Alors qu’Ankara a réagi de façon virulente à la visite de représentants kurdes syriens jeudi à l’Élysée, l’agence de presse semi-officielle turque Anadolu a publié vendredi 30 mars, sur son site Internet, une carte où figurerait les emplacements de la présence militaire française en Syrie. Il s’agirait de cinq bases militaires, principalement dans le nord, dans des zones contrôlées par les Forces démocratiques syriennes, bases d’où près « 70 soldats français » opéreraient actuellement dans le nord-est de la Syrie.
Si avérées, les informations publiées par l’agence Anadolu sont potentiellement sensibles et pourraient constituer une forme de mise en garde d’Ankara à l’égard de Paris.
Jeudi [29 mars 2018], le chef de l’État français a reçu à l’Élysée des représentants des Forces démocratiques syriennes (FDS), composées de combattants kurdes syriens et arabes, auquel il a promis son soutien, espérant qu’un « dialogue puisse s’établir entre les FDS et la Turquie ».
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a néanmoins vu d’un très mauvais œil cette rencontre, se disant « extrêmement peiné » vendredi par la position « totalement erronée » de la France et jugeant que Paris ne pouvait servir de médiateur entre son pays et « une organisation terroriste ».
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Crise politique entre la France et la Turquie
Après la rencontre avec Emmanuel Macron, un représentant des Kurdes syriens à Paris a déclaré que le président français avait promis l’envoi de troupes françaises dans la région de Manbij. Vendredi, l’Élysée a démenti cette déclaration, affirmant que « la France ne prévoit pas de nouvelle opération militaire sur le terrain dans le nord de la Syrie en dehors de la coalition internationale anti-Daech (acronyme de l’EI en arabe) ».
Le ministère français de la Défense avait reconnu en juin 2016 la présence de forces spéciales françaises en Syrie « pour conseiller les FDS contre l’EI », notamment à Manbij, mais Paris est toujours demeuré discret sur le nombre ou l’emplacement de ces forces.
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La même agence de presse avait déjà révélé des emplacements militaires français et américains en juillet 2017.
L’agence turque Anadolu révèle l’emplacement de troupes
américaines et françaises en Syrie
[Infographic] US increases military posts supporting PKK/PYD in Syria https://t.co/KebziYDeGr pic.twitter.com/8N7BbWvLir
— ANADOLU AGENCY (ENG) (@anadoluagency) 19 juillet 2017
L’agence de presse turque Anadolu a dévoilé l’emplacement de dix sites des forces spéciales américaines et françaises en Syrie. Le Pentagone dénonce des « risques inutiles » pour les forces de la coalition.
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L’agence de presse turque Anadolu a listé, mercredi, l’emplacement de 10 installations militaires américaines, allant même jusqu’aux effectifs sur place. Elle évoque 200 soldats américains et 75 soldats des forces spéciales françaises dans un avant-poste à une trentaine de kilomètres au nord de Raqqa, capitale autoproclamée de l’organisation État Islamique (EI). Le Pentagone a refusé de commenter si ces données étaient exactes.
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Ces 10 bases militaires (deux aérodromes et huit avant-postes) sont utilisées pour apporter un soutien au Parti de l’union démocratique kurde (PYD), et à sa branche armée, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), qu’Ankara considère comme liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La Turquie considère les séparatistes kurdes du PKK comme une organisation « terroriste », alors que le conflit kurde en Turquie a coûté la vie à plus de 40 000 personnes depuis son déclenchement en 1984.
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« Macron franchit un seuil dans son rapport de force avec la Turquie »
Le ton monte entre Ankara et Paris, après le soutien affiché par Emmanuel Macron aux Kurdes de Syrie, dans le viseur de l’armée turque. Décryptage avec Olivier Piot, grand reporter, et auteur de Le peuple kurde, clé de voûte du Moyen-Orient.
La Turquie ne décolère pas après le soutien affiché, jeudi 29 mars à Paris, par Emmanuel Macron aux Kurdes de Syrie, visés par une opération militaire turque dans le nord du pays.
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Après la réception à l’Élysée, Asiya Abdellah, une représentante kurde, avait même affirmé que Paris enverrait des soldats à Manbij, où le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé à plusieurs reprises qu’il comptait étendre son offensive, après la prise d’Afrin. La présidence française a contesté vendredi ces propos, en assurant qu’elle ne prévoyait pas de « nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie en dehors de la coalition internationale ». Des forces spéciales françaises sont stationnées en Syrie, mais la France reste toutefois très discrète sur cette présence et sur le volume déployé.
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Quel est l’intérêt de la France à soutenir les Kurdes de Syrie, au risque de provoquer l’ire de la Turquie ?
Olivier Piot : La France est en train de comprendre, par le biais de son président, que les États-Unis s’apprêtent à quitter la région, et c’est un élément nouveau, car jusqu’en janvier, l’ancien chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson [limogé le 13 mars, NDLR] ne cessait d’affirmer que la lutte contre Daech n’était pas terminée et que Washington se projetait encore plusieurs années sur cette région. Or les récentes déclarations de Donald Trump montrent que les États-Unis envisagent sérieusement de se désengager de la région.
La présence occidentale, au moment où se posera la question de la reconstruction de la Syrie, dépendra donc en partie des intentions de la France. Emmanuel Macron l’a compris et a décidé d’envoyer un signal, si ce n’est clair, au moins net, aux Kurdes de Syrie, pour leur dire que la France sera toujours présente à leurs côtés. Reste à savoir de quelle manière, nous le verrons dans les prochains jours. Si Paris lâche les Kurdes aujourd’hui, cela veut dire qu’elle abandonne la possibilité d’avoir une alternative à une reconstruction de la Syrie qui ne se fasse que sous l’égide de Bachar al-Assad.
Le ton montre entre la France et la Turquie. Quelle est la marge de manœuvre d’Emmanuel Macron dans ce dossier ?
Emmanuel Macron est en train de franchir un seuil dans son rapport de force avec la Turquie. Jusqu’ici il s’était dit préoccupé, il avait prévenu le président Recep Tayyip Erdogan qu’il fallait faire attention à la stabilité de la région. Or on voit bien maintenant que l’objectif d’Ankara est de conquérir les 900 kilomètres de frontière au nord de la Syrie, donc jusqu’à la ville Qamishli, pour nettoyer la zone des terroristes comme le président turc le prétend.
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La France peut-elle aller jusqu’à envisager une intervention militaire pour protéger les Kurdes de Syrie ?
Ce qui se joue derrière le soutien aux Kurdes, c’est la présence d’une France qui défend ses valeurs, au nom de son histoire, et qui pourra lui permettre de peser demain sur la reconstruction de cette zone. Je crois que le président français est en train de tracer le début de ce qui pourrait devenir une ligne rouge pour les Turcs, et la première étape de cette ligne rouge à ne pas franchir est la ville de Manbij. Nous sommes dans une situation où les postures diplomatiques ne vont pas pouvoir suffire, et très rapidement nous allons nous retrouver, sur le terrain, devant des enjeux militaires. À ce moment-là, il faudra que la France, si elle compte encore jouer un rôle dans la région, puisse faire des choix.