Oslo au début des années 1990 ont donné à Israël 80 pour cent des réserves de l’aquifère. Les Palestiniens étaient supposés obtenir les 20 pour cent restants, mais ces dernières années, ils n’ont pu avoir accès qu’à 14 pour cent, conséquence des restrictions israéliennes sur leurs forages.
Pour faire face aux besoins minimum de la population, l’Autorité Palestinienne est obligée d’acheter le reste de l’eau à Israël. Mais même ainsi, ce n’est pas suffisant. Israël veut simplement vendre une quantité limitée d’eau aux Palestiniens. En conséquence, les Palestiniens utilisent beaucoup moins d’eau que les Israéliens et un bon tiers de moins que les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé qui sont de 100 litres par personne et par jour, pour l’usage domestique, les hôpitaux, les écoles et autres institutions.
L’Electronic Intifada a parlé avec Clemens Messerschmid, qui travaille dans le secteur de l’eau dans toute la Cisjordanie et la Bande de Gaza depuis 1997, à propos du manque d’eau provoqué pour les Palestiniens de Cisjordanie.
Charlotte Silver : La pénurie d’eau dans la zone est-elle la cause de la crise de l’eau en Cisjordanie ? Ou cette pénurie est-elle provoquée ?
Clemens Messerschmid : Bien sûr, il n’y a pas de pénurie d’eau en Cisjordanie. Ce dont nous souffrons, c’est d’une pénurie induite – cela s’appelle l’occupation. C’est le régime imposé aux Palestiniens immédiatement après la guerre de juin 1967. Israël gouverne via des ordonnances militaires, dont le résultat direct et intentionnel est de maintenir les Palestiniens à court d’eau. Il ne s’agit pas d’une dépossession graduelle continue comme avec la terre et les colonies, mais ce fut réalisé d’un seul coup en août 1967 par l’Ordonnance Militaire N° 92.
La Cisjordanie possède une ample nappe phréatique. La pluviosité est élevée à Salfit, au nord de la Cisjordanie, maintenant connue pour ses sévères coupures d’eau.
La Cisjordanie a la grande chance de posséder un trésor : sa nappe phréatique. Mais c’est aussi sa malédiction, parce qu’Israël l’a immédiatement ciblée après avoir pris le contrôle.
Ce dont nous avons besoin est simple : des puits dans la nappe phréatique pour avoir accès à ce trésor. Mais l’Ordonnance Militaire N° 158 interdit strictement les forages ou tous autres travaux aquifères, y compris les sources, canalisations, réseaux, stations de pompage, bassins d’irrigation, réservoirs d’eau, simples citernes de collecte d’eau de pluie qui recueillent la pluie qui tombe sur son propre toit.
Tout est interdit, ou plutôt rien n’est « autorisé » par l’Administration Civile, régime israélien d’occupation. Même réparer et entretenir les puits exige des permis militaires. Et nous ne les obtenons tout simplement pas. C’est un cas pur et simple d’hydro-apartheid – qui va bien plus loin que n’importe quel régime dont j’aie eu connaissance dans l’histoire.
Israël a augmenté la quantité d’eau qu’il vend aux Palestiniens, mais cela ne suffit encore pas à empêcher les villages d’être à sec. Si on laisse de côté le fait que le contrôle des ressources aquifères par Israël est très problématique, pourquoi Israël ne vend-il pas suffisamment d’eau aux Palestiniens ?
Tout d’abord, Israël a drastiquement réduit la quantité d’eau disponible pour les Palestiniens. Il a empêché tout accès au Jourdain, qui est maintenant littéralement asséché au lac Tibériade.
Et puis, Israël impose un quota sur le nombre de puits et refuse régulièrement les permis pour la réparation plus que nécessaire des vieux puits de l’époque jordanienne – la Jordanie a administré la Cisjordanie de 1948 jusqu’à l’occupation israélienne – spécialement les puits agricoles. Ceci signifie que le nombre de puits diminue constamment. Nous en avons moins qu’en 1967.
Maintenant, la seule chose qui ait augmenté, c’est la dépendance pour acheter l’eau aux expropriateurs, Israël et Mekorot, compagnie nationale des eaux d’Israël. Ceci est rapporté encore et encore dans la presse occidentale, parce qu’il s’agit d’un point qu’Israël met en avant : « Voyez comme nous sommes généreux ! »
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