Après des années de production offshore, General Electric réaménage une grande partie de ses opérations lointaines d’appareils de fabrication chez eux. Ce ne sont pas les seuls. Une exploration du retour surprenant et durable de l’industrie aux États-Unis qui ne fait que commencer.
Pendant une grande partie de la dernière décennie, l’histoire de l’Appliance Park de General Electric, à Louisville dans le Kentucky, est apparu moins comme un monument aux prouesses de fabrication américaine qu’un mémorial de celle-ci.
L’ampleur même de l’endroit semblait mettre en évidence son manque de pertinence. Six bâtiments de l’usine, chacun de la taille d’un grand centre commercial de banlieue, alignés de façon ordonnées en rangées. Le parking en face d’eux mesure un mile de long et dispose de ses propres feux de circulation, construit pour contrôler le chaos qui accompagnait jadis le changement d’équipes. Mais en 2011, l’Appliance Park n’employait même pas un dixième des personnes qu’il employait durant son âge d’or. La grande majorité des espaces de parcelles étaient vides, les feux de circulation semblaient délaissés.
En 1951, lorsque General Electric (GE) a conçu ce parc industriel, l’ambition de l’entreprise était aussi grande que le lieu lui-même ; GE n’a pas construit une usine d’appareils mais plutôt une ville d’appareils. Cinq des six bâtiments de l’usine faisaient partie du plan original, et dès le début, l’Appliance Park avait une centrale électrique réservée, sa propre brigade de pompier, et le premier ordinateur jamais utilisé dans une usine. L’installation était si grande qu’elle avait son propre code postal (40225). Elle fut le siège du département des appareils de GE, ainsi que l’endroit où à peu près tous les appareils étaient fabriqués.
En 1955, l’Appliance Parc employait 16 000 travailleurs. Dans les années 1960, le sixième bâtiment a été construit, l’effectif syndical produisait 60 000 appareils par semaine, et le complexe alimentait l’explosion de l’économie de la consommation des ménages américains.
L’arc qui a suivi est familier. L’emploi a continué d’augmenter dans les années 60, mais il a culminé à 23 000 en 1973, 20 ans après que l’établissement a ouvert ses portes. En 1984, l’Appliance Park avait moins d’employés qu’en 1955. Au milieu des luttes ouvrières au début des années 90, l’emblématique PDG de GE, Jack Welch, a suggéré que l’établissement fermerait ses portes en 2003. L’actuel PDG de GE, Jeffrey Immelt, a essayé de vendre l’ensemble du secteur électroménager de l’entreprise, y compris l’Appliance Park, en 2008, mais comme l’économie a piqué du nez, personne n’en a voulu. En 2011, le nombre d’employés qui pointaient – les gens qui font les appareils – est descendu à 1863. Jusque-là, l’Appliance Park avait été en déclin deux fois plus longtemps qu’il n’avait été en hausse.
Cette année pourtant, quelque chose de curieux et plein d’espoir a commencé à se produire, quelque chose qui ne peut pas seulement s’expliquer par le reflux de la crise économique, ainsi qu’avec le retour cyclique des travailleurs récemment licenciés. Le 10 février, l’Appliance Park a ouvert une chaine de montage tout neuve dans le bâtiment numéro 2 – en grande partie inactif pendant 14 ans – pour fabriquer des chauffe-eau à faible consommation d’énergie de pointe. C’était la première nouvelle chaîne de montage de l’Appliance Park depuis 55 ans et les chauffe-eau qui ont commencé à être produit étaient auparavant fabriqués pour GE dans une usine chinoise.
Le 20 mars, seulement 39 jours plus tard, l’Appliance Park a ouvert une deuxième nouvelle ligne d’assemblage, celle-ci dans le bâtiment numéro 5, pour fabriquer des nouveaux réfrigérateurs à porte française haute technologie. Le modèle haut de gamme peut détecter la taille du récipient que vous placez sous son robinet d’eau purifiée, et fermer celui-ci automatiquement lorsque le récipient est plein. Ces réfrigérateurs sont les dernières versions d’une tendance qui pendant des années était fabriqué au Mexique.
Une autre chaine de montage est en cours de construction dans le bâtiment numéro 3, pour faire un nouveau lave-vaisselle en acier inoxydable à partir de début 2013. Le bâtiment numéro 1 est en train de se procurer une chaine de montage pour fabriquer les machines à laver à chargement frontal à la mode et les sèche-linge assortis que les Américains affectionnent ; GE ne les avaient jamais auparavant fabriqués aux États-Unis. Et l’Appliance Park dispose déjà de nouvelles installations de fabrication de plastiques pour faire les pièces de ces appareils, y compris des articles élémentaires comme les grilles recouvertes de plastique qui vont dans le lave-vaisselle.
Au milieu de ce renouveau, Immelt a fait une assertion étonnante. Dans un article du Harvard Business Review, écrit de sa main en mars, il a déclaré que « la sous-traitance comme modèle d’entreprise est en train de devenir obsolète pour GE Appliances ». Seulement quatre ans après avoir tenté de vendre l’Appliance Park, croyant que celui-ci était la relique d’une époque que GE avait transcendée, il investit quelques 800 millions de dollars pour redonner vie à l’ endroit. « Je ne fais pas ça par charité », a-t-il dit lors d’un événement public en septembre. « Je fais cela parce que je pense que nous pouvons le faire ici en gagnant plus d’argent. »
Immelt n’a pas seulement changé de cap, il a fait une pirouette.
Que s’est-il passé ? Il y a cinq ans, sans parler d’il y a 10 ou 20 ans, la logique incontestée de l’économie mondiale, c’était que vous ne pouviez pas produire grand-chose, à part un hamburger de fast-food, aux États-Unis. Maintenant, le PDG de la principale compagnie de l’industrie manufacturière de l’Amérique dit que ce n’est pas l’Appliance Park qui est obsolète, mais que c’est la délocalisation qui l’est.
Pourquoi est ce que tout à coup cela fait sens de construire non seulement des lave-vaisselles à l’Appliance Park, mais aussi les grilles qui vont avec ?